Dans un climat tendu, les pays de l'OMS prolongent les négociations sur un traité commun sur les pandémies
L'Organisation mondiale de la santé est arrivée samedi soir au terme de sa réunion annuelle, lors de laquelle il a été décidé de prolonger d'un an les négociations entre les Etats membres concernant un traité commun sur les pandémies. L'objectif est de mieux se préparer et d'éviter de répéter les erreurs constatées lors du Covid-19.
Les pays membres ont également adopté des amendements au Règlement sanitaire international, un cadre juridiquement contraignant pour répondre aux urgences de santé publique, pour y introduire la notion d'"urgence pandémique" et "plus de solidarité et d'équité", précise un communiqué de l'OMS.
Cette décision "montre à quel point les pays veulent fortement et urgemment" cet accord, a estimé le directeur général de l'OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus. "La prochaine pandémie n'est qu'une question de temps", selon lui.
>> Lire à ce sujet : Le directeur de l'OMS exhorte à conclure un accord sur les pandémies
Une mosaïque de courants et de revendications
C'est dans ce contexte que se sont rassemblées plusieurs centaines de personnes devant le siège de l'organisation à Genève. Venus des quatre coins du monde - on pouvait apercevoir notamment des drapeaux du Japon, du Portugal, de l'Afrique du Sud ou de l'Autriche - ils ont exprimé leurs griefs durant trois heures dans une ambiance calme et assez détendue, derrière le slogan "We are the world".
L'élément frappant de cette manifestation était sans doute la diversité des courants de pensée qui y étaient représentés, des altermondialistes de gauche aux organisations proches de l'extrême droite, comme les "Freiheitstrychler", en passant par des courants libertariens ("Mass Voll") ou anarchistes, des sympathisants de Julian Assange ou encore des associations de médecins.
Derrière les revendications politiques, quelques discours haineux ou de la désinformation, parfois sur fond d'antisémitisme, ont été tenus. Des slogans complotistes ont été entendus, l'OMS devenant ainsi parfois l'"Organisation maçonique satanique".
Contre la vaccination et le mondialisme
Mais de manière générale, c'est le mot "liberté" qui revenait le plus, comme un fil rouge. En particulier la liberté de ne pas se faire vacciner, mais aussi le refus du mondialisme et la volonté de "démanteler toutes ces institutions globalistes".
Les manifestants accusent notamment l'OMS, en particulier la révision du Règlement sanitaire international, de se "mêler des politiques nationales de santé", explique Markus Häni, porte-parole des Freiheitstrychler, dans le 19h30.
Le complotisme se base sur un fond de vérité, mais il fait le saut vers l'idée que tout est corrompu, tout est faux, tout est dictature. C'est une exagération sans preuve
Un éventuel traité international anti-pandémie a pour ambition de coordonner les Etats membres en cas de pandémie mondiale. Il réglerait par exemple les transfert de technologies vaccinales et harmoniserait les mesures sanitaires. Selon les manifestants, il provoquerait une perte de souveraineté nationale et les pays pourraient se voir contraints de vacciner leur population, au profit de l'industrie pharmaceutique.
Des accusations réfutées par l'OMS mais aussi par Pascal Wagner-Egger, chercheur en psychologie sociale à l'Université de Fribourg et spécialiste du conspirationnisme: "Le complotisme se base sur un fond de vérité. Il y a parfois de la corruption, des lobbies qui agissent... Mais le complotisme fait le saut vers l'idée que tout est corrompu, tout est faux, tout est dictature. C'est une exagération sans preuve", décrypte-t-il dans le 19h30.
La manifestation s'est poursuivie dans la soirée avec une fête puis un retour dans un campement en France voisine.
Sujet radio et TV: Mohamed Musadak et Julien Chiffelle
Adaptation web: jop avec afp
Encore de nombreux obstacles
Les discussions à l'OMS sur un traité commun sur les pandémies achoppent actuellement encore sur la propriété intellectuelle, l'accès équitable aux vaccins ou encore le partage d'indications sur les pathogènes. De même que sur l'approche commune entre santé humaine, santé des autres espèces animales et environnement. "Des éléments d'un bon accord sont sur la table", avait estimé il y a quelques jours le ministre américain de la Santé Xavier Becerra.
Comme son pays et d'autres Etats occidentaux, la Suisse est ciblée par certains pour la défense de ses entreprises pharmaceutiques et sa volonté de licences volontaires et non obligatoires. "Il faut laisser ceux qui négocient faire leur travail", avait commenté lundi la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider sur de possibles concessions.
Après les polémiques sur les inégalités d'accès aux vaccins pendant la pandémie liée au coronavirus, l'objectif est d'éviter la même discrimination à l'avenir. Un dispositif Covax avait été lancé pour tenter de compenser ces disparités, mais des retards et des problèmes de distribution étaient survenus.
Les ONG estiment de leur côté que le projet d'accord ne règle pas suffisamment ce problème et n'empêchera peut-être pas les décalages entre pays riches et pays en développement observés pendant le coronavirus.