John Bolton: "Donald Trump ne sait pas distinguer son intérêt personnel de l'intérêt national"
En avril 2018, au moment de sa nomination au cabinet de Donald Trump pour l'orienter sur la stratégie à mener sur la scène internationale, John Bolton n'était pas un inconnu à Washington. Il avait déjà été ambassadeur américain à l'ONU sous l'administration Bush (2005-2006) et était l'un des chefs de file des "faucons", ces néoconservateurs fervents partisans de la force armée, de la mise en place de régimes favorables aux Etats-Unis et des guerres "préventives".
Connu pour son goût de la provocation, il a notamment été un militant actif pour l'invasion en Irak – qu'il défend encore aujourd'hui – et prône une ligne diplomatique "dure", en particulier contre ses deux cibles de prédilection: la Corée du Nord et l'Iran.
Donald Trump "ne poursuit que son intérêt personnel"
À l'époque, sa présence auprès de Donald Trump avait été le symbole du durcissement face à l'Iran, matérialisé par le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire iranien et la mise en place de sanctions contre le pays. Il avait toutefois quitté la Maison Blanche après à peine 15 mois pour de nombreux désaccords avec le président, qu'il attaquera par la suite dans ses mémoires.
Il l'estimait alors incompétent, prêt à se compromettre devant des dictateurs et n'agissant que pour ses propres intérêts. Une critique qu'il réitère d'emblée mercredi soir dans le 19h30: "Il ne sait pas distinguer son intérêt personnel de l'intérêt national. Et c'est son intérêt personnel qu'il poursuit", estime-t-il.
"Je ne pense pas qu'il soit une menace pour la démocratie. Je pense qu'il n'a pas de philosophie et qu'il ne fait pas de politique dans le sens conventionnel du terme. Ses décisions sont comme une série de points non connectés, anecdotiques, transactionnels et vus à travers le prisme de ce qui profite à lui-même", développe-t-il.
La Syrie, "bon exemple de réussite" de l'interventionnisme
John Bolton porte ainsi un regard désabusé sur le futur gouvernement du républicain. "Je pense que ce que Trump recherche pour son second mandat, ce sont des gens qui seront des béni-oui-oui. Il n'a pas vraiment envie d'entendre d'autres points de vue. Dans son cabinet, certains sont plutôt bons, d'autres plutôt mauvais, certains ont des idées conservatrices, d'autres des idées de gauche. Mais ça n'a aucune importance parce que l'important, c'est qu'ils diront oui à Trump. Il veut la soumission."
Même si un régime terroriste s'installe à Damas, ou si l'Etat unitaire de Syrie s'effondre, le fait d'éliminer un troisième pilier majeur du pouvoir de l'Iran dans la région est clairement un avantage
Interrogé sur la situation au Proche-Orient, l'ancien faucon néoconservateur estime que la chute de Bachar al-Assad est un bon exemple de la réussite de sa doctrine. "L'armée israélienne a détruit le Hamas et martelé le Hezbollah, ce qui ouvre la voie à un changement de régime en Iran", estime-t-il. "Et tant que les ayatollahs ne seront pas remplacés, il n'y aura aucune chance de paix et de sécurité au Proche-Orient. Je ne dis pas que ce sera facile, mais je ne pense pas que cela nécessite une grande implication des États-Unis ou d'autres pays."
Par ailleurs, l'incertitude qui règne en Syrie et le chaos qui pourrait s'y instiller ne l'inquiètent pas outre mesure. "Je pense qu'il existe une réelle possibilité que le nouveau régime de Damas devienne un État terroriste sur la Méditerranée. C'est pourquoi Israël pilonne ce qui reste de l'armée syrienne et les États-Unis bombardent les approvisionnements de Daesh à l'est. Mais même si un régime terroriste s'installe à Damas, ou si l'Etat unitaire de Syrie s'effondre, le fait d'éliminer un troisième pilier majeur du pouvoir de l'Iran dans la région est clairement un avantage."
Propos recueillis par Philippe Revaz
Texte web: Pierrik Jordan
"Si Trump se retire de l'Otan, ça serait une catastrophe"
Interrogé sur la posture de Donald Trump sur l'Ukraine, qui pourrait ouvrir la voie à une issue diplomatique au prix de concessions de la part de Kiev, John Bolton ironise: "Ça pourrait être une solution si vous pensez qu'une agression gratuite devrait être autorisée sur le continent européen. Nous avons essayé à plusieurs reprises au cours du siècle dernier et ça n'a pas très bien fonctionné pour de nombreux pays".
"Je pense que l'instinct de Trump est d'essayer de mettre ce conflit derrière lui, et qu'il ne se soucie pas de l'issue de ce conflit", développe-t-il. "Et je pense que ça pourrait vraiment mal tourner, non seulement pour l'Ukraine, mais ça pourrait aussi être le moment où Trump se retire de l'Otan. Ce serait une catastrophe pour les États-Unis, sans parler de l'Europe. Mais je pense que c'est son inclinaison".