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François Hollande candidat aux législatives, de l'opportunisme ou le renouveau d'une gauche unie?

François Hollande lors de l'annonce de sa candidature le week-end dernier à Tulle, en Corrèze. [AFP - PASCAL LACHENAUD]
François Hollande lors de l'annonce de sa candidature le week-end dernier à Tulle, en Corrèze. - [AFP - PASCAL LACHENAUD]
L'annonce a secoué une France déjà bien agitée: l'ancien président François Hollande sera candidat sous l'étiquette du Nouveau Front populaire lors des législatives. Entre la volonté de faire rempart au Rassemblement national et l'opportunisme d'une alliance fragile, ce retour interroge.

C'est dans son fief de Tulle que François Hollande a annoncé le week-end dernier sa candidature aux élections législatives dans la première circonscription de Corrèze. "Si j'ai pris cette décision, c'est parce que j'ai estimé que la situation était grave, plus qu'elle ne l'a jamais été. Grave parce que le danger représenté par l'extrême droite est aujourd'hui avéré. Jamais l'extrême droite n'a été aussi proche du pouvoir", a déclaré le socialiste.

Celui qui a présidé la France entre 2012 et 2017 a précisé qu'il se devait de s'engager comme il l'avait fait toute sa vie. "A situation exceptionnelle, décision exceptionnelle", a précisé à la presse le politicien de 69 ans.

Une sortie par la petite porte avant un retour discret

Ce retour de François Hollande dans l'échiquier politique soulève de nombreuses interrogations. En mai 2017, après un seul mandat à l'Elysée, il avait quitté son poste sans se présenter à sa propre succession. Faute de popularité et contesté dans son propre parti, le socialiste avait choisi de sortir par la petite porte et ainsi éviter une défaite probable dans les urnes.

Discret depuis lors, il n'a jamais complètement disparu de la vie politique, participant à des débats et conférences, présidant la fondation "La France s'engage" et publiant plusieurs livres. Le dernier est un ouvrage sur l'Europe à destination des jeunes, notamment pour les appeler à voter. Et ces derniers mois, l'ex-chef d'Etat, qui a déjà été député de Corrèze de 1988 à 1993 et de 1997 à 2012, s'est fait plus présent dans les médias, martelant que le monde politique français est devenu un désert sur lequel surfe le Rassemblement national.

Mais de là à se lancer dans la course à l'Assemblée nationale, beaucoup ont été surpris, même au sein du PS. Le Premier secrétaire Olivier Faure l'a d'ailleurs appris presque en même temps que tout le monde. S'en est suivi un cafouillage jusqu'à ce que cette candidature soit finalement adoubée par le parti national. "Il est essentiel que nous puissions ouvrir le plus largement possible et que tous ceux qui souhaitent nous rejoindre puisse le faire", a commenté Olivier Faure.

Le Nouveau Front populaire

Ce retour intervient au moment où la gauche tente de se reconstruire, après avoir affiché ses divisions durant les élections européennes. Face à une vague macroniste en décrue et un RN qui pourrait accéder à Matignon, la gauche veut essayer de retrouver un élan suite à l'éclatement de la Nupes, la coalition des partis de gauche instaurée en 2022.

>> Lire aussi : Entre alliances et dissidences, la France entre en campagne pour les législatives

Après de courtes mais intenses négociations, les partis de gauche ont annoncé la création du Nouveau Front populaire, soit un accord sur un programme commun et la répartition des circonscriptions entre eux lors des législatives. Ce front regroupe entre autres La France insoumise (LFI) de Jean-Luc Mélenchon, le Parti socialiste, les écologistes et les communistes et il a reçu le soutien de nombre de personnalités, de Lionel Jospin à Jean-Marc Ayrault en passant par... François Hollande.

En quatre jours, les désaccords sur l'Ukraine, le Proche-Orient ou l'Europe semblent avoir été gommés. Mais comme la Nupes avant lui, ce Nouveau Front populaire s'apparente à un assemblage de personnalités et d'opinions pas forcément à l'unisson, ses adversaires parlant d'une alliance opportuniste sans idées communes. Et malgré l'unité affichée, les dissidences se sont multipliées, certains refusant de se présenter sous la nouvelle étiquette.

En outre, aucune figure ne semble pouvoir incarner le mouvement avec fermeté, même si Raphaël Glucksmann pourrait profiter du bon score de la liste PS-Place publique lors des européennes. Signe de cette alliance fragile, Olivier Faure a aussi rapidement déclaré que Jean-Luc Mélenchon était "disqualifié" pour incarner ce rôle.

Oublier les vieilles rancunes

Et si François Hollande incarnait ce renouveau de la gauche? D'aucuns voient en lui l'homme qui pourrait reconstruire la social-démocratie en France. L'ex-président jouit en effet d'une bonne cote de popularité et pourrait rassurer l'électorat de gauche et du centre face à un Mélenchon qui fait peur. La candidature de François Hollande "permet d'avoir un front très large et de dire aux Français et aux Françaises 'Ne soyez pas dans une forme d'inquiétude, il y a toute la gauche qui est là pour se rassembler face à l'extrême droite'", a expliqué Olivier Faure.

Interrogé sur l'éventualité de briguer Matignon en cas de victoire, François Hollande a répondu qu'il ne se plaçait "pas du tout dans toute perspective personnelle". "J'ai été président de la République, je ne cherche rien pour moi-même", a-t-il déclaré. "Je n'ai pas d'autre ambition que celle de servir le pays, mais surtout de faire en sorte que notre pays ressemble à l'idée qu'on en a."

