"Je n’ai plus aucun espoir de coexistence": le témoignage d’une rescapée des attaques du 7 octobre
Tatoués sur son bras, un dessin de son ancien kibboutz, où elle habitait depuis les années 1970, ainsi qu'un cœur, "pour se rappeler qu'elle en a encore un". Batia Holin témoigne.
"Je suis photographe. Ces cinq dernières années, je parcourais les sentiers du kibboutz près du mur de séparation et prenais des photos. Elles étaient colorées, pleines d'espoir et de beauté. Je me disais: "quel endroit magnifique, quelle chance d'y habiter. Et si quelqu'un de l'autre côté du mur faisait la même chose?".
"Lorsque j'ai décidé de monter une exposition pour montrer la beauté de notre région, je me suis dit que ce serait génial si je pouvais trouver quelqu'un de l'autre côté du mur, prêt lui aussi à photographier son quotidien. Et j'ai trouvé un homme qui m'a dit qu'il serait enchanté d"'y participer. Il m'a dit qu'il voulait montrer que tout le monde n'est pas terroriste à Gaza et qu'il y a aussi des gens qui croient à la paix et la coexistence."
"Et j'y ai cru. Quelle chance d'avoir trouvé ce partenaire, me suis-je dit, qui pense comme moi. Nous avons monté cette exposition en février 2023. C'était un succès. Plus de 10'000 personnes l'ont vue, ce qui est beaucoup pour une telle exposition en Israël. Tout le monde était si optimiste. On se disait que c'était une preuve que le bien pouvait encore venir d'individus comme nous, éloignés de la politique.
Le 7 octobre, un point de rupture
"Mais le 7 octobre, mon partenaire m'appelé à 10h00 du matin, d'un numéro israélien. Il m'a immédiatement interrogé sur les mouvements des militaires israéliens dans notre région: "où sont-ils, combien sont-ils, quelles unités sont présentes et dans quelle direction vont-elles?". Il ne m'a pas demandé comment j'allais, ou si j'étais en sécurité. J'ai compris alors qu'il cherchait à obtenir des informations pour les transmettre au Hamas."
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"Deux jours plus tard, quand j'étais en sécurité, j'ai transmis toutes les informations le concernant aux services du renseignement. Je leur ai dit de faire ce qu'ils avaient à faire et que je ne voulais rien en savoir. Cet homme, qui était mon partenaire, a essayé de me tuer le 7 octobre."
Pour redonner un sens à sa vie, Batia a récemment mis sur pied une exposition avec ses photographies de Kfar Aza avant et après le 7 octobre. Intitulée "Rêve fracturé", elle sera notamment présente à la Biennale de Venise.
Laurent Burkhalter/Jon Bjorgvinsson/jtr