Chaotique, la première audience visant le dirigeant de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) a été interrompue à plusieurs reprises par différentes requêtes de ses avocats. Ils souhaitaient notamment que tout soit enregistré en raison de la "dimension historique" du procès, qu'ils veulent "équitable".
Cette demande a été rejetée par le tribunal. Furieux d'être continuellement empêché de lire l'acte d'accusation, l'un des deux procureurs, Benedikt Bernzen, a reproché aux avocats leur comportement perturbateur. "C'est scandaleux", a-t-il dit. Esquissant un léger sourire, Björn Höcke, 52 ans, est entré en fixant longuement les procureurs dans la salle d'audience.
Quatre heures après l'ouverture, le procureur Benedikt Bernzen a pu lire l'acte d'accusation, d'une durée de deux minutes. "Il lui est reproché d'avoir utilisé en mai 2021 lors d'un meeting électoral à Merseburg (est) un slogan d'une organisation nationale-socialiste", a-t-il dit.
Björn Höcke, qui devrait selon ses avocats s'exprimer mardi prochain, avait déclaré lors d'un meeting électoral fin mai 2021 à Merseburg, non loin de Halle: "Tout pour notre patrie, tout pour la Saxe-Anhalt, tout pour l'Allemagne".
Des élections en vue
Quatre mois et demi avant des élections en Thuringe, région de l'ex-RDA communiste où Björn Höcke rêve d'accéder au pouvoir, ce procès à Halle, dans le Land voisin de Saxe-Anhalt, est particulièrement suivi. Des élections sont aussi prévues à l'automne en Saxe et dans le Brandebourg.
Quelques centaines de manifestants, brandissant des banderoles avec les inscriptions "stopper l'AfD" ou "Björn Höcke est un nazi" et criant des slogans contre l'extrême droite, se sont rassemblées devant le tribunal entouré de forces de police.
Créée en 2013, l'AfD a connu depuis l'été une poussée dans les sondages mais a récemment un peu reculé en raison de positions très radicales dans ses rangs, autour notamment du renvoi des étrangers d'Allemagne. L'un de ses principaux candidats aux élections européennes de juin a aussi été accusé d'avoir touché de l'argent d'un réseau de propagande financé par Moscou.
"Monument de la honte"
"Tout pour l'Allemagne" était une devise utilisée par les SA, formation paramilitaire du parti nazi qui a joué un rôle essentiel dans la conquête du pouvoir de Hitler. Björn Höcke, qui a notamment enseigné l'histoire pendant quinze ans au lycée, affirme ne pas l'avoir su.
En Allemagne, où la loi interdit formellement l'utilisation de slogans nazis ou l'exhibition en public de symboles du IIIe Reich, ce délit est passible de trois ans de prison.
En décembre dernier, lors d'un meeting de l'AfD à Gera, en Thuringe, Björn Höcke avait récidivé: après avoir lancé "Tout pour", il a incité le public à crier "l'Allemagne".
Björn Höcke est un habitué des provocations verbales: en janvier 2017, il avait qualifié le Mémorial de la Shoah à Berlin de "monument de la honte", lors d'un discours à Dresde, en Saxe, et son exclusion du parti avait été envisagée.
Une condamnation qui aurait peu d'effets
"Pour les électeurs de cette région, une condamnation de Höcke par le tribunal ne changera rien car ils sont convaincus que les institutions démocratiques lui en veulent", a estimé Johannes Kiess, politologue de l'Université de Leipzig, en Saxe.
"Toutes les tentatives visant à classer l'AfD et les politiciens comme des extrémistes de droite et des ethno-nationalistes n'ont pas été un obstacle particulier à la montée du parti [...] je suppose donc également que le procès actuel se terminera selon les principes suivants : Höcke est la victime et l'Allemagne est un pays où la liberté d'expression est restreinte", confirme à la RTS Wolfgang Schroeder, professeur en sciences politiques au Berlin Social Science Center.
Une condamnation pourrait toutefois empêcher Björn Höcke de se présenter aux élections en Thuringe en septembre pour devenir ministre-président de ce Land.
ther avec agences
L'AfD connaît une augmentation de ses adhésions, malgré les manifestations
En Allemagne, les manifestations contre l’extrême droite se multiplient depuis janvier. Plusieurs instituts de sondage évoquent également une baisse de popularité de l'AfD
Mais le coeur de l'électorat du parti ne semble pas impressionné par les manifestations, au contraire. Le parti affiche une augmentation de ses adhésions depuis le mois de janvier.
Pour le député du parti d’extrême droite AfD, René Springer, ces manifestations sont à prendre comme un compliment: "Ce serait mauvais signe s'ils n’étaient pas là. Ça voudrait dire qu’on ne fait pas les choses correctement.".