Dernier jour de campagne pour les législatives françaises avant le grand saut dans l'inconnu
Le Rassemblement national (RN) espère toujours obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale malgré le "front républicain" mis en oeuvre par l'alliance de gauche du Nouveau Front populaire (NFP) et le camp présidentiel Ensemble pour la République.
>> Pour en savoir plus sur la stratégie pour contrer le RN dimanche, lire : Plus de 200 désistements pour tenter de contrer le RN lors du second tour des législatives françaises
"Je pense que nous avons des chances sérieuses d'avoir une majorité absolue à l'Assemblée", a assuré la présidente du RN à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, vendredi sur CNews-Europe1, estimant que les projections en sièges qui, sondages après sondages, ne donnent qu'une majorité relative au RN (lire deuxième encadré), "ne sont pas une science exacte".
A gauche aussi, certains espèrent déjouer les pronostics. "Nous pouvons gagner", a ainsi affirmé jeudi soir le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon, pour qui ce sont les "16 millions d'abstentionnistes" du premier tour "qui font la décision".
Les derniers jours de campagne ont été marqués par de vives tensions après l'agression de plusieurs candidats (lire premier encadré) et de l'équipe de la porte-parole du gouvernement Prisca Thévenot mercredi dans les Hauts-de-Seine.
"Ni RN ni LFI"
Le Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, et les présidents du Conseil représentatif des institutions juives de France, Yonathan Arfi, du Consistoire central, Élie Korchia, et du Fonds social juif unifié, Ariel Goldmann, ont appelé vendredi dans un communiqué à ne voter "Ni RN ni LFI".
"Nous faisons le choix des valeurs universelles et humanistes qui sont au coeur du judaïsme, comme de notre pacte républicain. En conscience, nous estimons que cela ne peut se faire aujourd'hui ni avec le RN ni avec LFI", déclarent les principaux représentants des institutions juives du pays.
Sur la radio RTL, Raphaël Glucksmann (Place Publique) s'est inquiété vendredi d'un risque de démobilisation des électeurs de gauche ou du centre au second tour des élections législatives face aux sondages prédisant que le parti de Marine Le Pen n'obtiendra qu'une majorité relative à l'Assemblée nationale.
"Ces élections sont devenues un référendum: voulons-nous oui ou non confier la France à la famille Le Pen et ses alliés?", a commenté l'eurodéputé en prônant la mise en place d'une "démocratie parlementaire".
"Assumer" avec ou sans majorité absolue
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin s'est refusé vendredi à évoquer la perspective d'une coalition anti-RN à l'Assemblée nationale au lendemain des législatives, estimant qu'il revenait au vainqueur du scrutin, qu'il soit ou non le parti de Marine Le Pen, de gouverner le pays, avec ou sans majorité absolue.
"Le RN gagnerait les élections, et parce qu'il leur manquerait quelques députés pour avoir les pleins pouvoirs, ils feraient ce qu'on appelle la désertion? Dans ce cas-là, c'est vraiment dire que les RN, c'est des jean-foutre. Ce n'est pas le cas, sans doute, j'imagine, parce que quand on se présente aux élections, qu'on déplace des millions de Français pour voter pour soi, qu'on a autant de bagout et peut-être même de prétention désormais que Jordan Bardella, on assume les charges du pouvoir, on n'est pas déserteur", a-t-il dit sur la chaîne BFM TV.
"Si pour des raisons d'intérêt général, il faut que je reste quelques jours de plus à la demande du président de la République, je resterai à mon poste. Par ailleurs, si un camp a gagné, il faudra que ce camp gouverne", a-t-il ajouté.
Le président du RN Jordan Bardella a plusieurs fois répété qu'il n'irait pas à Matignon sans majorité absolue ou quasi absolue.
juma avec agences
Une cinquantaine d'agressions physiques depuis le premier tour
Gérald Darmanin a fait état vendredi sur le plateau de BFMTV d'une cinquantaine d'agressions physiques et d'une trentaine d'interpellations depuis le premier tour des élections législatives du 30 juin où le RN est arrivé largement en tête.
>> Pour revivre le premier tour des législatives françaises, lire : Le RN devant le Nouveau Front populaire, le camp présidentiel largement battu
"Cette campagne est courte - moins de trois semaines - et pourtant nous comptons déjà 51 candidats, suppléants ou militants qui ont été agressés physiquement, sans compter les agressions verbales."
"Les agresseurs ont des profils extrêmement variés, soit des gens spontanément énervés, soit des militants politiques ou d'ultragauche ou d'ultradroite ou d'autres", a-t-il dit.
"Il y a eu des agressions de tous les côtés. C'est très partagé", a-t-il poursuivi.
>> Sur la campagne du premier tour, lire : Un dernier débat et une fin de campagne dans l'incertitude avant les législatives de dimanche en France
Enquête
Jeudi, la justice française a ouvert une enquête pour "violences commises en réunion sur un élu public", après l'agression la veille, près de Paris, de la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot et de son équipe lors d'une opération de collage d'affiches électorales.
Le candidat de la majorité présidentielle à Tourcoing (Nord), a confirmé "redouter des débordements dimanche", jour du second tour des élections. Un total de 30'000 policiers et gendarmes, dont 5000 à Paris et sa banlieue, seront mobilisés dimanche pour que les résultats du second tour du scrutin "soient respectés quels qu'ils soient", a-t-il indiqué.
Les derniers sondages donnent le RN vainqueur, mais sans majorité absolue
Vendredi, deux sondages donnent au parti d'extrême droite et à ses alliés une majorité relative: 200 à 230 sièges pour Elabe, 205 à 230 pour OpinionWay, une progression qui serait spectaculaire par rapport aux 88 députés RN sortants, mais insuffisante pour atteindre seul la majorité absolue (289 députés).
Les mêmes instituts voient le Nouveau Front populaire deuxième (165-190 chez Elabe, 145-175 chez OpinionWay), devant le camp présidentiel (120-140 pour Elabe, 130-162 pour OpinionWay), qui profiterait notamment des nombreux désistements de candidats hostiles au RN.
Dans le détail, les réticences sont a priori plus forte chez les électeurs centristes: en cas de duel gauche-RN, entre un tiers (Elabe) et la moitié (OpinionWay) de ceux qui voté pour le camp macroniste au premier tour envisagent de glisser dans l'urne un bulletin NFP.
En revanche les électeurs de gauche répugnent moins à faire barrage à l'extrême droite et seraient plus d'un sur deux (OpinionWay) voire deux sur trois (Elabe) à voter pour un candidat Ensemble pour la République dimanche face au RN.