Si le Hamas dénonce des massacres de l'armée israélienne, Tel Aviv préfère parler de frappes "ciblées" et accuse les chefs islamistes de se cacher parmi les civils pour les utiliser comme "boucliers humains". Pour les Israéliens, les bombardements ont toujours pour but d'éliminer des cellules terroristes.
Une stratégie assumée dès le 7 octobre et confirmée par la frappe du samedi 13 juillet. Car si le sort de Mohammed Deif reste inconnu, Rafa Salama, l'un de ses principaux lieutenants, serait lui bel et bien décédé dans cette opération.
Israël va l'emporter sur le plan militaire, tactique et stratégique, y compris avec ce genre de coup de force
Pour le géopolitologue Frédéric Encel, la stratégie israélienne porte donc – et continuera à porter – ses fruits. "Israël va l'emporter sur le plan militaire, tactique et stratégique, y compris avec ce genre de coup de force (...) ce genre de frappes éliminent les uns après les autres les cadres, les chefs et beaucoup de combattants du Hamas", explique-t-il mercredi dans La Matinale.
Ce qu'on voit depuis le début de la guerre, c'est la dilution totale du principe de proportionnalité
"Ces frappes ralentissent les organisations visées. Cela complique les communications, cela force les personnes à se cacher et ça annihile aussi les capacités de coordination puisqu'il faut ensuite les remplacer et remettre en place des procédures de communications. L'impact est réel", confirme de son côté Amélie Ferey, chercheuse à l'Institut français des relations internationales et experte du conflit israélo-palestinien.
Quel principe de proportionnalité?
Pour les deux spécialistes, les assassinats ciblés israéliens sont donc efficaces, mais la question des moyens déployés reste ouverte. "Ce qu'on voit depuis le début de la guerre, c'est la dilution totale du principe de proportionnalité", juge Amélie Ferey. "Israël est prêt à tuer un très très grand nombre de civils pour seulement une personne", ajoute-t-elle.
Le droit ne validera jamais que l'on poursuive un but par tous les moyens, parce que c'est justement la négation de toute proportionnalité
"C'est la fameuse proportionnalité de la riposte. A la guerre, la riposte est autorisée (...) y compris en vertu de la Charte des Nations unies et de son article 51. La légitime défense est admise. Maintenant, il faut savoir à partir de quand s'arrête la riposte et commence la vengeance de masse?", s'interroge de son côté Frédéric Encel.
"Limiter au maximum" les effets négatifs
Pour sa frappe ciblée sur des responsables du Hamas samedi dernier, l'armée israélienne a provoqué la mort de 90 personnes. Dans un communiqué publié après l’attaque de samedi, l’armée israélienne précise que "seuls des terroristes du Hamas étaient présents dans la zone visée par la frappe". Ils étaient avec Deif et Salama et, selon elle, il n’y avait pas de civils.
Les civils sont protégés par le droit humanitaire international. Depuis le début du conflit, ce sont au total des milliers de Gazaouis qui ont trouvé la mort parce qu'ils se trouvaient au mauvais endroit, au mauvais moment. Pour Philippe Currat, avocat spécialiste en droit pénal international, il faut pouvoir limiter au maximum les effets négatifs au cours d'un assaut.
"Si vous voulez atteindre un combattant qui se cache parmi les civils, vous pouvez penser qu'il y a là l'utilisation d'une sorte de bouclier humain (...) et c'est une infraction au droit de la guerre. Mais d'un autre côté, l'assaillant qui sait cela ne peut pas se permettre de tirer dans le tas. Il doit cibler son assaut et si les effets demeurent disproportionnés par rapport à la cible légitime qu'il veut atteindre, il doit y renoncer", analyse-t-il.
"Le droit ne validera jamais que l'on poursuive un but par tous les moyens, parce que c'est justement la négation de toute proportionnalité", conclut-il.
Reportage radio: Nicolas Vultier
Adaptation web: ther