Jamais, de mémoire d’observateur, une élection présidentielle américaine n’aura drainé autant d’argent : la campagne électorale cru 2024 sera la plus chère de l’histoire. La précédente avait déjà remporté ce titre, forte de ses 14 milliards de dollars de dépenses directes et extérieures (super PAC), tous candidats confondus (Maison Blanche et Congrès). Tout comme celle d’avant avec 6,5 milliards de dollars injectés…
Pour le moment, les deux principaux candidats à la Maison Blanche ont collecté sur leurs seuls noms 1,6 milliard de dollars.
Derrière ces sommes toujours plus colossales, on retrouve les super PAC, sortes d’enveloppes géantes, garnies de dons illimités et anonymes venant d’individus, d’entreprises ou d’organisations. Un système de financement opaque, qui permet aux plus riches d’influencer directement la politique américaine, comme le démontre l’analyse des données de la Commission électorale fédérale révélée par le Washington Post.
Les riches donateurs sont majoritairement républicains
Et le moins que l’on puisse dire c’est que les gros donateurs américains ont indéniablement le portefeuille à droite: les plus prodigues d’entre eux soutiennent exclusivement des super PAC d’obédience républicaine, qu'il s'agisse de la campagne pour la course au Congrès ou à la présidence du pays.
A l’image du milliardaire Timothy Mellon, qui a glissé jusqu’ici la bagatelle de 125 millions de dollars dans l’escarcelle du super PAC pro-Trump "Make América great again inc.", dont 40% de cette somme le lendemain de la condamnation de l’ancien président au pénal dans l’affaire Stormy Daniels. "Make America Great Again Inc" est le super-PAC qui a dépensé le plus dans la course à la Maison Blanche, avec 160 millions utilisés depuis 2023 uniquement pour s'opposer à Joe Biden puis Kamala Harris.
Côté démocrate, c’est l’ancien maire de New York et homme de médias Michael Bloomberg qui arrive en tête, avec 19 millions versés à un super PAC de soutien direct à Kamala Harris et plus de 42 millions investis au total pour la cause démocrate.
Chez les entreprises, c’est un tout autre scénario qui se dessine. Loin devant les lobbies traditionnels tels que l’industrie fossile ou pharmaceutique, ou encore le lobby des armes, c’est le secteur de la tech, et en premier lieu celui des cryptomonnaies, qui arrose le plus généreusement la campagne. Particularité: il finance chacun des deux candidats, signe de sa volonté de peser à l’avenir sur la politique financière américaine.
Le poids des super PAC
Comment expliquer cette escalade? Le signal de départ a été donné en 2010, après que l’arrêt "Citizens United v. Federal Election Commission" de la Cour Suprême a permis l’apparition des super PAC, sortes d’enveloppes géantes autorisant les dons illimités et anonymes d’individus, d’entreprises ou d’organisations. Une seule interdiction: ces enveloppes doivent rester indépendantes des candidats et des partis. Depuis 2012, ces sommes servent donc essentiellement à financer des campagnes de publicité, la plupart visant à discréditer le candidat adverse.
Mais cette année, selon l’analyse des données de la Commission électorale fédérale par Politico, la stratégie appliquée par les super PAC démocrates diverge des précédentes élections. Tandis qu’en 2020 et 2016, les publicités visaient surtout à s’opposer à Donald Trump en créant des contenus négatifs, elles s’emploient désormais à mieux faire connaître Kamala Harris et expliquer sa vision politique. Résultat: les électeurs des États clés, les fameux swing states, sont bombardés de beaucoup plus de contenus, qu’ils soient positifs ou négatifs, sur la candidate que sur son adversaire, la rendant omniprésente tant sur les réseaux, qu'à la télévision ou la radio.
En 2016, Hillary Clinton avait dépensé plus d'argent que Donald Trump en publicité, mais c'est en grande partie la présence médiatique permanente de ce dernier qui lui avait fait remporter l'élection.
Le poids des petits donateurs
Pour autant, aussi puissants et riches soient-ils, les super PAC ne sont pas les seuls à dessiner la campagne. Ceux qui font don de moins de 200 dollars directement au comité de campagne des candidats représentent une part importante des fonds collectés. Ces petits donateurs contribuent même pour 42% à la totalité des sommes engrangées par le comité de campagne de Kamala Harris, contre 32% pour celui de Donald Trump.
Cécile Denayrouse