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Cinquante ans après, un ex-agent de la Stasi jugé pour le meurtre d'un Polonais qui fuyait à l'Ouest

L'ancien Checkpoint Charlie, un poste frontière pendant la guerre froide, à Berlin, sur la Friedrichstrasse. [Keystone - AP Photo/Markus Schreiber]
Un ex-agent de la Stasi jugé pour le meurtre d'un Polonais qui fuyait à l'Ouest / La Matinale / 1 min. / le 14 mars 2024
Un ancien agent de la Stasi, la police politique de l'ex-Allemagne de l'Est, comparaît à partir de jeudi à Berlin, accusé du meurtre d'un Polonais qui voulait fuir à l'Ouest et dont la famille réclame justice cinquante ans après les faits.

Depuis la chute de la République démocratique allemande (RDA, 1949-1990), plusieurs protagonistes du régime communiste ont été jugés en Allemagne. Beaucoup d'entre eux étaient des exécutants, tels les gardes-frontières est-allemands du mur de Berlin.

>> Relire aussi : Berlin, 9 novembre 1989, le jour où le Mur est tombé et Le Mur de Berlin vu par la TSR

C'est le cas de Martin N., 80 ans, un ancien membre de la police secrète politique est-allemande, qui doit répondre devant le tribunal de l'accusation de "meurtre" du Polonais Czeslaw Kukuczka.

Le 29 mars 1974, au passage de l'un des plus célèbres postes-frontières du Berlin de la guerre froide, surnommé "le palais des larmes", à la gare de Friedrichstrasse, l'employé de la Stasi, alors âgé de 31 ans, est soupçonné d'avoir abattu cet homme de 38 ans qui s'apprêtait à franchir le dernier point de contrôle avant de passer à l'ouest.

Menace de faire exploser l'ambassade polonaise

Tout avait commencé quelques heures plus tôt, comme l'ont montré les recherches minutieuses de deux historiens, l'Allemand Hans-Hermann Hertle et le Polonais Filip Ganczak.

Originaire de Limanowa, une petite ville au sud de Cracovie, Czeslaw Kukuczka, père de trois enfants, ancien pompier et employé d'une entreprise du BTP, rêvait d'une vie dans le "monde libre". Il s'était rendu à l'ambassade polonaise à Berlin-Est et avait menacé de faire exploser une bombe factice pour obtenir les papiers nécessaires à son passage à l'ouest.

Alertés par leurs collègues polonais, les services de la police secrète allemande ont fait croire à Czeslaw Kukuczka que sa sortie de RDA avait été acceptée, selon le parquet.

Abattu d'une balle dans le dos

La Stasi l'a fait conduire en voiture au poste-frontière et au moment où ce dernier pensait être en sécurité, Martin N., dissimulé, l'a abattu d'une balle dans le dos, a ajouté l'accusation.

L'avocat de la famille entend montrer que l'accusé "était le dernier maillon d'une chaîne de commandement". Mais plusieurs personnes impliquées dans le processus de décision, dont le bras droit de l'ex-chef de la Stasi, Erich Mielke, sont mortes.

Erich Mielke n'avait pas été condamné, après la chute du mur, pour ses activités à la tête de la Stasi de 1957 à 1989, faute de preuves suffisantes. Il s'était cependant vu infliger six ans de prison le 26 octobre 1993 pour le meurtre de deux policiers en 1931 quand il était un jeune militant communiste.

Le procès, qui sera enregistré en raison de son importance historique, a lieu après des années d'enquête, également côté polonais. Un mandat d'arrêt européen pour meurtre avait été établi à l'été 2021 à l'encontre de Martin N., retraité à Leipzig.

La Pologne avait demandé son extradition, ce qui avait poussé la justice berlinoise à se pencher à nouveau sur son cas: le 12 octobre 2023, il a été inculpé de "meurtre", un crime qui n'est pas prescrit.

Au moins 140 personnes ont trouvé la mort entre 1961 et 1989 en voulant franchir le mur de Berlin.

cab avec afp

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