Le socialiste n'a de loin pas toujours été favorable à l'union des gauches et s'est d'ailleurs opposé à la Nupes et son programme "inapplicable". Son inimitié avec Jean-Luc Mélenchon est aussi connue, le leader de LFI l'ayant même qualifié de "capitaine de pédalo" dans une tempête il y a quelques années.

Mais les choses ont changé et tous se veulent plus pragmatiques. François Hollande assure que sa priorité est d'empêcher l'arrivée du RN au pouvoir, de rassembler toutes les gauches, même si des divergences subsistent, et ensuite de construire quelque chose de nouveau. Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon a dit que "tout renfort est bienvenu pour combattre le RN, y compris François Hollande. Nous devons tous jeter les rancunes à la rivière."

Pragmatisme à outrance ou fer de lance d'une nouvelle coalition?

Reste que de nombreux commentateurs politiques s'interrogent sur le retour de l'ancien locataire de l'Elysée, parlant de "pragmatisme à outrance", de "triomphe de l'utilitarisme" ou de "sens moral oublié".

De gauche à droite, les critiques sont nombreuses. Et en premier lieu dans le camp d'Emmanuel Macron, qui a pourtant choisi de ne pas présenter de candidat contre François Hollande en Corrèze, sans le soutenir, mais en estimant que "d'autres candidats sont plus à même de gagner face à l'extrême droite" dans ce département. Pour le ministre de la Justice Eric Dupont-Moretti, François Hollande est "pathétique" et "dans la compromission avec ceux qu'il a tellement vilipendés". Un avis partagé par la ministre de la Culture Rachida Dati, qui a dit "avoir honte qu'il fasse campagne avec des antisémites et des fichés S".

Au sein du Nouveau Front populaire, certains ne taisent pas aussi leurs critiques. Le député LFI François Ruffin a estimé qu'il y avait une "bonne part d'hypocrisie", car plusieurs éléments du programme du Nouveau Front populaire comme la retraite à 60 ans, l'indexation des salaires sur l'inflation ou la taxation du capital ne correspondent pas du tout à la politique menée par le socialiste quand il était à l'Élysée.

La voix de François Hollande va toutefois compter s'il est élu à l'Assemblée et pourrait porter loin dans l'électorat de gauche, avec aussi de nouvelles ambitions pour la présidentielle de 2027. Renaud Pila, éditorialiste politique à LCI, estime qu'une large coalition est peut-être en train d'être construite pour gouverner et que l'ex-président peut aider à la former en occupant un espace politique laissé libre. "Des millions de Français ne veulent ni de Macron, ni de Mélenchon, ni du RN."

Alors que le camp présidentiel peine à trouver un nouveau souffle, l'ex-président représente un nouveau centre, entre une gauche hésitante et une droite en pleine division. Pour l'éditorialiste politique Christophe Barbier, interrogé dans l'émission C dans l'air, "il était depuis 2017 un ancien président avec une voix dans le rétroviseur. S'il revient à l'Assemblée nationale, il va regarder devant, il est un futur quelque chose". A ses yeux, même si on en est encore loin, ce pourrait même être un premier acte vers une éventuelle candidature à la présidentielle de 2027, "pour être l'homme qui ferme la parenthèse Macron après l'avoir ouverte".

A l'issue des législatives, on saura si François Hollande a réussi son pari et si la gauche a pu ramener vers elle une partie de l'électorat modéré qu'Emmanuel Macron avait récupéré en 2017. Et Mathias Bernard, professeur de politique à l'Université Clermont-Auvergne, de conclure au micro de France 2: "Beaucoup pensaient qu'il ne reviendrait pas après son départ en 2017", mais la dissolution fragilise le macronisme et "rebat les cartes pour la prochaine présidentielle, avec potentiellement un retour à une nouvelle forme de bipolarisation entre le RN et le Nouveau front populaire". Et les chances de victoire de la gauche sont désormais "moins faibles qu'elles ne l'étaient il y a encore six mois ou un an".

>> Revoir le sujet du 19h30 du 13 mai 2017 dressant le bilan de François Hollande :

France: c'est l'heure du bilan pour François Hollande
France: c'est l'heure du bilan pour François Hollande / 19h30 / 2 min. / le 13 mai 2017

>> Lire aussi : François Hollande: "La situation en Israël et à Gaza n'est pas de la responsabilité des Européens"

>> Voir aussi Le grand débat de Forum entre François Cherix, Yves Nidegger et Alexandre Habay :

Le grand débat - Quel avenir politique pour la France après les élections législatives?
Le grand débat - Quel avenir politique pour la France après les élections législatives? / Forum / 17 min. / le 19 juin 2024

Frédéric Boillat

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Pas une première en cas d'élection

En annonçant sa candidature, François Hollande a relevé que c'était "une décision assez inédite qu'un président de la République puisse briguer une circonscription et redevenir député".

Toutefois, si le socialiste devait être élu à l'Assemblée nationale, ce ne serait pas une première, car Valéry Giscard d'Estaing avait suivi la même voie ou presque il y a 40 ans.

Après avoir été battu par François Mitterrand lors de la présidentielle de 1981, Valéry Giscard d'Estaing avait brigué et obtenu un poste de député dans le Puy-de-Dôme en 1984 lors d'une élection législative partielle.

Toutefois, relèvent les observateurs, le centriste n'avait jamais quitté la politique après sa défaite et oeuvrait à reconquérir la présidence, alors que François Hollande est lui resté dans l'ombre durant sept ans après son départ de l'Elysée. Et le socialiste est âgé de presque 70 ans, alors que "VGE" avait 58 ans quand il est retourné au Parlement. Il y était resté de longues années, sans parvenir à revenir à l'Elysée ou à Matignon.