"Brigitte Macron est un homme": les origines de la fake news qui agite l'Elysée
Depuis plus de deux ans, une folle rumeur agite les milieux complotistes et empoisonne la vie de la première dame de France: Brigitte Macron serait un homme. Mais quelles sont les origines de cette fake news et comment en expliquer son ampleur? Invitée jeudi dans Forum, Emmanuelle Anizon, grand reporter au Nouvel Obs, livre son analyse.
Emmanuelle Anizon a enquêté sur la genèse de cette fake news et sur ceux qui la portent. Elle a longuement rencontré la femme à l'origine de cette pseudo-révélation.
"Cette rumeur est née sur une obscure chaîne YouTube tenue par une medium. En décembre 2021, elle reçoit une femme, Natacha Rey, qui affirme avoir des preuves que Brigitte Macron est un homme. Cette émission - qui aurait dû rester dans un coin obscur d'internet - est relayée et vue par des centaines de milliers de personnes", a raconté la journaliste jeudi dans l'émission Forum de la RTS.
La reprise de la rumeur est telle que Brigitte Macron est contrainte d'intervenir dès janvier 2022 dans les médias pour la démentir personnellement. Elle porte également plainte pour diffamation. "Ce qui est intéressant, c'est que cette rumeur n'a pas faibli depuis qu'elle est née. Elle est toujours là, vivace. Ce qui frappe également, c'est qu'il y a une femme qui l'incarne dès le départ", souligne l'auteure de "L'Affaire Madame" aux éditions Studiofact.
Un phénomène qui en dit long sur notre société
Emmanuelle Anizon décrit la personnalité de Natacha comme celle d'une personne au départ cultivée, littéraire et défenseure de la cause animale. "Peu à peu, elle est entrée dans un état de défiance vis-à-vis des élites politiques, institutionnelles, médiatiques".
Natacha Rey a commencé à construire un mystère autour de la personnalité de Brigitte Macron, notamment autour de son premier mari
L'ampleur de ce phénomène décrit bien la dérive de la post-vérité contemporaine, symptomatique de notre époque, explique la journaliste. Elle appelle les personnes qui diffusent ces rumeurs "les défiants", plutôt que "les complotistes".
"Natacha Rey a commencé à construire un mystère autour de la personnalité de Brigitte Macron, notamment autour de son premier mari. Elle a passé de plus en plus de temps sur internet. Elle a fini par trouver ce qu'elle pensait être des preuves de cette transition de genre".
"Des élites qui nous mentent"
En outre, contrairement à ce qui a été dit à l'époque, il n'y a pas derrière Natacha Rey un parti d'extrême droite. "Le point de départ, ce sont des gens très divers, avec évidemment des relents qu'on pourrait qualifier d'extrême droite. Natacha Rey se plaint notamment de la perte des valeurs de la mondialisation, de toutes ces élites qui seraient "averties".
Il y a également d'autres stades dans cette rumeur, poursuit la journaliste. "C'est d'abord porté par des gens, on va dire, sincères dans leur démarche. Ils se donnent comme mission de "chercher la vérité" face à des élites qui leur mentent.
A noter que ce n'est pas la première fois qu'une Première dame est victime de rumeurs transphobes. Michella Obama a été victime de la même mécanique de la part de la complosphère américaine. L'ex-Première ministre de Nouvelle-Zélande Jacinda Ardern a elle aussi été visée par ce type de rumeurs.
>> Lire aussi : Les mécaniques complotistes comme celles évoquant Kate Middleton sont souvent "d'ordre psychiatrique", selon Pascal Wagner-Egger
Propos recueillis par Valentin Emery
Texte: Hélène Krähenbühl
Publié Modifié