Des fonctionnaires occidentaux fustigent la position de leur gouvernement vis-à-vis d'Israël
Cette déclaration transatlantique, publiée vendredi en anglais, vise à alerter l'opinion publique et à dénoncer "l'une des pires catastrophes humaines de ce siècle". Les signataires, dont l'identité n'est pas révélée, estiment qu'il est de leur devoir de s'exprimer sur les politiques menées par leur Etat lorsque celles-ci sont "fausses".
La lettre a été signée par des diplomates, des hauts fonctionnaires et des fonctionnaires des Etats-Unis, de onze pays européens - parmi lesquels la Suisse, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Espagne ou l'Italie - et d'institutions européennes. Si le nombre exact d'employés helvétiques ayant apposé leur signature sur le texte n'est pas connu, la déclaration a bien circulé au sein de l'administration fédérale, a-t-on confirmé à la RTS.
Au total, près de 800 personnes auraient signé cette lettre ouverte, selon le média britannique BBC.
Appel à l'action contre Israël
Les signataires relèvent notamment qu'Israël n'a montré aucune limite dans ses opérations militaires à Gaza, entraînant des dizaines de milliers de morts parmi les civils. "Le soutien de nos gouvernements a été accordé sans conditions réelles ni responsabilités", affirment-ils.
Ils soulignent qu'"il existe un risque plausible que ces politiques contribuent à de graves violations du droit international humanitaire, à des crimes de guerre, voire à un nettoyage ethnique ou un génocide". Les fonctionnaires appellent ainsi leurs gouvernements à arrêter d'affirmer que les opérations israéliennes à Gaza sont justifiées et les enjoignent à forcer Israël à respecter les normes internationales humanitaires.
Ils préconisent l'usage de tous les leviers disponibles, y compris l'arrêt du soutien militaire, pour garantir un cessez-le-feu durable, un accès humanitaire complet dans la bande de Gaza et la libération des otages israéliens.
La déclaration appelle par ailleurs à développer une "stratégie de paix durable qui inclue un Etat palestinien sûr et des garanties pour la sécurité d'Israël".
Une émotion "compréhensible"
Contacté, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) déclare qu'il ne commente pas les lettres ouvertes. Il rappelle toutefois que les diplomates donnent leur appréciation au sein du département en fonction de leurs compétences et qu'il revient ensuite au Conseil fédéral de prendre des décisions, qui doivent être appliquées par l'administration.
Le président de la Commission de politique extérieure du Conseil national Laurent Wehrli dit comprendre l'émotion des signataires face à une situation "gravissime" à Gaza. Mais la Suisse n'est pas complice de ce qu'il s'y passe, insiste le conseiller national PLR vaudois, qui estime que la solution ne pourra se dessiner qu'avec les pays arabes.
La "complicité par passivité" de la Suisse dénoncée
De son côté, le conseiller aux Etats genevois et membre de la Commission de politique extérieure de la Chambre haute Carlo Sommaruga a estimé samedi dans l'émission Forum de la RTS que les critiques des signataires de cette lettre ouverte prouvent que ces derniers "n'ont pas été entendus", alors qu'ils constatent un "double standard" entre les positionnements face à la guerre au Proche-Orient et les autres conflits dans le monde. Ces fonctionnaires ne "se sentent pas complices d'une position politique qui est juridiquement et moralement inacceptable", selon le socialiste.
L'élu genevois s'est une nouvelle fois montré ouvertement critique envers la position du Conseil fédéral concernant la guerre à Gaza, pointant du doigt la passivité de la Suisse face à Israël. "Au-delà des condamnations, la Suisse n'a rien fait. Au contraire, elle a retiré son soutien progressif aux organisations qui défendent les droits humains en Palestine", a souligné Carlo Sommaruga, qui dénonce une forme de "complicité" helvétique dans cette guerre.
"On est complètement à côté de la réalité. [...] Lorsqu'on ne fait rien pour limiter l'importation en Suisse de produits qui viennent des colonies israéliennes, alors qu'on le fait par rapport à la Crimée, on voit bien qu'il y a un double standard, que la population et ces fonctionnaires [signataires de la déclaration transatlantique] n'acceptent pas. La population l'exprime par un boycott et les fonctionnaires par cette lettre", a ajouté le conseiller aux Etats.
Sujet et interview radio: Romain Bardet et Mehmet Gultas
Adaptation web: iar