"Depuis le début de ce procès, j'ai entendu énormément de choses inaudibles, inacceptables", commence Gisèle Pelicot. En ce 48e jour d'audience du procès des viols en série de Mazan, la cour criminelle du Vaucluse lui donnait une dernière fois la parole.
"Mais c'est comme ça que ce procès devait se passer: je savais à quoi j'allais être exposée en refusant le huis clos." Son intention était claire: que la honte change de camp. "J'ai beaucoup de mal quand on dit que c'est pratiquement une banalité d'avoir violé Madame Pelicot", note la victime.
Son désormais ex-mari a reconnu l'avoir livrée pendant une décennie à des inconnus qu'il recrutait sur internet, après l'avoir assommée d'anxiolytiques.
Puis d'une voix ferme, elle appuie ses propos: "J'ai vu défiler à la barre des individus qui nient le viol (...) "Il y en a peu qui assument leurs actes. Ils ont violé! J'entends ce monsieur qui dit 'un doigt, c'est pas un viol'. Qu'il s'interroge!", a-t-elle cinglé.
Nous sommes dans une société machiste, patriarcale, où on banalise le viol
"Pour moi, c'est le procès de la lâcheté (...) Il faut que la société ouvre le regard sur le fait que nous sommes dans une société machiste, patriarcale, où on banalise le viol". Le procès de la lâcheté: un terme que la septuagénaire a répété à trois reprises, tandis que son ex-mari restait tête baissée dans le box des accusés.
Interrogée par plusieurs avocats de la défense, Gisèle Pelicot s'est une nouvelle fois fermement défendue d'avoir été "sous emprise" ou "manipulée" par son mari, pendant leurs 50 ans de vie commune: "Absolument rien ne m'a mis la puce à l'oreille", a-t-elle répété.
"Monsieur Pelicot avait beaucoup de fantasmes, que je ne pouvais pas tous assouvir avec lui. (...) Comme je ne voulais pas aller dans un club échangiste, il s'est dit avoir trouvé la parade en m'endormant. J'ai perdu dix ans de ma vie que je ne rattraperai jamais. Jamais! Jamais cette cicatrice ne se refermera!", a-t-elle lâché, retenant difficilement sa colère.
Elle explique trouver de l'aide grâce à "la psychothérapie, la musique, des heures et des heures et des heures de marche, et le chocolat aussi, mon péché mignon".
Le principal accusé nie tout acte sur sa fille et ses petits-enfants
Après une pause, l'audience a repris avec la lecture de pièces du dossier, dont les comptes-rendus des interrogatoires de Dominique Pelicot dans deux affaires s'étant déroulées en 1991 et 1999: il est mis en examen pour un meurtre précédé d'un viol à Paris et pour une tentative de viol avec arme en Seine-et-Marne.
Dominique Pelicot s'exprime ensuite et dit vouloir parler à ses enfants qu'il revoyait pour la première fois depuis quatre ans. La veille, David et Florian, les deux fils du couple, ainsi que Caroline, leur fille, avaient exhorté leur père à dire toute la vérité. "J'ai mesuré les dégâts d'anéantissement, je le regrette amèrement." Et il réitère n'avoir "jamais touché [ses] enfants ni [ses] petits-enfants".
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Le septuagénaire revient sur sa jeunesse puis affirme avoir "eu deux dieux dans [sa] vie": sa mère et Gisèle, qu'il rencontre en 1971. Il affirme que celle-ci a "toujours été égale à elle-même, bienfaisante".
Puis, une fois encore, il nie avoir pris les deux photos de sa fille dénudée retrouvées dans son ordinateur, affirmant ne pas se rappeler les avoir faites: "Au point où j'en suis, si je m'en souvenais, je lui dirais. Je ne l'ai jamais touchée."
Tu mourras dans le mensonge et seul, Dominique Pelicot!
Des propos qui provoquent l'ire de Caroline. En face de lui, à l'autre bout de la salle, elle lance très en colère: "Tu mens! Tu ne dis pas la moitié de la vérité, même concernant ton ex-femme!" Avant de lui hurler: "Tu mourras dans le mensonge et seul, Dominique Pelicot!"
La journée de mercredi sera réservée aux plaidoiries de la partie civile. Puis l'audience sera suspendue jusqu'à lundi, quand le tribunal entendra les réquisitions.
Stéphanie Jaquet et l'afp
Fin de l'examen des cas individuels
L'examen des cas de 51 hommes, âgés de 26 à 74 ans, qui ont pris part à cette décennie de viols sous soumission chimique est désormais terminé. Dix étaient revenus plusieurs fois, à l'invitation de Dominique Pelicot, jusqu'à six reprises pour certains.
Chaque semaine, ces hommes ont été interrogés par groupes de cinq, six ou sept. Poursuivis pour "viols aggravés", la plupart encourt vingt ans de réclusion criminelle.
Peu de ces accusés ont présenté de réelles excuses à Gisèle Pelicot, même après avoir été confrontés à des vidéos de leurs actes, projetées devant la cour, des images sidérantes où leur victime apparaît totalement inerte.