L'hôpital public Rafic Hariri, à Beyrouth, se trouve à quelques centaines de mètres des zones lourdement bombardées depuis plusieurs semaines. Les frappes israéliennes se rapprochent, et les équipes médicales s'y préparent avec appréhension. C'est dans ce contexte que Simone Casabianca Aeschlimann, cheffe de la délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au Liban, a inauguré un nouveau service de chirurgie de guerre.
"La chirurgie de guerre est un type de chirurgie très particulier qui ne se pratique heureusement pas partout. Dans ce domaine-là, le CICR a une expérience de plus de 160 ans, et nous espérons pouvoir la mettre à profit, très malheureusement, ici au Liban", détaille-t-elle mercredi dans La Matinale.
Pour renforcer les équipes locales, des médecins internationaux ont été dépêchés. Parmi eux, le Dr Ozolio, chirurgien traumatologue nigérian, récemment arrivé de Gaza. En l'absence de blessés, il forme pour l'instant les infirmières à trier les patients en fonction de la gravité de leurs blessures: "Parfois la blessure est tellement grave que le patient se vide de son sang. Et là, le plus important, c'est d'arrêter le saignement. Donc si le patient a une blessure à la rate et qu'il saigne, on stoppe le saignement, et ensuite on intervient", explique-t-il.
Un hôpital affaibli par la crise économique
Outre l'expertise, le CICR a envoyé 17 tonnes de matériel médical pour venir en aide à l'hôpital, lourdement affecté par la crise économique que traverse le Liban depuis 2020. Dix des onze blocs opératoires ont été rénovés grâce à l'aide internationale. "Voilà les nouvelles lampes chirurgicales, ce sont des ampoules LED, c'est beaucoup plus moderne qu'avant", souligne Mariam Kalhoun, ingénieure médicale, qui rappelle que les salles d'opération sont "la colonne vertébrale de l'hôpital, surtout en temps de guerre".
Malgré cette aide, les soignants restent sous pression. De nombreux membres du corps médical ont dû quitter leurs foyers situés dans les zones de conflit. "Nous sommes en première ligne pour aider les gens qui en ont besoin, mais nous sommes aussi Libanais et devons faire face aux mêmes problèmes que tous les habitants. On a été déplacés par ce conflit et quand on termine nos gardes, on doit s'occuper de nos familles", confie Mariam Kalhoun.
Peur des frappes sur les hôpitaux
Une autre inquiétude grandit: la menace de frappes directes sur les hôpitaux. Le ministre libanais de la Santé, Firas Abiad, espère que la coopération avec le CICR protégera l'établissement, mais déplore que la neutralité des infrastructures de santé soit constamment violée. "Plus de 150 personnels médicaux ont déjà été tués et plus de 30 hôpitaux touchés par des frappes", déclare-t-il, appelant la communauté internationale à appliquer les principes du droit humanitaire.
A ses côtés, Simone Casabianca Aeschlimann répète le soutien du CICR au Liban, mais s’inquiète, car comme dans la bande de Gaza, les organisations humanitaires pourraient vite se retrouver impuissantes face à la machine de guerre Israélienne. "C'est l'une de nos plus grosses craintes, que l’espace humanitaire diminue, y compris avec moins de possibilité d’acheminer du matériel et du personnel humanitaire".
Alors que le conflit s'intensifie, les médecins de l’hôpital Rafic Hariri, tout comme la population libanaise, déplorent l'inaction de la communauté internationale, incapable pour l'instant d'arrêter les violences.
Reportage radio: Choé Domat
Adaptation web: Tristan Hertig