Cette réponse israélienne, si elle devait en rester là, semble plutôt mesurée. La télévision d’Etat iranienne donne d'ailleurs, elle aussi, une couverture modérée de l’événement. "On constate une forme de minimisation de l'attaque de la part de Téhéran", observe David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), dans l'émission Tout un monde. "Mais en même temps, il faut être très prudent, parce qu'il y a eu une communication quand même très martiale, voire menaçante de Téhéran."
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Quelques heures avant les frappes sur l'Iran dans la nuit de jeudi à vendredi, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, affirmait sur CNN que si Israël les attaquait, leur réponse serait "décisive, définitive et regrettable pour eux". "Donc de toute façon, il y a une logique escalatoire de facto", estime David Rigoulet-Roze.
Appels à la désescalade
Cette attaque fait donc craindre un risque d'engrenage et une extension du conflit à tout le Moyen-Orient. "La région est au bord de l'abîme", déclare le chercheur, citant le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, "malgré tous les efforts pour contenir un conflit qui s'élargit de manière régulière, à la fois en superficie et en intensité".
Inquiète, la communauté internationale appelle à une désescalade. Le président américain Joe Biden a notamment essayé de tempérer la réponse israélienne en disant au Premier ministre Benjamin Netanyahu "qu'il n'était pas question d'être entraîné dans une logique escalatoire incontrôlée", affirme David Rigoulet-Roze. "Et Israël est obligé de tenir compte de cette évaluation, parce qu'il ne peut pas se passer du soutien américain", ajoute-t-il.
L'Iran a suffisamment d'uranium enrichi pour faire plusieurs engins nucléaires
Pour l'expert, il semble donc logique qu'Israël n'ait pas visé de cibles nucléaires. L'Iran avait en effet prévenu qu'en cas d'attaque sur un de ses sites, son programme nucléaire civil irait vers le militaire. "L'Iran a suffisamment d'uranium enrichi pour faire plusieurs engins nucléaires", rappelle le chercheur. "La menace de l'Iran est tout sauf sibylline: s'il est attaqué, il prendra quasi automatiquement la décision de faire la bombe."
Pour David Rigoulet-Roze, cette menace explique "la rationalité des répliques qui sont menées", qui vise à "éviter cet engrenage et cette accélération des événements". La situation reste toutefois dangereuse, prévient-il, les choses étant susceptibles de dégénérer à tout moment.
Rupture stratégique
L'attaque de l'Iran contre Israël le week-end dernier représente une "réécriture complète de la grammaire stratégique régionale", estime David Rigoulet-Roze. Ayant longtemps été une "guerre de l'ombre", le conflit est aujourd'hui explicite. "Les protagonistes sont sortis de cette guerre de l'ombre à partir du moment où ils assument publiquement un certain nombre de choix stratégiques. Et là, en l'occurrence, c'est le cas depuis la frappe iranienne sur Israël", indique-t-il.
Les décideurs israéliens ont multiplié les déclarations disant que la frappe iranienne ne resterait pas impunie. Et on peut penser que ça ne se limitera pas à l'envoi de quelques drones
Face à cette rupture stratégique, David Rigoulet-Roze estime peu probable qu'Israël s'en tienne à la réponse modérée de vendredi matin. "Les décideurs israéliens ont multiplié les déclarations disant que la frappe iranienne ne resterait pas impunie", dit-il. "Et on peut penser que ça ne se limitera pas à l'envoi de quelques drones."
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Emilie Délétroz