Cyclistes et autres personnes venues rendre hommage à la victime se sont retrouvés sur la place de la République à Paris. lls ont respecté une minute de silence à 17h45, heure à laquelle le jeune homme de 27 ans a été écrasé, semble-t-il volontairement, par un automobiliste avec qui il venait d'avoir un différend sur le boulevard Malesherbes, dans le 8e arrondissement de Paris [lire encadré].
L'émotion dans le rassemblement était d'autant plus forte que la victime était un "membre actif" de l'association Paris en Selle et ne "ménageait pas son temps pour expliquer avec douceur et pédagogie pourquoi il fallait plus de sécurité dans les aménagements routiers pour les cyclistes", a indiqué Ariel Weil, le maire de Paris Centre, présent à la manifestation.
Grand manque d'empathie entre usagers
"Je m'identifie beaucoup à Paul, qui avait un peu fait du vélo un combat... Je me suis reconnu dans ce qui lui est arrivé et ça m'a beaucoup affecté. Je veux maintenant faire de ce combat le mien", a confié à la RTS, présente sur place, un autre jeune cycliste, casque noir sur la tête et mains crispées sur le guidon de son vélo.
"Ca va accélérer mon engagement dans cette cause", poursuit-il, avant de déplorer que des frayeurs et altercations violentes avec des automobilistes se produisent plusieurs fois par semaine. "On n'est pas du tout en sécurité. Les gens ne s'en rendent pas compte. Il y a un grand manque d'empathie entre les usagers".
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Fragilité des cyclistes oubliée
Une autre cycliste abonde: les automobilistes sont une vraie menace pour les cyclistes et ne se rendent pas compte de leur fragilité, notamment ceux qui frôlent volontairement les usagers à vélo "pour leur faire peur" quand ils estiment que ces derniers ont fait une faute. "Ils ne se rendent pas compte que notre vie est en danger quand ils font ça", insiste-t-elle [lire aussi l'interview de Delphine Klopfenstein-Broggini en encadré].
A la fin de l’hommage, la mère de Paul, une grande femme très droite, la voix brisée, a demandé justice. "J'ai perdu mon fils, un tueur fou l’a écrasé. Il faut que ce genre de carnage n’existe plus et qu’il soit puni".
"Un avant et un après Paul"
Les élus présents ont tous martelé qu’il y aurait un avant et un après Paul, qu’il fallait mettre plus de moyens sur la question de la mobilité douce en ville, de la prévention et de la répression.
Des rassemblements ont eu lieu à la même heure devant les mairies de nombreuses autres villes, à l'appel notamment de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) et de l'association Mieux se déplacer à bicyclette.
"Il faut arrêter de considérer la voiture comme un prolongement de soi et la survaloriser dans la vie de tous les jours", a plaidé Barbara Delattre, professeure dans le secondaire II et membre de l'association Nice à vélo, ville où près d'une centaine de personnes ont observé une minute de silence.
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Sujet radio: Ariane Hasler
Adaptation web: Vincent Cherpillod/afp
La voiture remontait une piste cyclable
Accusé d'avoir écrasé Paul, un vendeur de 52 ans a été mis en examen pour meurtre et écroué après avoir été interpellé sur place, au volant d'un SUV.
Les témoins de la scène évoquent une attitude volontaire du conducteur lors du mouvement de la voiture vers le cycliste. Selon les dépositions de sept personnes et l'exploitation de la vidéosurveillance, enfreignant les règles de circulation, "le conducteur du véhicule remontait la piste cyclable sur 200 mètres et aurait roulé sur le pied du cycliste qui se trouvait à sa gauche", a relaté le parquet à l'issue de la garde à vue du conducteur.
Marques d'un franchissement du corps par le véhicule
Le cycliste aurait alors "donné un coup sur le capot pour alerter le conducteur, qui aurait dans un premier temps reculé, dégageant le pied" du cycliste, poursuit le Ministère public. Abandonnant son vélo, le jeune homme se serait ensuite "positionné à l'avant-gauche de la voiture pour manifester son mécontentement". Le conducteur aurait alors "tourné ses roues dans sa direction" et remis la marche avant.
"L'autopsie a confirmé les marques d'un franchissement du corps par le véhicule" et "la vidéosurveillance montre une surélévation de l'avant, puis de l'arrière du côté gauche du véhicule", a précisé le parquet.
Une erreur de manoeuvre due au stress, selon l'avocat
De son côté, l'automobiliste mis en examen s'est défendu en assurant n'avoir jamais voulu écraser Paul. "Il s'agit d'une erreur de manœuvre ou d'une perte de contrôle du véhicule dans le stress et l'angoisse d'une situation conflictuelle dont il cherchait à se dépêtrer", a justifié son avocat, le présentant comme "un père de famille tranquille [...] qui amenait sa fille de 17 ans à un rendez-vous chez l'ophtalmologue".
Il aurait remonté la rue en empruntant la piste cyclable pour éviter que sa fille n'arrive en retard à son rendez-vous, toujours selon son avocat, qui note aussi que le fait qu'il a dans un premier temps reculé dénote son absence d'intention de tuer et non le fait qu'il a voulu prendre de l'élan, comme l'indiquent certains témoignages.
"Il y a une éducation à faire aujourd'hui"
Pour la vice-présidente de Pro Velo Suisse Delphine Klopfenstein-Broggini, la fragilité des cyclistes, souvent oubliée par les autres usagers de la route, est un danger à souligner. "Très clairement, il y a une éducation à faire aujourd'hui", a-t-elle relevé dimanche dans le 12h30 de la RTS, ajoutant qu'entre un "SUV qui pèse plusieurs tonnes et un ou une cycliste", il y a un problème de proportions qu'il est important de prendre en compte.
Pour remédier au manque d'empathie et à la méconnaissance des éléments pouvant déboucher sur des accidents, Pro-vélo a mis en place une action de sensibilisation, Love is on the Road, avec un simulateur permettant aux usagers de la route de se mettre à la place de l'autre pour mieux anticiper ce qui se passe sur l'espace public.
Un espace public qui n'est pas toujours partagé de manière équitable, estime aussi la vice-présidente de Pro Velo Suisse: "Il faut le rappeler, les cyclistes occupent toujours une partie beaucoup trop faible, trop petite, de la chaussée". Elle appelle à redistribuer la place à disposition sur la route pour que celle dévolue aux véhicules motorisés individuels ne chasse pas les vélos et autres usagers plus faibles en bordure de la chaussée.
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