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Elections législatives françaises: ces candidats qui mettent leur parti dans l'embarras

Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite Rassemblement national, arrive au siège du parti, lundi 1er juillet 2024 à Paris. [AP Photo - Keystone - Thibault Camus]
Législatives en France: dérapages et interviews gênantes pour le Rassemblement national / Forum / 3 min. / le 5 juillet 2024
Une prise d'otage, une casquette nazie, une mise sous curatelle ou un fichier S: à l'approche du second tour des élections législatives françaises, le 7 juillet prochain, le profil problématique de certains candidats, surtout à droite mais pas seulement, interpelle.

Alors que la population française est appelée aux urnes ce dimanche pour le second tour des élections législatives, plusieurs potentiels membres de la future Assemblée nationale font polémique. Ces derniers jours, les médias ont en effet mis au jour une dizaine de cas problématiques, que ce soit en raison d'un passé politique sulfureux, de propos homophobes ou complotistes, de publications aux relents xénophobes ou antisémites sur les réseaux sociaux ou même d'une condamnation. Ces profils douteux concernent surtout le parti d'extrême droite du Rassemblement national (RN), mais pas seulement.

Pour l'heure, seule une candidate au profil embarrassant pour le RN s'est retirée de la course. Il s'agit de Ludivine Daoudi, qui s'était qualifiée pour le second tour du scrutin dans la 1ère circonscription du Calvados. Il y a plusieurs années, elle s'était immortalisée avec une casquette nazie. Ce cliché publié à l'époque sur les réseaux sociaux a récemment refait surface, forçant le parti d'extrême droite de réagir.

"Elle ne nie pas, elle a fait cette photo il y a plusieurs années dans une bourse aux armes à Saint-Pierre-sur-Dives", expliquait mardi au micro de France Bleu Philippe Chapron, délégué départemental du RN dans le Calvados. "Effectivement, il en convient que la photo est de mauvais goût. De toute manière, la candidature sera retirée dès aujourd'hui."

Un candidat RN placé sous curatelle

Autre profil qui interpelle: celui de Thierry Mosca, qui se présente dans la 2e circonscription du Jura sous l’étiquette RN. Il y a quelques jours, Mediapart révélait que ce dernier est placé sous curatelle renforcée depuis novembre 2023, ce qui est pourtant motif d'inéligibilité. "Il a fallu attendre la fin de certaines discussions (...). Je ne suis pas un dinosaure de la politique", a tenté difficilement de se justifier ensuite le principal intéressé au micro de Franceinfo. Malgré tout, le parti d'extrême droite de Jordan Bardella et Marine Le Pen a décidé de le maintenir.

Ce sera à un juge de se prononcer sur son cas, mais il le fera seulement après le second tour. Une situation que déplore son adversaire dans le Jura. "Ce n'est pas possible qu'on continue à avoir des candidats qui se présentent et qui sont dans l'inéligibilité, car ça fausse totalement une élection", a déploré sa rivale LR, Marie-Christine Dalloz, à nos confrères de Franceinfo.

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Jordan Bardella, président du parti d'extrême droite Rassemblement national, arrive au siège du parti, lundi 1er juillet 2024 à Paris. [AP Photo - Keystone - Thibault Camus]AP Photo - Keystone - Thibault Camus
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Une preneuse d'otage

Autre exemple encore, la candidate d'extrême droite dans la 3e circonscription de Mayenne. En 1995, Annie-Claire Bell avait été condamnée à de la prison ferme pour une prise d'otage à main armée à la mairie d'Ernée, comme l'a révélé le journal Ouest-France.

Si la candidate RN photographiée avec une casquette de sous-officier de la Luftwaffe s'est retirée de la course, la preneuse d'otage, elle, continue pourtant sa campagne "comme si de rien n'était", comme elle l'a confirmé cette semaine à BFM.TV. "Et je ne veux pas rentrer dans ce genre de polémique, donc pas de commentaire", a ajouté la septuagénaire.

Et c'est sans compter certains candidats RN qui, en pleine campagne, ont parfois usé d'explications lunaires pour se défendre d'être racistes. A l'instar du candidat d'extrême droite dans la 5e circonscription des Côtes-d'Armor, qui s'est défendu d'être "facho", car il n'avait "pas écrasé" un "curé de couleur". "Pas plus tard que dimanche, je suis allé à un rassemblement de motards où il y a eu une bénédiction. C'est un curé de couleur qui m'a béni et je ne l’ai pas écrasé avec ma moto", a-t-il affirmé.

