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Christophe Ayad: l'attaque du Hezbollah marque "une volonté de retourner à la normale"

L'invité de La Matinale - Christophe Ayad, grand reporter au Monde et spécialiste du Hezbollah
L'invité de La Matinale - Christophe Ayad, grand reporter au Monde et spécialiste du Hezbollah / La Matinale / 12 min. / le 26 août 2024
Le Hezbollah libanais a tiré dimanche des centaines de roquettes sur Israël en riposte à l'assassinat d'un de ses chefs militaires. Dans La Matinale de la RTS, Christophe Ayad, spécialiste du mouvement chiite, estime que cette attaque, qui n'a pas touché de civils, vise à créer de l'incertitude tout en sortant de la logique d'escalade.

Le Hezbollah libanais a lancé dimanche en quelques heures des centaines de drones et de roquettes contre Israël et ses bases militaires. Le mouvement islamiste chiite a agi pour venger l’assassinat de l'un de ses chefs militaires à Beyrouth le 30 juillet. En face, l’armée israélienne a immédiatement réagi avec des frappes préventives au Liban pour empêcher une "attaque d'envergure".

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Le Hezbollah assure que ces tirs ne sont que "la première phase de sa riposte". Mais pour Christophe Ayad, auteur de "Géopolitique du Hezbollah", cette attaque est surtout une manière pour le Hezbollah de restaurer son honneur tout en démontrant sa capacité de dissuasion.

Invité dans La Matinale de la RTS, cet expert explique que "ce qui a surpris, c'est toute la communication autour de cette opération: avant, pendant, après. C'est plutôt inhabituel pour le Hezbollah, qui est plutôt coutumier d'actions surprises". L'ampleur de l'attaque est aussi inédite. "Le Hezbollah a tiré 300 roquettes au lieu de 100 maximum jusqu'à présent."

Semer le doute

Christophe Ayad note néanmoins que l'opération du groupe libanais était de même nature que celles menées jusqu'ici. "Le Hezbollah n'a pas réussi, à ma connaissance en tout cas, à frapper des cibles inédites. Il a visé des bases militaires, comme ça a été le cas depuis le 8 octobre. On n'a pas visé des centres civils, l'aéroport de Ben Gourion à Tel-Aviv par exemple."

Cela permet de maintenir une pression psychologique sur Israël, dont 80'000 habitants ont évacué le nord du pays depuis le 8 octobre

Christophe Ayad, spécialiste du Hezbollah

Viser des civils aurait constitué le franchissement d'une ligne rouge. Mais le Hezbollah n'a pas voulu continuer dans la logique d'escalade, estime le grand reporter du Monde. "Là, je pense qu'il y a plutôt une volonté de retourner à la normale tout en faisant beaucoup de communication et beaucoup de bruit."

La stratégie du mouvement libanais consiste plutôt à instaurer un climat d'incertitude, selon Christophe Ayad. D'un côté, le Hezbollah laisse entendre que l'attaque de dimanche n'était qu'une première phase de la riposte et de l'autre, son secrétaire général dit aux Libanais qu'ils peuvent rentrer chez eux. "Cela permet de maintenir une pression psychologique sur Israël, dont 80' 000 habitants ne vivent plus dans leur maison et ont évacué le nord du pays depuis le 8 octobre", rappelle le journaliste.

Bien plus puissant que le Hamas

Le Hezbollah libanais a par ailleurs une capacité de dissuasion bien plus importante que le Hamas palestinien, pointe Christophe Ayad. "Des dizaines de milliers de personnes soutiennent le Hamas, je ne parle pas d'hommes armés, mais bien de soutiens. On peut parler de centaines de milliers de personnes, voire de millions, dans le cas du Hezbollah."

"Une attaque frontale et globale contre le Hezbollah reviendrait à provoquer des milliers de morts civils en Israël

Christophe Ayad, spécialiste du Hezbollah

"Une attaque frontale et globale contre le Hezbollah reviendrait à provoquer des milliers de morts civils en Israël", assure Christophe Ayad. L'arsenal du mouvement chiite "se compose de 150'000 roquettes, de drones et autres missiles" (lire encadré).

"Donc, nécessairement, le Hezbollah a la capacité de saturer le système de défense israélien." Si le Hezbollah ne cherche pas pour l'instant une guerre ouverte avec Israël, "c'est parce que la population libanaise n'en veut pas", conclut Christophe Ayad.

Propos recueillis par Pietro Bugnon/asch

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Le Hezbollah, un "Etat au-dessus de l'Etat"

Le Hezbollah est une organisation complexe et multidimensionnelle, explique Christophe Ayad. "C'est à la fois un parti politique présent dans la scène politique libanaise, qu'il domine à travers un système d'alliances et d'intimidation, et à la fois une milice qui a quasiment la forme d'une armée."

Lorsque Hassan Nasrallah parle, tout le monde l'écoute pour savoir ce qui va se passer au Liban. Lorsque le ministre libanais des Affaires étrangères parle, personne ne l'écoute

Christophe Ayad, spécialiste du Hezbollah

Le groupe possède 150'000 roquettes, des tunnels, des camions, des lance-missiles, des drones et des missiles sol-mer, liste Christophe Ayad. Mais contrairement à une armée traditionnelle, le Hezbollah est aussi "un groupe clandestin, qui a des ramifications en Afrique, en Amérique latine, mais aussi en Asie et en Europe".

Dans son livre, Christophe Ayad explique que le Hezbollah est "un Etat au-dessus de l'Etat". Il développe cette idée: "C'est une organisation qui a les moyens d'imposer ses propres intérêts, ses propres objectifs à l'Etat libanais. C'est-à-dire que lorsque son secrétaire général Hassan Nasrallah parle, tout le monde l'écoute pour savoir ce qui va se passer au Liban. Lorsque le ministre libanais des Affaires étrangères parle, personne ne l'écoute. Et d'ailleurs personne ne sait exactement qui c'est".