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Il y a 25 ans, l'Otan bombardait la Yougoslavie de Slobodan Milosevic

L'abri d'un arrêt de bus situé à proximité du quartier général de l'armée yougoslave n'est plus qu'une coquille vide, le vendredi 30 avril 1999, à la suite d'intenses bombardements de l'OTAN qui ont causé des dommages considérables au quartier général de l'armée. [EPA Photo/ Keystone - Sloba Miljevic]
Le sentiment anti-occidental ravivé en Serbie, 25 ans après le bombardement de l’Otan / Tout un monde / 4 min. / le 22 mars 2024
Le 24 mars 1999, l'Otan lançait une campagne de bombardements aériens sur la Yougoslavie de Slobodan Milosevic, accusé de préparer un nettoyage ethnique contre les Albanais du Kosovo. Aujourd'hui, le sentiment anti-occidental est ravivé en Serbie.

Cette opération représentait la première intervention militaire de l'Alliance atlantique contre un Etat souverain en cinquante ans d'histoire de l'Otan. Durant 78 jours, l'Otan a bombardé des cibles militaires et des infrastructures, causant également la mort de centaines de civils (lire encadré). Cette opération reste vécue comme une humiliation et un traumatisme en Serbie.

"Ces bombardements ont profondément marqué les gens qui étaient un peu indécis entre l'ouest et l'est, ils s'en souviennent. Le sujet n'est toujours pas clos en Serbie", témoigne dans l'émission Tout un monde Dejan Ubovic, qui manifestait régulièrement à l'époque contre le pouvoir autoritaire de Milosevic. "Les Occidentaux n'ont toujours pas dit 'OK, nous avons fait des erreurs.' Milosevic était notre cible, mais beaucoup de gens qui ne le méritaient pas ont été victimes de ces bombardements".

Soutien à la Russie

Encore aujourd’hui, le souvenir des bombardements est évoqué presque tous les jours dans les grands médias serbes. Le ressentiment anti-occidental s’affiche sur les murs de Belgrade avec de nombreux tags anti-Otan, mais aussi en soutien à la Russie. Pour les nationalistes serbes, Moscou reste le meilleur allié de Belgrade sur la question du Kosovo.

A 25 ans, Dobrica Petric se dit prêt à se battre pour cette ancienne province serbe qui a déclaré son indépendance en 2008. Le jeune homme au crâne rasé est fier de montrer son pull à l’effigie de Poutine. "Le temps de l’hégémonie occidentale et surtout américaine est révolu. Je pense que la géopolitique et le temps jouent en notre faveur, donc on attend et on se prépare", témoigne-t-il dans Tout un monde. S'ils restent minoritaires, ces discours se font de plus en plus entendre dans la Serbie du président Vucic.

Une stratégie pour se maintenir au pouvoir

"C'était un événement traumatique, bien sûr, mais je pense que ce traumatisme prolongé est intentionnel", estime l’anthropologue Aleksandar Obradovic. "C'est un projet du régime pour cacher toutes les questions qui sont d'une vraie importance pour notre société et toutes les autres questions qui sont beaucoup plus importantes comme l'économie, la justice, le fonctionnement des institutions, l’oppression des médias, l’oppression des institutions, le népotisme", poursuit-il.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, le président serbe tente de tenir une politique d’équilibriste: son pays est candidat à l’Union européenne et son armée s’entraîne régulièrement avec l’Otan, mais la Serbie est aussi l’un des rares pays du continent qui n’a pas pris de sanctions et qui continue de signer des accords avec la Russie.

sujet radio: Louis Seiller

Adaptation web: Julie Liardet avec afp

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Onze semaines sous les missiles et les bombes

Au soir du 24 mars 1999, les premiers missiles de croisière de l'Otan s'abattent sur la Yougoslavie (RFY), une république fédérale créée en avril 1992 par la Serbie et le Monténégro après l'éclatement de l'ex-fédération.

Durant 78 jours, l'Otan a procédé à plus de 10'000 bombardements sur la Serbie, le Kosovo et le Monténégro, sans mandat de l'ONU. Les Etats-Unis et leurs alliés visent plusieurs dizaines de cibles militaires, puis des infrastructures (ponts, intersections ferroviaires, réseau électrique).

Mais bombes et missiles manquent parfois leur cible et provoquent émoi et vives critiques, notamment les frappes meurtrières sur l'immeuble de la télévision officielle RTS ou l'ambassade de Chine à Belgrade. Selon un rapport d'Human Rights Watch en 2000, quelque 500 civils, serbes et kosovars albanais, ont été tués dans les frappes de l'Otan.

Le 10 juin 1999, au terme d'onze semaines d'intervention, Slobodan Milosevic ordonne finalement à ses forces de se retirer du Kosovo, placé sous protection de l'ONU et de l'Otan.