Le monde semble suspendu au résultat de la prochaine présidentielle américaine, le 5 novembre. Le choix des électeurs américains pourrait avoir une influence considérable sur le front ukrainien, alors que républicains et démocrates sont divisés sur l'aide militaire à apporter à Kiev. Les alliés traditionnels des Etats-Unis en Europe et en Asie s'intéressent aussi de près à la campagne. Ils avaient été mis sous pression durant le mandat de Donald Trump. L'élection de Joe Biden ou de Donald Trump pourrait aussi avoir un impact sur la politique américaine au Proche-Orient.
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Daniel Warner, politologue spécialiste des Etats-Unis et observateur de longue date du processus électoral américain, ne veut s'avancer sur aucun pronostic. Il relève dans Géopolitis que Donald Trump devance Joe Biden selon les sondages, mais tout reste encore très incertain à ce stade: "Il y a une certaine polarisation [de l'électorat] avec un avantage pour Trump parce que les gens derrière lui sont vraiment derrière lui."
L'économie marche très bien et les gens en profitent. Mais ce n'est pas quelque chose qu'ils disent associer avec Biden et sa présidence
Malgré une situation économique plutôt favorable, avec un chômage bas et un recul de l'inflation, Joe Biden peine à convaincre. "C'est vrai que l'économie marche très bien et les gens en profitent. Mais ce n'est pas quelque chose qu'ils disent associer avec Biden et sa présidence. (...) Je ne sais pas si c'est une question de communication ou une question de personnalité. Je crois que les gens n'ont pas confiance en Joe Biden et cela veut dire qu'ils ne croient pas que c'est lui qui gère la question économique et il n'en profite pas", estime Daniel Warner.
L'avortement
La question migratoire ne devrait pas avoir un impact majeur sur le choix des électeurs, selon le politologue. Par contre, le droit à l'avortement pourrait mobiliser en faveur de Joe Biden. En 2022, la Cour suprême américaine, dont trois des neuf juges avaient été nommés sous Donald Trump, a révoqué l'arrêt Roe v. Wade, qui garantissait au niveau fédéral le droit des femmes à avorter, et ce depuis 1973. Dans la foulée, plusieurs Etats américains ont adopté des législations qui interdisent ou restreignent fortement le recours à une interruption volontaire de grossesse.
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Les questions de politique étrangère ont traditionnellement peu d'impact sur le choix des électeurs américains, mais cette année la guerre au Proche-Orient est devenue un enjeu électoral, alors que la police a évacué des manifestants pro-palestiniens sur plusieurs campus universitaires. "Il y a beaucoup de jeunes dans les campus qui sont pro-palestiniens et le fait que Biden continue de défendre Monsieur Netanyahu et d'envoyer des armes et de l'argent, cela peut pousser beaucoup de jeunes à dire qu'ils ne sont plus d'accord avec la politique américaine vis-à-vis d'Israël", estime Daniel Warner. Joe Biden pourrait en conséquence perdre des voix chez les jeunes électeurs.
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Une abstention en hausse?
Selon un sondage publié mi-mai par le New York Times, Joe Biden serait devancé par Donald Trump dans cinq "swing states", ces Etats qui ne sont acquis ni aux républicains, ni aux démocrates. Ce duel entre deux anciens présidents, âgés de 81 ans pour Joe Biden et de 77 ans pour Donald Trump, n'enthousiasme pas certains électeurs. Les autres candidats - Robert Kennedy Junior ou Cornel West - ne représentent pas une alternative "valable", selon Daniel Warner, pour qui les Démocrates déçus par Joe Biden pourraient renforcer l'abstention: "C'est le problème pour les démocrates. Les gens peuvent dire : "Je ne peux pas voter pour Biden. Certainement, je ne vais pas voter pour Trump." Alors à mon avis, aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui ne vont pas voter."
Le premier débat télévisé prévu entre Donald Trump et Joe Biden devrait déjà avoir lieu le 27 juin.
Elsa Anghinolfi