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Comment soigner les blessures de guerre? Immersion dans la médecine de guerre en Ukraine

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Médecine de guerre / 36.9° / 46 min. / le 6 mars 2024
Le personnel de santé ukrainien mène une lutte quotidienne pour secourir et soigner des milliers de blessés dans des conditions extrêmes. On appelle cela la médecine de guerre. Sous les bombes dans les tranchées, dans les hôpitaux de campagne vétustes et les salles d’opération stériles, le dévouement est partout et la tâche énorme.

La guerre entre l’Ukraine et la Russie s’apparente à celle de 14-18. Une guerre de tranchée, dans la boue, le froid, sous une pluie d’obus. Secourir, soigner les blessés dans ces conditions extrêmes est un exploit quotidien. Le personnel soignant n’est pas à l’abri. "Un grand nombre de médecins meurent ou sont blessés. Ce sont des gens qui ne devraient pas mourir à la guerre, car ils aident non seulement nos soldats, mais aussi l'ennemi. Lorsque vous tuez un combattant, une personne meurt, et lorsqu'un médecin est tué, ce sont aussi les blessés qui meurent par ce qu’il n’a pas pu les aider", ajoute Pavlo, responsable d'un véhicule tout terrain médicalisé.

Lorsque vous tuez un combattant, une personne meurt, et lorsqu'un médecin est tué, ce sont aussi les blessés qui meurent par ce qu’il n’a pas pu les aider

Pavlo, responsable d'un véhicule tout terrain médicalisé

Les médecins de combat et les soldats sanitaires sont dans les tranchées, à côté des combattants. Les évacuations sont très périlleuses." Le travail le plus difficile en matière d'assistance est effectué par les médecins de combat, mais également par certains combattants formés sur la ligne de contact. Non seulement ils aident les soldats, mais ils sont aussi les plus durement touchés", explique Pavlo.

En Ukraine, avant la guerre, le personnel de santé s’occupait, comme chez nous, de réparer des déchirures de ligaments croisés, de soigner des cancers, des infarctus, des infections et des diabètes, dans des hôpitaux et des cliniques qui ressemblent aux nôtres. Aujourd’hui, ce sont des blessures comme ils n’en n’ont jamais vues, même dans les pires accidents de la route, qu’ils soignent au quotidien. "Ces deux dernières années, on rencontre des traumas qu’on n’avait jamais vus de notre vie. Je travaille dans le domaine de la traumatologie depuis une vingtaine d'années et jamais je n'aurais imaginé que nous devrions nous occuper de traumas aussi lourds. Ce sont des choses qui ne sont pas décrites dans les livres", explique le docteur Taras Petryk, Chef de service au centre d'orthopédie et de traumatologie à l'Hôpital-clinique régional de Kiev.

Le travail le plus difficile en matière d'assistance est effectué par les médecins de combat, mais également par certains combattants formés sur la ligne de contact.

Pavlo, responsable d'un véhicule tout terrain médicalisé

À l’hôpital de Mechnikov, depuis le début de la guerre il y a deux ans, le nombre d’opérations a été multiplié par dix. Treize tonnes de sang ont été transfusées. Les blocs opératoires fonctionnent jour et nuit. Même les étudiants en fin de cursus sont sollicités pour prêter main forte.

La guerre a forcé le personnel médical à développer des compétences en médecine de guerre qu’il n’avait pas auparavant. Pour le docteur Serhii Rygenko, directeur de l'hôpital de Mechnikov, cela a permis d'acquérir "une vaste expérience en matière de traitement, de chirurgie et de traumatologie. Au moins 50 opérations sont menées chaque jour pour sauver la vie de nos soldats. Bien sûr, c'est une expérience énorme, mais c'est tellement dur pour nous, le prix du sang. Vous pouvez voir que tous les cas sont extrêmement graves. Il n’y a pas de cas légers. Pour ça, il faut une grande compétence des médecins et de bons équipements. Et Dieu merci, 95 % des patients survivent."

Jamais je n'aurais imaginé que nous devrions nous occuper de traumas aussi lourds. Ce sont des choses qui ne sont pas décrites dans les livres.

Dr Taras Petryk, Chef de service au centre d'orthopédie et de traumatologie à l'Hôpital-clinique régional de Kiev

Se reconstruire après la blessure

Face au défi représenté par ces milliers de blessés, l’Ukraine est devenue experte en fabrication de prothèses.

A Lviv, tout à l’ouest du pays, l’organisation caritative Unbroken finance leur fabrication et la réhabilitation des personnes amputées. La réhabilitation est une part importante du travail. Dans l’attente de leurs prothèses, les blessés doivent garder la forme, éviter l’atrophie musculaire et trouver leurs marques pour aborder le futur avec un corps modifié.

En Ukraine, l’esprit n’est pas à la capitulation et la guerre n’est pas près de s’arrêter. Le flot ininterrompu de blessés non plus. Le système de santé va rester sous pression, éprouvant le professionnalisme des aides-soignants, personnel infirmier, médecins, volontaires, au service du bien le plus précieux : la vie.

Reportage TV: Jean-Daniel Bohnenblust et Erwan Jagut

Adaptation web: Gaëlle Bisson

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