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En Haïti, un influent chef de gang menace d'une "guerre civile"

Nouvelle escalade de violence en Haïti, un chef de gang menace le pays d'une guerre civile
Nouvelle escalade de violence en Haïti, un chef de gang menace le pays d'une guerre civile / 19h30 / 1 min. / le 6 mars 2024
Haïti est en proie depuis la semaine dernière à une nouvelle flambée de violence. C'est dans ce contexte qu'un important chef de gang, surnommé "Barbecue", a déclaré devant la presse qu'un "génocide" aurait lieu si le Premier ministre, Ariel Henry, restait au pouvoir.


Les gangs, qui contrôlent des pans entiers d'Haïti et de sa capitale, Port-au-Prince, ont annoncé la semaine dernière se liguer contre le gouvernement et mènent depuis des attaques contre des infrastructures et des sites stratégiques, profitant d'un voyage à l'étranger du Premier ministre, très contesté.

"Si Ariel Henry ne démissionne pas, si la communauté internationale continue de le soutenir, nous allons tout droit vers une guerre civile qui conduira à un génocide", a menacé mardi Jimmy Chérizier, surnommé "Barbecue", lors d'une interview à la presse.

Selon l'ONU, qui l'a placé sous régime de sanctions, cet ancien policier de 46 ans est l'un des chefs de gangs les plus influents, et dirige une alliance de bandes armées surnommée "la famille G9" et ses alliés.

Soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit un enfer pour nous tous

Jimmy Chérizier, alias "Barbecue", chef de gang

Ces gangs appellent à renverser Ariel Henry, au pouvoir depuis 2021, et qui aurait dû quitter ses fonctions début février.

"Nous devons nous unir. Soit Haïti devient un paradis pour nous tous, soit un enfer pour nous tous", a clamé le chef de gang entouré d'hommes cagoulés.

Le gouvernement a décrété l'état d'urgence et un couvre-feu nocturne de trois jours renouvelables jusqu'à mercredi inclus, après la libération de milliers de détenus par les gangs ce dimanche.

>> L'analyse du 19h30 :

Risque de guerre civile en Haiti. L'analyse d'Antoine Silacci
Risque de guerre civile en Haiti. L'analyse d'Antoine Silacci / 19h30 / 1 min. / le 6 mars 2024

Premier ministre absent

Le Premier ministre s'est rendu à Nairobi la semaine dernière afin de signer un accord pour l'envoi de policiers kényans en Haïti dans le cadre d'une mission internationale soutenue par l'ONU et les Etats-Unis.

Il a atterri mardi à Porto Rico, a affirmé la porte-parole du gouverneur de ce territoire américain des Caraïbes. Elle a précisé alors ne pas savoir s'il se trouvait toujours sur l'île.

D'après le média haïtien Radio Télé Métronome, Ariel Henry n'avait pas pu atterrir dans la capitale en raison de problèmes de sécurité à l'aéroport.

Les troubles ont conduit les compagnies aériennes internationales à annuler tous les vols à destination de Port-au-Prince.

Dégradation de la situation humanitaire

Cette nouvelle escalade a forcé quelque 15'000 personnes à fuir leur domicile à Port-au-Prince.

Des gangs ont attaqué mardi l'académie de police de la capitale haïtienne, après avoir tenté la veille de s'emparer de l'aéroport international Toussaint-Louverture.

Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, est confronté à une profonde crise politique, humanitaire et sécuritaire aggravée par l'assassinat de Jovenel Moïse, en 2021, avec un processus politique dans l'impasse totale.

Selon l'ONU, plus de 8400 personnes ont été victimes de la violence des gangs l'année dernière, ayant été tuées, blessées ou enlevées, "une augmentation de 122% par rapport à 2022".

afp/doe

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Médecins sans frontières continue à fonctionner "malgré les différents soubresauts"

L'émission Forum a joint à Port-au-Prince Jean-Marc Biquet, le chef de la mission de Médecins sans frontières (MSF) en Haïti.

Il indique que les violences à Port-au-Prince provoquent des déplacements de populations. "Des gens doivent fuir les quartiers qui sont tombés en mains des groupes armés et sont totalement dangereux. Certains doivent bouger pour la troisième fois en quelques mois. Nous avons aussi des blessés qui cherchent du secours dans les quelques institutions hospitalières qui sont encore fonctionnelles", décrit-il. Mais certaines structures de soins sont contraintes à la fermeture en raison des troubles.

La police n'arrive pas à faire respecter l'ordre. Ainsi, "la population essaie de prendre en charge sa propre sécurité", indique Jean-Marc Biquet. Des milices mettent en place des barricades et filtrent les passages. "Toute personne suspectée d'être membre d'un gang est généralement tuée sur place. Son corps est brûlé et est laissé à la vue de tout le monde", déclare-t-il.

Le responsable humanitaire craint également une hausse des violences sexuelles faites aux femmes. L'année passée, MSF a pris en charge 4000 victimes d'agressions sexuelles. "C'est malheureusement une pratique assez courante dans les groupes armés de pratiquer des viols, voire des viols collectifs", remarque-t-il.

>> Toute l'interview de Jean-Marc Biquet :

Un chef de gang haïtien menace d'une "guerre civile": interview de Jean-Marc Biqet
Un chef de gang haïtien menace d'une "guerre civile": interview de Jean-Marc Biquet / Forum / 8 min. / le 6 mars 2024

"MSF est assez bien respectée"

Jean-Marc Biquet redoute-t-il également que la situation ne contraigne son organisation à cesser ses activités sur place?

"MSF est assez bien respectée. La population, les groupes armés et les autorités nous permettent de travailler, car ils ont compris le bénéfice de notre présence. Nous offrons des soins gratuits, ce qui est très rare en Haïti. Malgré les différents soubresauts, nous continuons à fonctionner. C'est un capital qui nous permet de penser qu'on va pouvoir continuer à fonctionner", répond-il.

"Bien sûr, si le staff et les patients ne peuvent plus être en sécurité, il faudra des solutions drastiques, comme arrêter", ajoute le chef de mission pour Médecins sans frontières en Haïti.

Propos recueillis par Valentin Emery

Texte web: ami

Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit en urgence

Le Conseil de sécurité de l'ONU tient mercredi une réunion en urgence sur la nouvelle escalade de violence dans le pays.

Médecins Sans Frontières va également renforcer sa présence dans la capitale haïtienne pour répondre à l'afflux de blessés.

"Nous recevons en moyenne cinq à dix nouveaux cas par jour, et nous travaillons aux limites de notre capacité", a expliqué Mumuza Muhindo Musubaho, chef de mission MSF.