Pékin et Hong Kong souhaitent empêcher que leurs étudiants et étudiantes s'engagent sur des questions sensibles ou politiques pendant leur séjour à l'étranger. C'est ce qui ressort de 32 entretiens menés par Amnesty International avec des étudiants chinois en Amérique du Nord et en Europe, y compris en Suisse.
Ainsi, la moitié de ces étudiants disent avoir été photographiés et suivis lors de manifestations dans leur ville d'étude. Un tiers ajoutent que leur famille a été menacée par la police chinoise à cause de leurs actions militantes.
Diverses menaces
Une étudiante qui a assisté à une commémoration des événements de Tienanmen raconte par exemple que son père a été sommé de "l'éduquer", pour qu'elle ne participe pas à des manifestations qui nuisent à la réputation de la Chine dans le monde.
En Chine, les membres de la famille sont parfois menacés de licenciement ou de perdre leur passeport. On peut également leur demander de couper les vivres à leurs enfants pour les forcer à se taire.
Une situation qui engendre stress, paranoïa ou dépression. Ainsi, par peur, des étudiants chinois ou hongkongais limitent leur participation en classe ou renoncent à une carrière académique, explique le rapport.
Des "lignes d'écoute" à mettre en place
Porte-parole de l'ONG, Nadia Bohlen appelle les universités suisses à prendre davantage de mesures. "La première chose à faire, c'est d'être conscient de cette répression transnationale. Les universités n'ont pas forcément conscience du phénomène", explique-t-elle lundi dans La Matinale de la RTS.
Et d'ajouter: "Une fois qu'on sait tout cela, il faut le dénoncer. (...) Le premier responsable de cette répression, c'est le gouvernement chinois et également les autorités hongkongaises. On les invite évidemment à cesser ces activités pour que le séjour de leurs étudiants puisse se faire dans les meilleures conditions et dans un climat de liberté académique."
Dans l'intervalle, la porte-parole estime qu'il faut mettre en place "des lignes d'écoute" pour les étudiants concernés, afin de lutter contre ce phénomène.
Protéger les étudiants de l'intimidation
Contactée par la RTS pour réagir à ce rapport, Simona Grano, professeure et spécialiste de la Chine à l'Université de Zurich, ne se dit pas surprise par ces conclusions.
L'experte estime également qu'il faudrait mettre en place "des mécanismes qui garantissent la protection des étudiants et du personnel contre la coercition et l'intimidation, tout en leur permettant également d'exprimer ouvertement leur opinion".
Et de citer l'exemple de certaines universités avec un grand nombre d'étudiants chinois, où les examens sont désormais rendus anonymes et où les discussions orales de groupe n'ont plus lieu, pour mieux protéger les étudiants. "Mais il s'agit aussi d'une forme d'autocensure qui va à l'encontre du débat libre et ouvert qui devrait être cultivé dans les universités occidentales", conclut-elle.
Sollicitée, Swiss Universities, faîtière des universités et des hautes écoles de Suisse, affirme de son côté ne disposer d'aucune données sur ce sujet.
Romain Carrupt