Bastion de l'opposition russe, la Lettonie va suivre de près l'élection présidentielle
Ancienne république de l'Union soviétique, la Lettonie est membre de l'Otan et de l'Union européenne et partage une frontière de 214 kilomètres avec la Russie. Cela lui fait craindre qu'elle pourrait être la prochaine cible de Moscou, en cas de victoire en Ukraine. Ses relations avec la Russie se sont donc rapidement détériorées après l'invasion russe contre Kiev.
Le chef de la police lettone a ainsi averti lundi que les citoyens russes qui iront voter pour l'élection présidentielle à l'ambassade russe feront l'objet de contrôles de leurs permis de résidence et seront expulsés si nécessaire. Car pour la Lettonie, voter, c’est soutenir la Russie et donc la guerre, condamnée par le gouvernement. De quoi dissuader certains électeurs.
"Je ne vais pas aller voter, même si je suis citoyenne russe, parce que la guerre continue", confie Jelena, une habitante de la ville de Daugavpils. "Nous n’avons nulle part où voter dans notre ville, sinon j’irais, mais je serais expulsée", renchérit Zoja. Le consulat de Russie de Daugavpils est fermé depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a deux ans.
Riga, un bastion de l'opposition russe
Pour les citoyens russes voulant tout de même voter, il faudra se rendre à Riga. La capitale lettone est devenue depuis deux ans une destination privilégie de l’opposition russe. Intellectuels, artistes et journalistes s'y sont installés afin de poursuivre leur activité en toute liberté. Ils voteront dimanche contre Vladimir Poutine.
"Peut-être qu’on peut encore agir, juste pour le déranger… un petit peu", affirme Chulpan Khamatova. Star adulée en Russie, longtemps présentée comme pro-Poutine, l'actrice a même participé à un spot de campagne pour le président en 2012. Elle condamne désormais la guerre et votera pour quelqu'un d'autre. "Mais pour qui, je n’en sais rien", admet-elle.
L'ancienne vice-ministre de la Culture de Vladimir Poutine Yevguenia Chermeneva, elle, vit en Lettonie depuis l’annexion de la Crimée. "Après 2015, le chemin sur lequel s’engageait la Russie est devenu très clair et pour moi, il était impossible de continuer à travailler au service de l’Etat qui encourageait petit à petit la propagande", déclare-t-elle. Pour elle, le vote pour l’élection présidentielle russe n’a aucun sens. "Ce n’est pas un vrai scrutin mais un simulacre de vote", dénonce-t-elle.
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Continuer à résister
La présidentielle, qui aura lieu du 15 au 17 mars, devrait en effet voir triompher Vladimir Poutine, en l'absence de toute opposition. Kirill Martynov, le rédacteur en chef de Novaïa Gazetta, célèbre journal russe indépendant, qui a lui aussi quitté la Russie, a donc trouvé une alternative.
"Je pense que je vais juste détruire le bulletin officiel et mettre un bulletin avec le nom d'Alexeï Navalny pour ne pas voter pour un des quatre candidats fantoches qui supportent Poutine", affirme-t-il.
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Cette résistance, Kirill Martynov en fera preuve le jour du vote, mais sur la durée également. Une trentaine de journalistes l’ont en effet suivi à Riga pour continuer le journal. "En mars 2022, Novaïa Gazeta a été fermé par les autorités, à Moscou", explique-t-il. "Pour moi, le choix était sans appel: l’exil ou la prison".
De la nostalgie de l'époque soviétique dans une ville du sud
A Daugavpils, à une centaine de kilomètres de la frontière russe, la population cultive une certaine nostalgie de l’époque soviétique où la Lettonie était partie intégrante de l’URSS. Si beaucoup hésitent à voter, d'autres ne peuvent pas le faire, mais suivent les élections avec attention.
"Je me sens Russe", affirme Oleg Vinogradov, un historien local, "évidement que je suis de près la campagne électorale en Russie". A sa naissance, la Lettonie faisait partie de l'Union soviétique. Aujourd’hui Letton, il ne peut pas voter.
La directrice du Centre culturel russe de Daugavpils, Natalja Kozanova redoute la réélection de Vladimir Poutine. De nationalité russe sur son passeport, sa citoyenneté lettone l’empêche toutefois elle aussi de voter. "C’est important de suivre ces élections, car ça concerne un territoire voisin et il faut savoir quel type de voisin nous avons, quel type de relation nous entretiendrons", dit-elle.
Sujet TV: Estelle Braconnier
Adaptation web: Emilie Délétroz avec agences