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Incendies, déraillements ou cyberattaques, le Kremlin est soupçonné de sabotage en Europe

Le président russe Vladimir Poutine, à droite, et le directeur du Service fédéral de sécurité (FSB) Alexander Bortnikov assistent à une réunion du conseil d'administration du Service fédéral de sécurité à Moscou, Russie, le mercredi 24 février 2021. [KEYSTONE - ALEXEI DRUZHININ]
Le président russe Vladimir Poutine, à droite, et le directeur du Service fédéral de sécurité (FSB) Alexander Bortnikov assistent à une réunion du conseil d'administration du Service fédéral de sécurité à Moscou, Russie, le mercredi 24 février 2021. - [KEYSTONE - ALEXEI DRUZHININ]
D'après certains experts du renseignement, la Russie intensifierait sa guerre dite "hybride" contre l'Occident et l'Otan avec des cyberattaques, des incendies criminels et des déraillements de trains. Mais quel est le but de ces actes de sabotage présumés?

Attaques de pirates informatiques, sabotages d'installations militaires, agressions physiques contre des personnes dans les pays de l'Otan: le Kremlin est fortement soupçonné d'augmenter l'intensité de sa guerre hybride avec l'Ouest. Le Financial Times tirait déjà la sonnette d'alarme début mai et SRF est revenu sur le sujet dans son émission "Rendez-vous" avec le journaliste Fredy Gsteiger, spécialiste des politiques de sécurité.

Plusieurs exemples récents ont alerté le camp occidental. En Grande-Bretagne, un entrepôt contenant des fournitures d'aide à l'Ukraine a pris feu. En Bavière, le sabotage d'un centre logistique et d'installations militaires a été tenté. Le parti social-démocrate allemand (SPD) a aussi vu des comptes numériques de sa direction piratés. En outre, des trains ont déraillé en Suède et le trafic aérien civil au-dessus de la mer Baltique a été perturbé par la cyberguerre.

Les services secrets occidentaux et les forces de police sont convaincus que la Russie est derrière toutes ces affaires. Ils parlent d'"activités étatiques hostiles". De telles attaques hybrides ne sont pas nouvelles, mais leur nombre et leur ampleur auraient considérablement augmenté ces dernières semaines.

Quels objectifs stratégiques?

Selon certains experts occidentaux du renseignement, la Russie ressent un élan dans sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Mais en même temps, Moscou sait que ce ne sera pas une victoire facile. C’est pourquoi le Kremlin veut saper la volonté occidentale de soutenir l’Ukraine.

La Russie espère donc augmenter le prix que les Européens doivent payer pour soutenir Kiev.

Moscou veut également tester où se situent les faiblesses des Européens, notamment dans la perspective de la période qui suivrait une éventuelle victoire russe sur l’Ukraine, car dès lors, les pays de l'Otan pourraient entrer dans le collimateur militaire de Moscou.

Pourquoi maintenant?

L'une des raisons de la hausse récente de ces actes de sabotage pourrait être les prochaines élections au Parlement européen en juin.

Dans de nombreux pays, les partis populistes de droite et de gauche connaissent en effet un essor. Et certains manifestent de la sympathie pour la Russie, alors que d'autres voudraient mettre fin rapidement à la guerre en Ukraine, même au prix de pertes territoriales importantes pour l'Ukraine.

Moscou veut dès lors renforcer ces partis par une guerre hybride en fomentant des troubles et en semant le doute sur les gouvernements occidentaux actuels. En outre, il existe souvent une aile "pro-russe" ou au moins une aile "neutre" non négligeable dans de nombreux partis d’extrême droite et d’extrême gauche européens. Des positions que soutient idéologiquement le Kremlin, voire parfois financièrement, dans une optique stratégique et opportuniste.

Que peut faire l'Occident?

Face à ces opérations, l'Otan parle vaguement de l'importance de faire preuve de "davantage de coordination" ou de "vigilance".

Mais fondamentalement, les dictatures ont de meilleures cartes dans une guerre hybride que les démocraties. Un pays démocratique ne peut que difficilement perturber le trafic aérien civil en Russie ou y attaquer des usines de munitions. De telles actions seraient en effet plus facilement rendues publiques en Occident et elles y seraient également très controversées.

Et la Russie a, elle, de nombreuses autres possibilités de devenir active dans le domaine de la guerre hybride, sans d'ailleurs que sa paternité puisse être prouvée de manière concluante dans la plupart des cas.

Fredy Gsteiger (SRF)/snep (SRF)

Adaptation web: Julien Furrer (RTS)

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