Modifié

Des dizaines de milliers de personnes manifestent aux Canaries contre le surtourisme

Aux îles Canaries, les habitants manifestent pour changer le modèle et lutter contre le tourisme de masse
Aux îles Canaries, les habitants manifestent pour changer le modèle et lutter contre le tourisme de masse / 19h30 / 2 min. / le 20 avril 2024
Des îles Baléares aux Canaries en passant par Barcelone et Málaga, les mouvements hostiles au surtourisme se multiplient en Espagne, deuxième destination mondiale. Ils poussent les autorités à agir pour concilier le bien-être des habitants avec un secteur économique crucial.

Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté samedi dans les îles espagnoles des Canaries pour protester contre le tourisme de masse qui est en train selon elles de submerger l'archipel. Les manifestants ont exigé que les autorités limitent le nombre de touristes.

Pour les organisateurs de la manifestation, le modèle économique actuel est nuisible à la fois pour les habitants et pour l'environnement. Ils exigent que les autorités limitent le nombre de touristes.

"Nous ne sommes pas contre le tourisme. Nous demandons simplement qu'ils changent le modèle actuel, qui permet une croissance illimitée du tourisme", a déclaré l'une des manifestantes à la télévision publique espagnole.

Les manifestants réclament notamment l'arrêt de la construction de deux nouveaux hôtels sur Tenerife, la plus grande et la plus développée des sept îles de l'archipel, et que les habitants aient leur mot à dire dans les prises de décision concernant le développement du tourisme.

Certains membres du collectif "Canarias se agota" ont entamé une grève de la faim. [AFP - DESIREE MARTIN]
Certains membres du collectif "Canarias se agota" ont entamé une grève de la faim. [AFP - DESIREE MARTIN]

"Nos îles sont un trésor qui doit être défendu", assure "Canarias se agota" ("Les Canaries s'épuisent"), le collectif à l'origine de ce mouvement, dont certains membres ont entamé la semaine dernière une grève de la faim pour mettre la pression sur les autorités.

L'an dernier, les Canaries ont reçu 16 millions de visiteurs, soit sept fois plus que ses 2,2 millions d'habitants. Un chiffre extrêmement élevé au vu des "ressources" locales, a déploré le porte-parole du collectif Victor Martin, en dénonçant un "développement-suicide". Quatre habitants sur dix y travaillent dans le tourisme, qui représente 36% du PIB.

"Rentre chez toi"

Cette colère n'est pas isolée, plusieurs mouvements "anti-touristes", abondamment relayés sur les réseaux sociaux, ayant émergé ces dernières semaines ailleurs dans le pays.

A Málaga, haut lieu du tourisme de "sol y playa" (soleil et plage) en Andalousie (sud), des autocollants aux slogans peu amènes ont fleuri sur les murs et les portes des logements touristiques ("Avant ici, c'était ma maison", "ça pue le touriste", "rentre chez toi"...).

Même chose à Barcelone ou aux Baléares, où des militants ont installé de faux panneaux à l'entrée de certaines plages faisant état, en anglais, de risques de "chute de pierres" ou de piqûres de "méduses dangereuses", afin de faire fuir les visiteurs.

De multiples griefs, dont le manque d'eau

Parmi les griefs mis en avant par les habitants figurent la pression immobilière, la multiplication des locations touristiques ayant contraint de nombreux habitants à fuir les centres-villes, ainsi que les nuisances sonores et environnementales.

En Catalogne, confrontée depuis trois ans à une sécheresse historique, la pression exercée sur les réserves en eau par les hôtels de la Costa Brava suscitent ainsi l'agacement, alors que les autorités ont placé la quasi-totalité de la région en état d'urgence début février.

Plusieurs villes agissent

Dans les années 2010, déjà, des habitants s'étaient mobilisés contre le surtourisme, principalement à Barcelone. Mais après la pause due au Covid-19, l'exaspération semble avoir grimpé d'un cran, alors que l'Espagne a accueilli l'an dernier un record de 85,1 millions de visiteurs étrangers et que l'activité touristique devrait encore battre des records cette année, selon Exceltur.

Astucieuse, la municipalité de Barcelone a décidé de faire supprimer une ligne de bus de Google Maps afin que les touristes ne la trouvent plus sur leurs smartphones quand ils cherchent à se déplacer en ville pour rejoindre le célèbre parc Guëll. [KEYSTONE - RAF CASERT]
Astucieuse, la municipalité de Barcelone a décidé de faire supprimer une ligne de bus de Google Maps afin que les touristes ne la trouvent plus sur leurs smartphones quand ils cherchent à se déplacer en ville pour rejoindre le célèbre parc Guëll. [KEYSTONE - RAF CASERT]

Soucieuses d'éviter tout engorgement, plusieurs villes ont pris les devants, à l'image de Saint-Sébastien, au Pays basque (nord), qui a décidé fin mars de limiter à 25 personnes les groupes touristiques dans son hyper-centre après avoir interdit l'usage du haut-parleur lors des visites guidées.

Fin mars, Séville (sud) a annoncé qu'elle pourrait faire payer l'accès à sa célèbre Place d'Espagne pour les non-résidents. Barcelone a décidé de son côté de faire disparaître de Google Maps une ligne de bus très fréquentée par les touristes afin de la rendre aux habitants.

>> Lire aussi : Tour du monde des attractions touristiques qui ont décidé d'être moins accueillantes

Un poids économique considérable

Pour les autorités, ces décisions ne sont pourtant pas simples à prendre. En Espagne, le tourisme pèse pour 12,8% du PIB et concentre 12,6% des emplois: d'innombrables familles dépendent donc de ce secteur et verraient d'un mauvais oeil le pays se détourner de sa tradition d'accueil.

Les conséquences du surtourisme sur l'immobilier impliquent d'"agir pour limiter le nombre d'appartements touristiques", mais le gouvernement est aussi "conscient de l'importance du secteur touristique", a ainsi assuré dimanche la ministre du Logement Isabel Rodríguez, en défendant une approche équilibrée dans un entretien au quotidien El País.

>> Lire aussi : Nombre record de touristes internationaux en Espagne en 2023

jfe avec afp

Publié Modifié

L'année 2024 vers des records

L'activité touristique en Espagne, deuxième destination mondiale, devrait battre cette année son précédent record de 2023, a estimé récemment l'organisation patronale Exceltur. Le PIB touristique de l'Espagne devrait pour la première fois dépasser les 200 milliards d'euros en 2024.

Si l'activité dépasse en effet ce plafond pour s'établir à 202,651 milliards, conformément aux estimations d'Exceltur, ce chiffre représenterait une hausse de 8,6% par rapport à 2023 qui avait déjà connu un taux de croissance spectaculaire.

L'activité touristique, pilier de l'économie espagnole, pèserait alors 13,3% du PIB espagnol. Sur le seul premier trimestre, l'activité touristique a progressé de 13,8% dans le pays.

Selon Exceltur, l'Espagne profite de sa "situation sécuritaire favorable par rapport à d'autres destinations de la Méditerranée orientale face à l'escalade dans le conflit au Proche-Orient" mais aussi de la "reprise des déplacements au niveau mondial, notamment du marché asiatique" après la pandémie qui a fortement impacté le secteur.

Le pays, deuxième destination touristique mondiale derrière la France, bénéficie également de l'augmentation des liaisons aériennes et de la diversification de l'offre ferroviaire avec l'arrivée de nouveaux opérateurs.