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Ces colons israéliens qui veulent reconquérir la bande de Gaza

Ces colons qui veulent reprendre Gaza. [RTS - Capture d'écran]
Ces colons qui veulent reprendre Gaza / Mise au point / 16 min. / le 26 mai 2024
En Israël, certains estiment que le Premier ministre Benjamin Netanyahu est trop modéré. Parmi eux, les colons d'extrême droite réclament l'arrêt de toute aide à Gaza et le feu vert pour recoloniser l'enclave palestinienne, d'où ils avaient été évacués en 2005.

Certains ont à peine 12 ans et ils décident parfois de rater l’école pour empêcher l’aide humanitaire d’arriver à Gaza. La plupart d'entre eux viennent des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. Malgré leur jeune âge, ils parviennent à faire stopper tous les camions qui souhaitent se rendre dans l'enclave assiégée pour les fouiller. Ces adolescents se sentent investis d’une mission, face à un gouvernement jugé trop faible.

Si les camions passent, "le Hamas aura plus de force pour combattre. Il ne faut pas donner d’aide à nos ennemis", explique un jeune colon au micro de l'émission Mise au point. "Ce sont des tueurs, ils ne la méritent pas. Les civils n’ont qu’à quitter Gaza et partir en Égypte."

Ce sont des gamins. Ils ont le soutien du gouvernement, de la police, de la sécurité et des soldats. Ils veulent faire les beaux devant nous. Mais moi, si je lui donne un coup de poing, je le tue

Chauffeur de camion d'aide humanitaire

Face à eux, la police ne fait rien, ou presque. Les chauffeurs, quant à eux, se plient à ce contrôle sauvage sous peine de voir leurs camions attaqués, pillés ou brûlés. Tous Arabes israéliens, ils ne peuvent que regarder, impuissants, leurs frères palestiniens de Gaza mourir de faim.

"Ce sont des gamins. Ils ont le soutien du gouvernement, de la police, de la sécurité et des soldats. Ils veulent faire les beaux devant nous. Mais moi, si je lui donne un coup de poing, je le tue", s'emporte l'un d'eux, avant de se raviser pour éviter d'aggraver la situation.

Multiplication des avant-postes

Au nord de Ramallah, en Cisjordanie occupée, Yona Baranes s'est lui installé sur une petite colline. Ce jeune colon habite ce qu'on appelle un avant-poste, autrement dit une colonie illégale selon les accords internationaux et même pour les autorités israéliennes. Ces dernières ont d'ailleurs déjà démoli des constructions illégales dans cette région.

Yona Baranes ne voit pas pourquoi il n’aurait pas le droit de vivre dans son avant-poste. "On n'a viré personne, c’était juste une colline abandonnée", se défend-il, ajoutant que sa présence est un gage de sécurité dans la région. Selon lui, c’est en effet le retrait des colonies juives de Gaza en 2005 qui a permis les attaques du Hamas du 7 octobre dernier.

La solution est d’encourager le départ des Gazaouis. Cette terre nous appartient depuis toujours et pour l’éternité

Itamar Ben-Gvir, ministre israélien de la Sécurité nationale

A l'occasion du 76e anniversaire de l'Indépendance d'Israël, le 14 mai dernier, il a rejoint des milliers d’autres manifestants pour une marche symbolique vers la bande de Gaza pour réclamer d'y retourner, restant conscient toutefois qu'une cohabitation pacifique serait compliquée. "Après ce que nous avons vécu, ça va être dur de se pardonner. Ce sera peut-être possible dans une ou deux générations", espère-t-il.

Ce jour-là, le cortège rejoint un point de ralliement où le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir est attendu pour un discours. Issu de l'extrême droite, et lui-même habitant une colonie, il fait pression sur son gouvernement pour que Benjamin Netanyahu donne son feu vert à une recolonisation de Gaza.

"La solution est d’encourager le départ des Gazaouis. Cette terre nous appartient depuis toujours et pour l’éternité", proclame-t-il, sous les applaudissements et les cris d'enthousiasme de la foule.

