Nous sommes le 8 mars 2014 à Kuala Lumpur. Il est un peu plus de minuit (heure locale) quand un Boeing 777 de la Malaysia Airlines décolle pour rejoindre Pékin. A son bord, 239 personnes, dont douze membres d'équipage. Un vol de routine qui doit durer six heures.
Pourtant, 38 minutes après son décollage, et alors que l'appareil quitte l'espace aérien malaisien pour entrer dans l'espace aérien vietnamien, le capitaine envoie un dernier message radio au contrôleur aérien malaisien: "Good Night, Malaysian Three Seven Zero". Une minute plus tard, à 01h20, le pilote ne s'annonce pas au contrôle aérien vietnamien comme il aurait dû le faire. Les communications sont coupées et l'avion disparaît des écrans radars.
A Pékin, le vol est d'abord annoncé à l'aéroport comme étant "retardé" avant que les écrans n'indiquent finalement "annulé". La Malaysia Airlines n'annonce formellement la disparition de l'appareil qu'à peu près soixante minutes après son heure d'arrivée prévue à Pékin.
Une grande confusion
Un rapport détaille les retranscriptions des échanges qui ont alors lieu entre les tours de contrôle et la compagnie aérienne. En les relisant, certains experts prennent conscience de la grande confusion qui a régné pendant toute la nuit.
Des dialogues affirment que l'avion vole au-dessus du Cambodge tandis que d'autres prétendent qu'il est en train d'atterrir. Constatant la disparition de l'appareil, la Malaisie lance d'importantes recherches à l'endroit où le signal a été perdu, pensant que l'avion s'est abîmé en mer. Une recherche qui s'avère infructueuse.
Retour sur la Malaisie
Deux jours plus tard, les autorités font une nouvelle annonce. Selon des radars militaires dotés de la capacité de détecter n’importe quel avion dans le ciel même lorsque ses communications sont coupées, le Boeing 777 a fait demi-tour et retraversé la Malaisie vers le détroit de Malacca.
Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cette trajectoire incohérente, notamment un incident technique – une panne électrique totale ou un incendie – qui aurait contraint le pilote à se dérouter sur le terrain le plus proche.
La présence de deux Iraniens avec des passeports européens volés oriente également les soupçons vers la piste terroriste. Cette dernière sera finalement écartée. Mais une fois disparu du giron des radars militaires à 02h25, la suite de la trajectoire de l'engin reste mystérieuse.
Une action "délibérée"
Sept jours après la disparition de l'avion, le Premier ministre malaisien annonce que le changement de trajectoire résulte d'une "action délibérée". En se basant sur les résultats du satellite britannique Inmarsat, il ajoute que l'avion a volé durant au moins six heures après sa dernière communication.
L'entreprise Inmarsat, qui exploite un système de communication par satellite sur les avions de ligne, a en effet pu confirmer que le vol MH370 avait continué à être dans les airs jusqu'à 08h19 le samedi, heure locale de Malaisie.
Les données Inmarsat ne permettent pas de localiser précisément le MH370, mais de savoir, toutes les 60 minutes, à quelle distance il se trouve du satellite, une mesure matérialisée par des arcs de cercle qui permet de déterminer des trajectoires potentielles.
Grâce à une analyse plus précise, Inmarsat conclut que l'avion a suivi le "corridor sud", le long de ce qu'elle a appelé l'"Arc 7", loin de tout site d'atterrissage possible. L'Australie mène de nouvelles recherches dans la zone, en vain.
Des recherches indépendantes qui se poursuivent
Le 29 juillet 2015, soit plus d'une année après la disparition de l'avion, un flaperon, un morceau d'aile de l'avion, est retrouvé sur une plage de la Réunion. Une découverte qui confirme l'hypothèse d'un crash dans l'océan Indien. D'autres morceaux de l'appareil seront retrouvés plus tard à Madagascar, au Mozambique ou encore en Tanzanie.
Pendant plus de mille jours, les recherches en mer se poursuivent sur une surface de 120'000 km2. Elles sont finalement abandonnées au mois de juillet 2017 et une année plus tard, le gouvernement malaisien remet son rapport d'enquête, où il admet ne pas pouvoir déterminer les causes de cette disparition.
L'Independant Group, un groupe de référence dans le secteur de l'aéronautique, poursuit toutefois des recherches indépendantes et arrive peu à peu à de nouvelles hypothèses. Il estime d'abord que l'avion aurait pu continuer à planer pendant environ 120km supplémentaires avant de toucher la surface de l'eau. Une nouvelle zone est modélisée et une opération de recherche est lancée par la société américaine Ocean Infinity, sans résultat une fois encore.
