"Tous les décomptes, tous les sondages ont montré que [le ticket] Prabowo-Gibran avait gagné en un seul tour. Cette victoire devrait être une victoire pour tous les Indonésiens", a déclaré l'ex-général lors d'un discours prononcé dans une immense salle à Jakarta, au côté de son colistier Gibran Rakabuming Raka, fils aîné du président sortant.
Selon le décompte officiel partiel de la commission électorale, Prabowo Subianto, grand favori de l'élection, arrive en tête avec 55,97% des voix, sur 39% des bulletins dépouillés, soit plus du double de son plus proche rival. Les résultats officiels ne sont toutefois pas attendus avant mars. Il a revendiqué la victoire pour succéder en octobre prochain à Joko Widodo à la tête de la 3e démocratie au monde, mais a toutefois précisé qu'il attendrait le résultat officiel de la commission électorale.
Outre son président, l'Indonésie, vaste archipel de 17'000 îles, devait élire en une seule journée 580 députés et 20'000 représentants régionaux et locaux.
Accusé d'atteintes aux droits humains
Bien qu'accusé d'atteintes aux droits humains sous la dictature de Suharto à la fin des années 1990, Prabowo Subianto devrait donc prendre les commandes de la 1ère économie d'Asie du Sud-Est, après dix ans de pouvoir de Joko Widodo, surnommé Jokowi, qui ne pouvait plus se représenter.
En tant que chef des forces spéciales, cet ancien général de 72 ans a été accusé par des ONG d'avoir ordonné l'enlèvement de militants pro-démocratie dans les années 1990, vers la fin du régime de Suharto. Il a rejeté ces accusations et n'a jamais été poursuivi. Pour ces allégations, l'ex-militaire a été longtemps privé de visa par les Etats-Unis et l'Australie.
Mais grâce à une large présence sur les réseaux sociaux, l'homme a adouci son image auprès des jeunes Indonésiens qui ignorent souvent les accusations portées contre lui et apprécient son engagement à poursuivre la politique du très populaire Jokowi.
Une large avance
Toujours selon les premières résultats, le ministre de la Défense devance largement, dans l'ordre, Anies Baswedan, l'ancien gouverneur de Jakarta, et Ganjar Pranowo, ex-gouverneur de Java centre.
Pour l'emporter au premier tour, il devait obtenir plus de 50% du total des voix et au moins un cinquième des suffrages dans plus de la moitié des provinces du pays. Anies Baswedan, favori pour affronter le ministre de la Défense en cas de second tour, a déclaré qu'il attendait l'annonce officielle des résultats pour réagir.
Après 10 ans au pouvoir, Jokowi laissera à son successeur un pays qui connaît une croissance constante - de 5,05% en 2023 - mais en léger recul par rapport aux 5,3% de 2022.
Julie Marty avec agences
Les jeunes Indonésiens attendent que le nouveau président agisse pour l'emploi
Selon la Commission électorale générale (KPU), 52% des électeurs de 2024 ont moins de 40 ans. En 2019, leur participation était de plus de 91%.
Si certains se sont facilement décidés sur qui voter, d'autres sont restés indécis jusqu'au dernier moment et d'autres encore n'ont pas choisi et donc préféré s'abstenir.
Emploi, qualité de vie et environnement
Dans les rues de Jakarta, les électeurs ont de multiples attentes quant aux priorités du pays.
L'un d'entre eux dit souhaiter que "le nouveau président efface la pauvreté du pays, continue d’augmenter les revenus des travailleurs, crée des emplois pour la jeunesse et qu’il puisse répondre aux besoins alimentaires des enfants défavorisés".
Selon des sondages indonésiens, trouver un emploi et améliorer la qualité de vie figurent parmi les plus grandes préoccupations des électeurs des générations Y et Z.
Le réchauffement climatique fait aussi partie des préoccupations des jeunes. "Qu'en est-il de l'environnement ? Ça m’inquiète… Tout le monde est touché, il y aura certainement un impact, que ce soit à court terme ou à long terme", témoigne un autre électeur.
La Chine scrute de près le scrutin indonésien
La Chine guette l’issue du scrutin en Indonésie car il est susceptible de peser sur les équilibres régionaux et la rivalité sino-américaine.
Mastodonte d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie est un acteur de poids de la région, devenue un véritable champ de bataille économique et politique entre la Chine et les Etats-Unis.
Politique de ne fâcher personne
Au cours de ses dix années au pouvoir, le président sortant Joko Widodo a soigneusement veillé à ne critiquer ni Pékin ni Washington. Sa stratégie de non-alignement a ouvert la voie à d’importants investissements chinois dans le pays. Mais parallèlement, Jakarta a aussi renforcé ses liens militaires avec les Etats-Unis.
Cet équilibre délicat, Prabowo Subianto a promis de le maintenir. Sa victoire pourrait contribuer à la stabilité dans cette région stratégique, théâtre de la rivalité du siècle.