>> Revoir aussi le sujet du 19h30 sur la fête nationale israélienne du 14 mai dernier :

Des milliers d’Israéliens ont profité de la fête nationale pour marcher sur Gaza et réclamer la recolonisation de la région
Des milliers d’Israéliens ont profité de la fête nationale pour marcher sur Gaza et réclamer la recolonisation de la région / 19h30 / 2 min. / le 14 mai 2024

Près de 600 familles prêtes à recoloniser Gaza

Les premières familles candidates à une recolonisation seraient déjà au nombre de 600. C'est Daniella Weiss, surnommée par la gauche la "grand-mère diabolique des colons", qui s'est proposée de planifier cette reconquête, attribuant une zone d'installation à chaque famille. "Nachala", le mouvement dont elle est secrétaire générale, vise le nettoyage ethnique de Gaza, comme elle le souligne au micro de Mise au point.

"Même si c'était leur pays, ils ont perdu le droit de vivre ici. Sans compter que c’est une guerre et, dans chaque guerre, il y a des réfugiés", juge Daniella.

"Un paradis" à reconquérir

La famille Safer fait partie des candidates au départ. Avant les accords de paix d’Oslo et le démantèlement des colonies en 2005, Myriam, la mère, vivait dans une colonie juive à Gaza, où elle a grandi.

Avant, on vivait à Gaza tous ensemble. Il n’y a aucune raison de ne pas pouvoir y retourner. Quiconque est prêt à vivre sur nos terres avec nos règles est le bienvenu

Myriam Safer, mère d'une famille de colons

"Aujourd'hui, tout ce que vous voyez à Gaza, c’est la pauvreté et les combats. Mais c’était l’endroit le plus incroyable sur Terre, le paradis", fait-elle valoir.

Pour elle, vivre là-bas est son droit et la cohabitation avec les Palestiniens ne serait pas un problème. "Avant, on vivait là-bas tous ensemble. Il n’y a aucune raison de ne pas pouvoir y retourner. Quiconque est prêt à vivre sur nos terres avec nos règles est le bienvenu."

Seul un tiers des Israéliens sont favorables à une recolonisation

Les Israéliens ne seraient toutefois qu’un tiers à être favorables à une recolonisation de Gaza. L'activiste israélien Guy Butavia est même à l’opposé de cette idée. Chaque matin, il réunit une petite équipe de volontaires pour tenter de protéger les Palestiniens face aux colons, notamment dans la région d'Hébron, en Cisjordanie, un des points chauds de ce face-à-face.

Depuis le 7 octobre, les attaques de colons et les installations sauvages se sont largement accélérées. L'ONU a recensé près d'un millier d’attaques en six mois.

Il y a un mois, ils sont venus et nous ont jeté des pierres. J'ai été touché à la jambe. Ils cherchent à profiter de l'occupation pour nous chasser de notre terre et s’en emparer

Hossein Nawaja, fermier palestinien

Ce jour-là, Guy Butavia a été appelé par Hossein Nawaja, un fermier palestinien. Un colon s’est approché trop près de sa maison, alors que la zone est interdite aux Israéliens. Se sentant menacé, il n’ose plus aller cueillir ses olives qui poussent pourtant à quelques dizaines de mètres de chez lui.

"Il y a un mois, ils sont venus et nous ont jeté des pierres. J'ai été touché à la jambe. Ils cherchent à profiter de l’occupation pour nous chasser de notre terre et s’en emparer", déplore Hossein Nawaja.

Sans compter que depuis le début de la guerre, il est devenu difficile de faire la différence entre soldats et colons armés. "Des milliers de colons ont reçu des armes et des uniformes. Ils agissent officiellement avec l’autorité des soldats officiels, mais ce sont des miliciens. Leur motivation de chasser les Palestiniens de leurs terres peut maintenant être menée sous le couvert d’une autorité officielle", regrette Guy Butavia.

Les colons en question, que l'équipe de Mise au Point a pu approcher, se défendent. "On ne va pas les attaquer. Mais si quelqu'un vient vers nous, on doit faire ce qu’on doit faire pour la sécurité de notre village", déclare l'un d'eux.

Reportage TV: Sébastien Faure

Adaptation web: Fabien Grenon

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