"J'avais l'impression d'être à Guantanamo", témoigne un défenseur palestinien des droits humains
Durant sa détention de décembre 2023 à février 2024, Munther Amira a perdu 33 kilos et n’a pas toujours eu accès aux médicaments qu’il devait prendre quotidiennement. Le Palestinien se souvient également du froid dans les cellules, des réveils par les gardes à 3h du matin, des menaces et des coups. Il a aussi subi des fouilles à nu à plusieurs reprises.
Le défenseur des droits de l’homme témoigne lundi dans l'émission Tout un monde. Il se dit notamment traumatisé par la première fois où il a dû se déshabiller totalement: "Les soldats m’ont mis dans un bureau et ils ont dit en hébreu "que la fête commence, prenons des photos" (...). Ils ont commencé à me frapper, m’ont jeté au sol et m’ont forcé à enlever mes sous-vêtements. Mon corps s’est mis à trembler. Ils m’ont mis face au mur et m’ont demandé de me lever, de me baisser, de lever la jambe droite, puis la gauche… Ils rigolaient".
Munther Amira est un des rares détenus libérés à accepter de se confier. Il avoue avoir eu peur de perdre la raison en prison. "J’avais l’impression d’être à Guantanamo", témoigne le Palestinien. "A chaque fois que vous êtes en train de marcher, de vous déplacer, les gardiens vous humilient, vous frappent. Ils sont très agressifs, tout le temps".
Les fouilles à nu sont devenues courantes en Israël
Selon l’ONG palestinienne Addameer qui monitore les droits des prisonniers, les fouilles à nu sont devenues une pratique de plus en plus courante en Israël depuis l'attaque du Hamas 7 octobre.
"Presque tous les prisonniers sont soumis aux fouilles à nu: les enfants, les femmes, les hommes, les personnes âgées... Les soldats les forcent à se mettre dans des positions très humiliantes", selon la responsable du plaidoyer de l’organisation Jenna Abu Hasna. "Les soldats fouillent à nu les détenues femmes palestiniennes, et les soldates israéliennes fouillent les hommes. Ils le font exprès pour humilier les prisonniers", poursuit Jenna Abu Hasna.
La détention administrative, une pratique critiquée
Israël abuse de la détention administrative, selon Jessica Montell, la directrice exécutive de l’ONG israélienne de défense des droits humains HaMoked. Cette mesure "doit être une exception quand il n’y a aucune alternative pour éviter un grave danger, mais (...) dans les faits, c’est la norme", estime-t-elle.
"La moitié des personnes arrêtées en ce moment sont placées en détention administrative au lieu d’être inculpées d’un crime", décrit Jessica Montell. "Donc c’est clairement une violation des droits de l'Homme et des obligations légales d’Israël", dit-elle. "Israël devrait libérer les détenus administratifs, à moins de pouvoir les juger au cours d’un vrai procès."
De son côté, Israël affirme que la détention administrative est conforme au droit international et nécessaire pour prévenir les actes de terrorisme.
Sujet radio: Charlotte Derouin
Adaptation web: Julie Liardet
Trois mois de détention administrative
Munther Amira a passé trois jours dans un centre de détention, puis trois mois en détention administrative à la prison d'Ofer, en Cisjordanie occupée. Le Palestinien de 53 ans a été arrêté par des soldats israéliens chez lui dans le camp de réfugiés d’Aïda près de Bethléem, le 18 décembre 2023. Il a été libéré le 29 février 2024.
Le défenseur des droits humains a d’abord été arrêté "pour des allégations concernant la publication de messages incitant à la violence sur Facebook", rappelle Amnesty International sur son site internet. Mais le ministère public "n’a pas présenté de preuves crédibles permettant de l’inculper et a finalement choisi d’émettre à son encontre un ordre de détention administrative", explique l'ONG.