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Kako Nubukpo: "Quand on parle de croissance africaine, on parle en fait des cours du pétrole"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Kako Nubukpo, économiste et homme politique togolais
L'invité de La Matinale (vidéo) - Kako Nubukpo, économiste et homme politique togolais / La Matinale / 15 min. / le 13 novembre 2024
En 2050, un quart de la population mondiale sera africaine, dont la moitié aura moins de 25 ans. Les perspectives sont toutefois limitées pour ces jeunes. Selon l'homme politique togolais Kako Nubukpo, il faut repenser le développement du continent africain et s'éloigner de son héritage colonial.

L'Afrique doit atteindre une véritable indépendance en termes de production agricole et de transformation des matières premières, estime l'économiste Kako Nubukpo dans son dernier livre "L’Afrique et le reste du monde" (éd. Odile Jacob).

"A l'heure actuelle, on voit bien qu'il n'y a pas de perspectives pour notre jeunesse, parce qu'il n'y a pas d'emplois. Et il n'y a pas d'emplois, parce que nous avons un système productif qui est le système colonial, c'est-à-dire exporter les matières premières sans les transformer sur place", affirme l'ancien ministre togolais dans La Matinale de la RTS. "Et ça, c'est quelque chose, à mon avis, qui est arrivé à son épuisement".

Sur les six premières économies africaines, il y en a trois qui dépendent exclusivement du pétrole. Donc quand on parle de croissance africaine, on parle en fait des cours du pétrole 

Kako Nubukpo, économiste et ancien ministre togolais

"Néo-extractivisme"

L'Afrique est un continent d'une richesse incroyable. Kako Nubukpo dénonce toutefois le "néo-extractivisme" des Occidentaux et de plus en plus aussi d'autres acteurs, comme la Chine et la Russie. "Le reste du monde se précipite en Afrique pour accéder aux terres rares, au lithium, au nickel, à toutes les matières premières de la transition numérique énergétique en fait", explique-t-il. Ces ressources ne sont toutefois pas transformées en Afrique, privant la population locale d'emplois sur place.

Kako Nubukpo rappelle que les six premières économies africaines - Afrique du Sud, Algérie, Angola, Egypte, Maroc et Nigeria - représentent à elles seules 65% du produit intérieur brut (PIB) africain. "Mais il y en a trois qui dépendent exclusivement du pétrole: le Nigeria, l'Angola et l'Algérie", précise l'économiste. "Donc quand on parle de croissance africaine, on parle en fait des cours du pétrole".

"Cela veut dire que ce n'est même pas quelque chose qui imprime en termes de création d'activité et sur place", poursuit-il. "Donc même s'il y a une grande hétérogénéité africaine, la tendance lourde reste quand même cet extractivisme".

Complicité des élites

Ce qui donne sa légitimité à l'élite africaine aujourd'hui, c'est le fait de répondre à ces donneurs d'ordres occidentaux. Ce qui fait que vous n'avez pas des élites dont la légitimité est endogène

Kako Nubukpo, économiste et ancien ministre togolais

Kako Nubukpo regrette également que cette prédation des ressources africaines par les multinationales occidentales se fasse avec la complicité des élites africaines, parlant même de "servitude volontaire".

"Ce qui donne sa légitimité à l'élite africaine aujourd'hui, c'est le fait de répondre à ces donneurs d'ordres occidentaux. Ce qui fait que vous n'avez pas des élites dont la légitimité est endogène", indique-t-il. "Donc à partir de là, vous avez une forme d'extraversion qui se perpétue et qui est l'héritage colonial, mais vous avez en face un milliard de jeunes qui sont en attente de vraies politiques publiques cohérentes".

Selon l'homme politique togolais, tant que cette incohérence entre la vision des élites et les aspirations de la jeunesse persistera, les problèmes "d'endettement massifs, de mauvaise gouvernance et d'incapacité à penser le long terme" perdureront aussi.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Emilie Délétroz

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