Stéphane Juffa est l’un des nombreux déplacés qui ont trouvé refuge dans des zones plus sûres du pays. Il est aujourd’hui installé aux frais de l'Etat dans La Maison de Galilée, un hôtel assez luxueux qui comprend piscine, salle de sport, chambres spacieuses, terrasse confortable et des vues imprenables sur la vallée.
Mon village est détruit à 70%. Ma maison est détruite comme la plupart des autres. L'infrastructure villageoise — les routes, l'électricité, l'Internet, l'eau — n'existent plus
Au loin, le bruit d'un tir, une interception, une explosion, puis des stries dans le ciel. Un spectacle devenu presque banal pour le Genevois. "Ici et sur tout le pays, il y a deux jours, il y a eu cette fameuse attaque iranienne au missile balistique. On voyait les interceptions de missiles balistiques depuis la terrasse de nos chambres", raconte-t-il vendredi dans La Matinale.
Pilote, constructeur d'avions, puis journaliste, Stéphane Juffa dirige aujourd'hui une agence de presse. Cela fait quelques mois qu'il vit à Ratzor, à 38 kilomètres de son village de Metula, quasiment collé à la frontière libanaise. "Mon village est détruit à 70%. Ma maison est détruite comme la plupart des autres. L'infrastructure villageoise — les routes, l'électricité, l'Internet, l'eau — n'existent plus. Enfin, ils existent, mais il faut tout réparer", explique-t-il avec amertume. Stéphane Juffa garde un sac et trois valises, tout ce qui subsiste de son ancienne vie : "Voilà, vous êtes dans ce qu'il me reste de la maison".
"La situation n'était plus tenable"
Dans cet hôtel devenu refuge pour de nombreux déplacés, l'ambiance est lourde. Le chef de cuisine, Ratim Rallirel, un Israélien musulman sunnite, tente de maintenir un semblant de normalité.
"Avec les réfugiés, c'est comme si on formait une grande famille. Mais du point de vue psychologique, pour moi, la situation est très difficile. Nous sommes en guerre. Ce n'est pas une situation normale et facile", juge-t-il.
Les opérations ne sont plus seulement aériennes. Ils détruisent des tunnels d’attaques, des tunnels stratégiques. Ils s'en prennent directement aux terroristes du Hezbollah. Et tout ça va probablement nous permettre de sécuriser toute cette zone frontalière
Les avions de chasse israéliens passent régulièrement au-dessus de leurs têtes, ajoutant à l'atmosphère pesante. Ratim Rallirel, comme beaucoup d'autres, est résigné à l'idée que cette guerre sera longue: "J'ai connu plusieurs guerres, et je pense que pour atteindre nos objectifs, ça va prendre du temps", constate-t-il.
Pour lui, la situation n'était toutefois plus tenable et il fallait intervenir. "Je pense que c’était le moment de le faire. Qu’il fallait le faire. On était sans cesse menacé par Nasrallah et le Hezbollah", explique-t-il.
Une offensive pour la paix ?
Alona, 50 ans, une autre déplacée interne, partage le repas avec les autres réfugiés dans la salle à manger de l'hôtel. Elle soutient l'offensive israélienne au Liban et espère que cette guerre pourra ramener la paix.
Une fois que tous les terroristes et toutes les organisations terroristes d'Iran, de Syrie et du Liban auront été vaincues, je crois fermement que la paix pourrait s'installer
"Maintenant, nos soldats avancent au sol. Les opérations ne sont plus seulement aériennes. Ils détruisent des tunnels d’attaques, des tunnels stratégiques. Ils s’en prennent directement aux terroristes du Hezbollah. Et tout ça va probablement nous permettre de sécuriser toute cette zone frontalière", espère-t-elle.
"On n'a pas eu le choix"
Malgré le danger, Stéphane Juffa continue quant à lui à arpenter la région à bord de son Land Rover historique de 1994, connaissant chaque route et recoin de la pinède. "Ici, on entre dans un territoire de guerre. Là, carrément, on voit la base en dessous de nous", explique-t-il en pointant une base israélienne constamment visée par les roquettes du Hezbollah. Résigné, il souligne : "Quand on commence une guerre, on ne sait pas où elle s'arrête. Mais ce n'est pas nous qui avons commencé cette guerre. Nous, on n'a pas eu le choix."
La question des otages israéliens retenus à Gaza est également un sujet brûlant. Pour Stéphane Juffa, ces otages ont été "sacrifiés" par Benjamin Netanyahu.
À l’hôtel, Maurane, une autre réfugiée, pense souvent à eux, mais elle garde espoir pour l'avenir de son fils de trois ans: "Il va grandir et il va vivre dans la paix. Car une fois que tous les terroristes et toutes les organisations terroristes d'Iran, de Syrie et du Liban auront été vaincues, je crois fermement que la paix pourrait s'installer dans la région entre toutes les communautés.", analyse-t-elle.
"Ceux qui empêchent la paix, ce sont les terroristes et les organisations extrémistes. Pas les gens comme nous", conclut-elle.
Reportage radio: Nicolas Vultier et Jean Berset
Adaptation web: Tristan Hertig