En se basant sur l'ADS-B, une technologie qui reçoit et enregistre les données de vol pour les redistribuer aux tours de contrôle de la zone, l'Independant Group parvient également à déterminer que le transpondeur, l'outil qui permet à l'avion d'être repéré par la tour de contrôle, n'a pas cessé d'émettre brutalement, comme cela aurait été le cas pour un crash. Il a au contraire été éteint depuis l'intérieur du cockpit, étape par étape.
L'idée d'un suicide du pilote commence à prendre forme. D'autant plus que sa personnalité donne du crédit à cette théorie. Agé de 33 ans, ce pilote expérimenté, décrit comme "taciturne" par un rapport de la police malaisienne qui a fuité sur internet, disposait d'un simulateur de vol dans sa cave. Or, l'analyse des données de ce simulateur montre qu'il avait effectué, peu avant le drame, un vol virtuel similaire, qui passait également par le détroit de Malacca et terminait sa course au sud de l'océan Indien.
>> Lire aussi : Comment le crash volontaire est devenu l'hypothèse la plus plausible du mystère du vol MH370
Aucune certitude à ce stade
Si les preuves convergent donc vers la théorie du suicide, la plupart des experts restent toutefois prudents. Tant que l'avion n'aura pas été retrouvé, aucune certitude sur le sort du vol MH370 ne peut être avancée.
La panne électrique, d'abord évoquée comme cause possible de la disparition, semble toutefois improbable. "Il n'y a rien qui explique qu'on perde tous ces systèmes (...) la redondance, c'est-à-dire la prise de relais par une source d'alimentation différente en cas de problème électrique d'un instrument, permet de se prémunir d'une avalanche de coupures", explique vendredi dans Le Monde Gilles Diharce, contrôleur aérien et auteur du livre "Mystère du vol MH370, Autopsie d'une disparition".
L'expert exclut également dans le quotidien français l’hypothèse de l’incendie ou de la panne grave en évoquant aussi l’absence de messages radio de détresse de l’équipage.
Reste toutefois à savoir si l'épave et ses boîtes noires, qui permettraient d'analyser les dernières données de vol, seront localisées un jour. Lundi, le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a déclaré qu'il serait "heureux de relancer" les recherches pour le vol MH370 en cas de preuves "convaincantes".
>> Relire à ce sujet : Le Premier ministre malaisien ouvert à relancer les recherches, dix ans après la disparition du vol MH370
Tristan Hertig
Des théories plus hétéroclites
Au cours des investigations, d'autres théories plus hétéroclites ont également émergé pour tenter d'expliquer la disparition du vol MH370.
Quelques jours après la disparition de l'appareil, des habitants de l'îlot de Kudahuvadhoo (Maldives) ont par exemple raconté avoir aperçu un avion voler à basse altitude aux alentours de 06h00 du matin, le jour de la disparition. Des témoignages qui pourraient invalider le rapport officiel du gouvernement malaisien.
D'après plusieurs journalistes qui ont suivi cette piste, c'est en fait sans doute un bimoteur que les habitants ont dû confondre avec le Boeing 777.
Interception américaine?
Journaliste travaillant pour Le Monde, Radio France ou encore RFI, Florence de Changy ose quant à elle une théorie encore plus inédite.
D'après elle, l'avion n'aurait pas fait demi-tour mais aurait été intercepté en mer de Chine par des forces américaines. Pour accréditer sa thèse, elle évoque la présence de deux avions radars américains (des Awacs) la nuit de la disparition.
Celle qui est autrice d'un livre intitulé "Vol MH 370. La disparition" avance que les Etats-Unis auraient pu intercepter ou détruire l'avion en raison de matériel militaire dissimulé en soute et destiné à Pékin. Une théorie pour le moins hautement spéculative.
Dix ans après, les familles exigent des réponses
Des proches des passagers chinois du vol MH370 de Malaysia Airlines se sont réunis vendredi à Pékin, toujours en quête de réponses. Les familles ont réitéré leur appel aux autorités chinoises afin qu'elles aident à la manifestation de la vérité.
Père d'un passager du vol MH370, Li Shuce s'est dit "optimiste". "Je suis sûr que mon fils est toujours vivant. On espère qu'il puisse vite revenir à la maison", a-t-il déclaré après des discussions avec des représentants du gouvernement chinois près du ministère des Affaires étrangères.
Devant l'ambassade
Une quinzaine de personnes, dont Li Shuce, se sont ensuite rassemblées dans l'après-midi à un carrefour situé près de l'ambassade de Malaisie à Pékin, dont l'accès avait été bloqué par la police par mesure de sécurité.
"Malaisie, rends-nous nos proches!", ont-ils scandé en direction du bâtiment.