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Etat d'urgence annoncé en Nouvelle-Calédonie après la mort de quatre personnes dans les émeutes

Depuis lundi, l’archipel français de Nouvelle Calédonie est secoué par de graves violences
Depuis lundi, l’archipel français de Nouvelle Calédonie est secoué par de graves violences / 12h45 / 1 min. / le 15 mai 2024
Emmanuel Macron tente de trouver une sortie de crise après des nuits d'émeute en Nouvelle-Calédonie qui ont fait quatre morts et des centaines de blessés. Après s'être résolu à déclarer l'état d'urgence, il présidera jeudi matin une "réunion de suivi" sur la situation.

L'état d'urgence, qui entre en vigueur à partir de 20h00 heure suisse (05h00 à Nouméa), permet à l'Etat de disposer de compétences renforcées pour assurer le maintien de l'ordre.

Gabriel Attal a pour sa part annoncé mercredi soir le déploiement de militaires "pour sécuriser" les ports et l'aéroport de Nouvelle-Calédonie ainsi que l'interdiction du réseau social TikTok, en ouverture d'une réunion interministérielle de crise au ministère de l'Intérieur.

Le ministre français de l'Intérieur a par ailleurs signé mercredi soir des premières assignations à résidence contre deux indépendantistes radicaux appartenant à la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS).

Quatre morts et plusieurs centaines de blessés

Depuis les premières altercations dans la journée de lundi, en marge d'une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle, deux violentes nuits d'émeutes ont secoué l'île. Selon le dernier bilan communiqué par l'Elysée, elles ont fait trois morts. Un gendarme de 22 ans touché à la tête par un tir est également mort des suites de ses blessures, a appris l'AFP. Plusieurs centaines d'autres personnes ont été blessées, selon Gérald Darmanin.

Malgré le couvre-feu mis en place à Nouméa, principale ville du territoire, les violences ont repris mardi soir dès la nuit tombée, marquée par de nombreux incendies, pillages et d'échanges de tirs, y compris contre les forces de l'ordre. L'aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi.

Une situation "insurrectionnelle"

Plusieurs bâtiments publics de Nouméa ont brûlé dans la nuit, a constaté l'AFP. Des "dizaines" de "maisons, d'entreprises" ont été incendiés, a confirmé Gérald Darmanin. Des voitures accidentées ou calcinées étaient visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions des forces de l'ordre sillonnaient la ville.

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"On est dans une situation que je qualifierais d'insurrectionnelle", a déploré Louis Le Franc. Le haut-commissaire a fait état de plusieurs "échanges de tirs de chevrotine entre les émeutiers et les groupes de défense civile" et indiqué que 140 personnes avaient été interpellées dans la seule agglomération de Nouméa.

Une réforme controversée adoptée

En métropole, l'Assemblée nationale a adopté dans la nuit de mardi à mercredi par 351 voix contre 153 le texte qui élargit le corps électoral dans l'archipel. La réforme constitutionnelle doit encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.

Le président Emmanuel Macron a précisé que le Congrès se réunirait "avant la fin juin", à moins qu'indépendantistes et loyalistes ne se mettent d'accord d'ici là sur un texte plus global.

Le projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l'archipel, à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l'indépendance jugent que ce dégel risque de "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".

"En état de guerre civile"

Devant la presse, le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, a "pris acte" de la réforme, mais déploré une "démarche qui impacte lourdement notre capacité à mener les affaires de la Nouvelle-Calédonie". Il a également lancé un appel au calme.

La principale figure du camp non-indépendantiste, l'ex-secrétaire d'Etat Sonia Backès, a, elle, demandé au chef de l'Etat de déclarer l'état d'urgence, "notamment en engageant l'armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie". "Nous sommes en état de guerre civile", a-t-elle déploré.

L'aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi. Le représentant de l'Etat a indiqué mercredi qu'il avait demandé le renfort de l'armée pour le protéger.

afp/mayju

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A 18'000 km de la métropole

Les deux principales communautés de l'archipel situé à 18'000 kilomètres de la France métropolitaine sont les Kanak (41%), premiers habitants du pays, et la communauté européenne (24%), dont les Caldoches, descendants des colons blancs. Une part grandissante de la population déclare toutefois désormais être métissée ou "calédonienne".

La province Sud, où se trouve Nouméa, concentre près de 75% des habitants, contre 18% en province Nord et 7% dans les îles Loyauté, peuplées très majoritairement de Kanak et plus pauvres. Le niveau de vie médian calédonien est sensiblement inférieur à celui de la métropole, avec de fortes disparités.

La croissance démographique est nettement plus faible qu'auparavant en raison d'une hausse des départs et d'une baisse des arrivées. En outre, le vieillissement de la population s'accélère.

Un statut unique depuis 1998

Après les années 1980 marquées par des violences entre Kanak et Caldoches, les accords de Matignon scellent la réconciliation, au travers d'un rééquilibrage économique et d'un partage du pouvoir politique. Ils sont suivis en 1998 par l'accord de Nouméa qui dote l'archipel d'un statut unique dans la République française reposant sur une autonomie progressive.

C'est dans ce cadre qu'un référendum en 2018 voit le non à l'indépendance l'emporter à 56,7%, sur fond de percée des indépendantistes, confirmée en 2020 (53,26% de non). En 2021 le non l'emporte à 96,5%, mais les indépendantistes contestent la validité du scrutin, marqué par une forte abstention en pleine épidémie de Covid-19.

Le Sénat, le 2 avril 2024, puis l'Assemblée nationale, dans la nuit de mardi à mercredi, ont approuvé une révision constitutionnelle prévoyant l'élargissement du corps électoral à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans pour les élections provinciales. Pour être adoptée, cette réforme doit être approuvée par le Congrès à Versailles, qui devrait se réunir "avant la fin juin" selon le président Emmanuel Macron.