Depuis le début de l’offensive en Ukraine, il est impossible en Russie de critiquer l'armée ou de s'opposer ouvertement à la guerre sans être hors-la-loi. La liberté d'expression est tenue d'une main de fer par Moscou. Des centaines de militants des droits de l'homme, artistes et journalistes sont même inscrits sur une liste dite "d'agents étrangers".
La Russie assume et accentue son virage ultra-conservateur engagé depuis le début de la guerre, allant jusqu'à bannir de sa société une partie de sa population. Le 30 novembre dernier, la Cour suprême a ainsi interdit tout mouvement LGBT dans le pays.
"Système fasciste"
"En Russie, on est sous un système fasciste. C'est un système qui refuse tous les droits individuels", se désole Elena Kostioutchenko mardi dans le 19h30 de la RTS. La journaliste russe explique qu'elle pensait pouvoir arrêter cette montée du fascisme dans son pays rien qu'en écrivant à ce sujet. Mais ça a été un échec.
Aujourd'hui, elle estime qu'elle aurait dû en faire davantage. "Notre devoir en tant que professionnels n'empêche pas que nous avons un devoir en tant que citoyens et nous aurions dû être plus actifs et plus forts en tant que citoyens", affirme-t-elle. "Mais nous avons perdu et nous avons perdu notre pays."
Danger quotidien
Depuis près de deux ans, cette restriction des libertés pousse les opposants et opposantes à la politique de guerre de Vladimir Poutine et les journalistes indépendants à fuir à l'étranger. Exilée en Allemagne après une tentative d'assassinat, Elena Kostioutchenko pensait y être en sécurité. Mais alors qu'elle se trouvait à Munich, elle a été victime d'un empoisonnement.
La journaliste de Novaïa Gazeta ne se laisse cependant pas abattre et relativise le danger avec lequel elle vit tous les jours. "En fait, je suis revenue à ma vie d'avant, parce que quand je travaillais en Russie, je devais suivre beaucoup de règles de sécurité pour pouvoir faire mon travail sans trop de danger. Et maintenant, j'ai simplement perdu l'illusion que l'Europe était un lieu où j'étais en sécurité", explique-t-elle.
>> Lire aussi : Le journal d'investigation russe Novaïa Gazeta renaît en exil
Pour Elena Kostioutchenko, la menace qui plane sur elle ne gâche pas son quotidien et ne l'empêche pas d'aimer son travail. Cela fait simplement partie des risques du métier. "Il y a des professions qui sont dangereuses comme être policier, médecin ou sauveteur", dit-elle. "En Russie, on peut ajouter à ce genre de professions celle de journaliste."
Aujourd'hui, Elena Kostioutchenko continue à militer à travers un livre décrivant la dérive fasciste de la Russie de Vladimir Poutine. Son titre, "Russie, mon pays bien-aimé", rappelle que la journaliste aime toujours son pays. "Même si cet amour me fait très mal en ce moment", précise-t-elle.
Sujet et interview TV: Karima Benamrouche et Philippe Revaz
Adaptation web: Emilie Délétroz