Ce que les chansons de la campagne présidentielle disent de Kamala Harris et Donald Trump
Qu'il s'agisse de concerts, de sport ou de cinéma, la population américaine est habituée à des shows extraordinaires. Et la politique ne fait pas exception. Donald Trump et Kamala Harris, tous deux candidats à l'élection présidentielle, enchaînent les meetings pour motiver et convaincre les électeurs et électrices de voter pour eux. Et la musique joue un rôle important tant chez le candidat républicain que chez sa rivale démocrate.
Les chansons sont utilisées dans trois cas différents: pour motiver les sympathisants en attendant que le candidat arrive sur scène, pour accompagner l'arrivée sur scène et enfin pour rythmer les clips de campagne.
Faire plaisir à son électorat
Donald Trump utilise quelques chansons populaires récentes, mais la très grande majorité des sons utilisés dans sa campagne datent des années 1970 et 1980. C'est notamment le cas de "God Bless the USA", du chanteur Lee Greenwood. Cette chanson country très patriotique, datant de 1984, est d'ailleurs devenue un véritable hymne de ralliement, joué à chacun des meetings du candidat républicain.
Donald Trump et ses équipes cherchent à faire plaisir en utilisant ces vieilles chansons de rock chantées par des hommes blancs
Si Donald Trump et ses équipes choisissent des vieilles chansons, c'est parce que l'électorat du candidat républicain compte principalement des gens âgés de plus de 45 ans et que les tubes des années 1970 et 1980 leur rappellent leur jeunesse, selon Claude Chastagner, spécialiste de musique populaire anglo-américaine des XXe et XXIe siècles, interrogé lundi dans l'émission Tout un monde de la RTS. "En général, nous gardons toute notre vie les goûts que nous avons adoptés durant la période formatrice, entre 16 et 23 ans. Donald Trump et ses équipes cherchent à faire plaisir en utilisant ces vieilles chansons de rock chantées par des hommes blancs", ajoute-t-il.
Quant à savoir si ces choix reflètent les goûts musicaux de l'ancien président, cela importe peu: "Ce qui compte, ce n'est pas que Donald Trump aime ce genre de musique, mais que sa base électorale tend à s'y associer, comme les électeurs blancs, les ruraux, les personnes âgées, celles qui ont des valeurs plus conservatrices", affirme Mathieu Deflem, professeur de sociologie à l’Université de Caroline du Sud.
Si Kamala Harris jouait de la country, elle pourrait être accusée de coopter un style de musique qui n'est pas le sien ni celui de ses fans. Et ce serait perçu comme un manque d'authenticité
Du côté de Kamala Harris, ce sont surtout des chansons - plusieurs en espagnol - pop, funk et hip hop qui ont été plébiscitées lors des différents meetings qu'elle a tenus. La très populaire Megan Thee Stallion, qui soutient la démocrate, a même joué en live lors de son meeting d'Atlanta. Aucune chanson de style country, pourtant très populaire aux Etats–Unis, n'a pour le moment été jouée. Pour Mathieu Deflem, cette surreprésentation de pop et de hip hop correspond au profil d'une grande partie des partisans de Kamala Harris et de la population dont elle cherche le soutien, soit les jeunes, les personnes de couleur et les membres de la communauté LGBT+. Quant à l'absence de chansons country, le professeur l'explique facilement: "Si Kamala Harris jouait de la country, elle pourrait être accusée de coopter un style de musique qui n'est pas le sien ni celui de ses fans. Et ce serait perçu comme un manque d'authenticité."
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Réaffirmer ses origines
Kamala Harris a lancé sa campagne avec un clip publicitaire dans lequel la chanson "Freedom" de Beyoncé et Kendrick Lamar résonne avec les paroles prononcées par la candidate démocrate. Dans ce clip, le choix de cette musique est loin d'être anodin. Tout d'abord, le thème de la liberté ("freedom" ou "liberty") n'a cessé d'être repris à travers les époques. Déjà en 1800, la chanson de campagne d'Abraham Lincoln s'intitulait "Lincoln and Liberty". Plus récemment, Mitt Romney a choisi "Born Free" de Kid Rock pour sa campagne de 2012.
Ce thème de liberté est d'autant plus fort que le camp démocrate ne cesse de répéter qu'elle serait mise en danger si Donald Trump était à nouveau élu en novembre prochain.
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Enfin, selon Omise'eke Tinsley, professeure en études noires à l'Université de Californie à Santa Barbara, associer sa voix à celles de Beyoncé et de Kendrick Lamar permet à Kamala Harris de montrer qu'elle aussi, en tant que femme noire, peut être prise au sérieux. C'est également une manière de réaffirmer ses origines, Donald Trump l'accusant d'être "devenue noire" par calcul politique.
Le (dés)accord des artistes
La musique des campagnes électorales est souvent le sujet de discordes. En effet, les candidats ne demandent pas forcément l'accord des artistes auxquels ils empruntent des chansons. Donald Trump est coutumier du fait. Il s'est récemment fait reprendre par l'équipe de Céline Dion et son label Sony Music Entertainment Canada. La chanteuse québécoise n'a que très peu apprécié que le candidat républicain utilise sa chanson "My heart will go on", bande originale du film "Titanic", sorti en 1997. C'est sur son compte Instagram que la star québécoise a fait entendre sa colère: "Cette utilisation ou tout usage similaire ne sont ni autorisés ni approuvés par Céline Dion." Et de s'étonner du choix du titre: "Et franchement, cette chanson?"
Déjà durant la campagne présidentielle de 2016 face à Hilary Clinton, Donald Trump s'était attiré les foudres de plusieurs artistes. Une page Wikipédia recense d'ailleurs les chanteurs et chanteuses qui s'opposent à ce que leurs chansons soit utilisées par l'ancien président.
Outre Céline Dion, The Rolling Stones, Rihanna ou encore le chanteur Woodkid en font partie. La chanson "Run Boy Run" de ce dernier a notamment été récemment utilisée par Donald Trump dans un de ses derniers clips de campagne. Le chanteur français a immédiatement dénoncé sur X l'utilisation de son titre, qu'il qualifie d'"ironique". Il rappelle aussi que cette chanson est un hymne LGBT+, une communauté dont lui-même fait partie.
Contrairement à Kamala Harris, qui en utilisant la chanson "Freedom" de Beyoncé et Kendrick Lamar cherche à séduire les minorités, le choix de chanson de Donald Trump ne signifie pas qu'il se positionne en allié de la communauté LGBT+. D'ailleurs, selon l'Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), un deuxième mandat de Donald Trump constituerait même une véritable menace pour les droits et les libertés des personnes LGBT+.
Kamala Harris, elle, a obtenu l'autorisation de Beyoncé pour utiliser sa chanson "Freedom". Bien que la star n'ait pour l'instant pas officiellement apporté son soutien à la candidate, elle est ouvertement démocrate. Elle avait d'ailleurs chanté lors de l'investiture du second mandat de Barack Obama.
Sujet radio: Elias Baillif
Article web: Juliette May