Interrogée à ce sujet sur BFM.TV, Marine Le Pen a parlé ce jeudi de "maladresse", niant tout racisme de leur part. "Ce sont des braves gens qui se présentent, parce que l'Assemblée nationale, elle doit être à l'image de la France, pas à l'image de Sciences Po, pas à l'image de l'ENA", a-t-elle encore estimé. Et "objectivement, ce n'est pas une preuve de racisme", a-t-elle ajouté.

Des casseroles à gauche

De l'autre côté de l'échiquier politique, la gauche du Nouveau Front populaire (NFP), et plus particulièrement certains candidats issus de la France Insoumise (LFI), a aussi droit à son lot de casseroles. Sébastien Delogu, député LFI-NFP élu au premier tour dans 7e circonscription des Bouches-du-Rhône, en a fait notamment les frais. Très présent sur les réseaux sociaux, il a récemment reposté une vidéo associant un député juif à une pizza cuite au four.

"Je croyais que la pizza était là pour cacher la flèche pour justement ne pas appeler à la violence. C'est pour ça que je l'ai tout de suite supprimé et appelé au calme", s'est-il défendu au micro de TF1. Interrogé par Franceinfo, il s'est en outre dit "atterré par ces accusations" d'antisémitisme, expliquant que la boîte de pizza fait en réalité référence aux "pizzas apportées pendant les négociations de l'union de la gauche" pour les législatives.

"Polémique ridicule"

La France Insoumise (LFI), de son côté, dénonce une "polémique ridicule" et soutient pleinement ses candidats, comme Raphaël Arnault, candidat du NFP dans la 1ere circonscription du Vaucluse, à Avignon. Peu après la dissolution de l'Assemblée nationale, alors que son investiture surprise était annoncée, Europe 1 révélait que ce proche de Jean-Luc Mélenchon est fiché S. Fondateur du groupuscule d'extrême gauche Jeune Garde antifasciste, il aurait été impliqué dans des rixes contre des groupuscules fascistes.

De son côté, le principal intéressé affirme n'être au courant de rien. "Je ne peux même pas me défendre dessus étant donné que je n'en ai pas la connaissance", assure-t-il au micro de TF1. Quoi qu'il en soit, son adversaire RN au second tour n'a pas attendu pour en faire un argument de campagne. "Je pense qu'il y a quand même des règles a minima de moralité et de déontologie à conserver", a insisté Catherine Jaouen à TF1.

Des erreurs de casting

Le président du parti d'extrême droite Jordan Bardella a reconnu quant à lui que des erreurs de casting sont toujours possibles. "Il peut arriver qu'il y ait des brebis galeuses" parmi les candidats investis pour ces élections anticipées, a-t-il dit mercredi au micro de France Bleu. Et dans ce cas, poursuit-il, "je n'ai pas la main qui tremble et j'ai donc souhaité retirer l'investiture à des gens", faisant référence notamment au cas de Ludivine Daoudi qui avait posé tout sourire avec sur la tête un couvre-chef nazi.

Et pour se défendre, l'aspirant Premier ministre pointe le manque de temps dont a disposé son parti pour dénicher ses candidats après l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République. "Nous avons dû investir 577 candidats en moins de 48 heures et dans 99,9% des cas, il n'y a eu aucune difficulté", s'est-il justifié. 

Du côté des états-majors politiques, on était un peu moins regardants que d'habitude et on n'a pas procédé à un travail de criblage qui permet de s'assurer que le candidat à qui on va donner l'étiquette et l'investiture du parti est digne de confiance

Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et Stratégies d'entreprise à l'Ifop

La soudaineté de ces élections législatives est également la raison évoquée par Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et Stratégies d'entreprise à l'Ifop, pour expliquer ces profils qui mettent le RN dans l'embarras. "Du côté des états-majors politiques, on était un peu moins regardants que d'habitude et on n'a pas procédé à un travail de criblage qui permet de s'assurer que le candidat à qui on va donner l'étiquette et l'investiture du parti est digne de confiance"analyse-t-il au micro de TF1.

Une chose est sûre toutefois, une fois que les candidats siégeront sur les bancs de l'Assemblée nationale, ils devront tous respecter son code de déontologie dans lequel l'indépendance, la probité et l'exemplarité occupent une place centrale.

Fabien Grenon

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