Israël - Palestine: deux pères endeuillés veulent que leur colère "ne serve pas qu'à la vengeance"
Pendant plus d'une heure de leur récit, la salle de l'EPFL s'est enveloppée d'un silence contemplatif. Plus de 150 personnes sont venues écouter les deux pères.
Rami est un ancien soldat israélien et en 1997, il perd sa fille Smadar, 14 ans, dans un attentat perpétré par le Hamas en plein Jérusalem. En 2007, c’est Bassam, défenseur de la cause palestinienne, qui perd Abir, sa fille de 10 ans, tuée par des tirs israéliens. Les deux hommes se rencontrent au sein du mouvement "Combattants pour la paix", se rendent compte qu’ils traversent la même peine et se lient d’amitié à la place de se détester.
Liés par l'amitié
Pour Rami, la situation au Proche-Orient "est un désastre, c'est un génocide (...) deux nations folles se massacrent l'une et l'autre sans aucune pitié. ". Il ajoute que ce qui lie les deux pères ce sont leur amitié et leur partenariat. "Nous savons qu'il existe un autre moyen d'utiliser notre colère et notre frustration dans une autre direction", confie-t-il au micro de La Matinale.
Bassam explique qu'ils puisent leur force dans le souvenir de leur fille. "Nous voulons montrer que nous pouvons utiliser notre douleur d'une manière différente, pas seulement pour la vengeance", ajoute le père. Les deux amis feront "tout ce qui est en leur pouvoir pour parvenir à la paix". Ils souhaitent "vivre une vie normale, sans occupation, sans oppression, sans violence. Telle est notre mission".
Une mission qui les amène au Cercle des Parents, une association qui rassemble des parents endeuillés des deux provenances. Cette rencontre avec Bassam a permis d'ouvrir les yeux de Rami.
Les deux hommes racontent la chance qu'ils ont eue de se rencontrer, "la chance de comprendre l'humanité qui nous unit". "Jusque-là, j'étais victime de l'éducation israélienne. Mon cerveau a été lavé. On m'a délibérément et vicieusement caché l'existence de Bassam", révèle Rami. Lorsqu'il a rejoint le Cercle des Parents, il a "entamé un voyage vers ces gens (le peuple palestinien, ndlr) qui m'étaient cachés. Et j'ai découvert leur culture, leur histoire, leur nourriture, leur musique. J'ai alors découvert la lumière et l'espoir."
"C'est la manière humaine d'agir"
Rami et Bassam ont beaucoup de respect l'un envers l'autre, ils sont conscients que leur amitié fait exception à la règle. "C'est pour nous la voie rationnelle, la voie ordinaire pour laquelle les gens devraient agir", partage Bassam. Et d'ajouter: "Nous sommes considérés comme extraordinaires, mais nous nous considérons comme ordinaires. C'est la façon humaine et normale d'agir".
Nous ne nous laisserons jamais abattre, nous nous battons pour que nos filles restent en vie
Depuis un an, il est très difficile pour Rami et Bassam de se faire entendre et de transmettre leur projet de réconciliation, tant les deux côtés du conflit sont aveuglés par la vengeance, selon Rami. Pour le père israélien, c'est à eux de montrer l'exemple. Il y aura une fin au conflit, il n'en doute pas: "Pour y parvenir, nous devons renoncer à deux choses importantes: la première est la mentalité de victime des deux nations, en particulier de la nation juive, et l'autre est l'abandon de la suprématie juive".
Bassam rejoint son ami: "Nous ne nous laisserons jamais abattre parce que nous nous battons pour que nos filles restent en vie". Il continue à parler de sa fille "pas parce que c'était une Palestinienne, mais parce que c'était une enfant". "Nous devons savoir comment utiliser le souvenir de nos enfants et notre douleur pour un changement positif", souligne-t-il.
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Sujet radio: Aleksandra Planinic
Adaptation web: Lucie Ostorero