Fraudes électorales dénoncées et manifestations en Géorgie après les élections législatives
Cette fraude relève de la mise en oeuvre d'une "méthodologie russe", a dit la présidente dans un entretien avec l'AFP. Selon Salomé Zourabichvili, la fraude est notamment passée par le vote électronique, utilisé pour la première fois en Géorgie: le même numéro de carte d'identité a été retrouvé correspondant à "17 votes, vingt votes, dans différentes régions", a-t-elle accusé.
Les fraudeurs supposés ont usé aussi de "méthodes classiques": "achats de voix, pressions sur les détenteurs d'emplois publics", "sur les familles de prisonniers auxquelles on peut promettre des libérations", "argent distribué visiblement dans des minibus à la sortie des lieux du scrutin", a poursuivi la présidente.
Achats de voix et intimidation
La députée européenne de Renew Europe Nathalie Loiseau a fait partie des centaines d’observateurs occidentaux répartis dans le pays pour vérifier les conditions du vote. "Ce à quoi nous avons assisté, c'est une régression démocratique massive", affirme-t-elle lundi dans l'émission Forum.
"Ce que j'ai vu de mes yeux, ce sont des achats de voix, c'est de l'intimidation des électeurs avec, en dehors des bureaux de vote, des groupes d'hommes assez menaçants. Le secret du vote est très aléatoire dans les bureaux de vote et il y a des intimidations sur les observateurs des ONG", décrit-elle.
Utilisation des minorités ethniques
Selon la présidente Salomé Zourabichvili, les minorités ethniques, qui "sont facilement contrôlables", ont également été utilisées dans ce système de fraude.
A cet égard, "dans certaines" villes ou dans des villages habités par des membres de minorités ethniques azérie et arménienne, "les résultats étaient à 97% (pour le parti au pouvoir, ndlr). Je crois qu'on n'avait pas vu ça depuis la période stalinienne", a-t-elle accusé.
"Ce sont des régions pauvres où il est facile d'acheter les voix et clairement, nous avons vu des groupes d'hommes sortir des billets de banque pour payer ceux qui avaient pu prouver pour qui ils avaient voté, simplement en prenant en photo leurs bulletins de vote", confirme Nathalie Loiseau, qui parle d'une "vraie ambiance d'intimidation".
Des milliers de manifestants
D'après des résultats quasi définitifs, le Rêve géorgien, aux affaires depuis 2012, était crédité lundi matin de 53,92% des voix, contre 37,78% pour la coalition d'opposition. L'opposition refuse de reconnaître sa défaite et a appelé à manifester lundi soir.
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Des milliers de manifestants ont répondu à cet appel, auquel la présidente Salomé Zourabichvili avait fait écho. Une foule s'est amassée devant le bâtiment du Parlement, dans le centre-ville de la capitale Tbilissi.
Dirigé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili, le parti Rêve géorgien au pouvoir depuis 2012 dans cette ex-République soviétique, est accusé par l'opposition pro-européenne, de dérive autoritaire prorusse, et d'éloigner le pays de son adhésion à l'UE et à l'Otan, deux objectifs inscrits dans sa Constitution.
Depuis la promulgation en mai d'une loi sur "l'influence étrangère" ciblant la société civile et copiée sur la législation répressive russe concernant les "agents de l'étranger", Bruxelles a en effet gelé le processus d'adhésion à l'Union européenne et les Etats-Unis ont pris des sanctions contre des responsables géorgiens.
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"Si les choses en restent là, cela veut dire que le parti au pouvoir a décidé de tourner le dos à un processus d'adhésion à l'Union européenne", estime Nathalie Loiseau. Pour l'eurodéputée, Rêve géorgien "a voulu faire croire qu'il était pro-européen, mais ce que l'on voit aujourd'hui, ce sont d'anciennes méthodes soviétiques qui sont beaucoup plus appliquées".
"Et d'ailleurs le seul représentant européen qui s'est précipité à Tbilissi pour féliciter le parti au pouvoir, c'est Viktor Orban, dont on connaît les liens avec Moscou", ajoute-t-elle.
Trois semaines avant les législatives, le parti conservateur au pouvoir a par ailleurs fait voter une loi restreignant fortement les droits des personnes LGBT+, dans un pays où l'hostilité aux minorités sexuelles reste forte.
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edel avec afp