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Kamala Harris pourrait-elle inverser la tendance en faveur des démocrates?

Kamala Harris lors d'un meeting à la Fayetteville en Caroline du Nord. [REUTERS - Kevin Mohatt]
Kamala Harris lors d'un meeting à la Fayetteville en Caroline du Nord. - [REUTERS - Kevin Mohatt]
Kamala Harris fait figure de favorite pour être la candidate démocrate à la présidentielle, après l'abandon de Joe Biden. Si l'actuelle vice-présidente n'a pas encore réussi à s'imposer sur le devant de la scène, elle a encore le temps de le faire d'ici novembre, estime le spécialiste de l'opinion publique américaine Mathieu Gallard.

Invité dans l'émission Tout un monde, Mathieu Gallard, directeur de recherche IPSOS, spécialiste de l’opinion publique aux Etats-Unis, estime que la popularité de Kamala Harris "est encore relativement limitée, car la vice-présidente n'a pas brillé à son poste depuis 2020".

>> Lire aussi : Joe Biden a renoncé. Et maintenant?

"Elle avait déjà été candidate aux primaires démocrates en 2020 et cela ne s'était pas très bien passé", rappelle-t-il. "Depuis, elle a eu du mal à s'imposer dans ce rôle de vice-présidente, qui est un rôle particulièrement difficile aux Etats-Unis, où on reste plutôt sur la touche. De plus, Joe Biden lui avait laissé des sujets difficiles, notamment l'enjeu migratoire."

>> Notre suivi : L’équipe de campagne de Kamala Harris s'active après le retrait de Joe Biden de la présidentielle

A stade, si elle n'est pas très populaire, elle n'est pas impopulaire non plus, précise Mathieu Gallard. "Il va falloir voir comment elle relance la campagne démocrate et quel impact cela peut avoir sur l'électorat démocrate et sur les électeurs indécis."

Quatre mois cruciaux

Kamala Harris peut-elle se créer une stature présidentielle en quatre mois? "Ce ne sera pas facile, mais quatre mois, ça lui permet quand même d'avoir le temps de se présenter aux Américains, de présenter un discours, une nouvelle stratégie face à Donald Trump. En théorie, c'est faisable", juge encore l'expert.

 Cette campagne très courte peut aussi handicaper les républicains en les empêchant de trouver des angles efficaces face à Kamala Harris

 Mathieu Gallard

A ce titre, Mathieu Gallard estime que la convention démocrate, qui se tiendra du 19 ou 22 août, jouera un rôle important. "C'est généralement un événement très suivi, et qui risque de l'être particulièrement cette année s'il y a ne serait-ce qu'une incertitude très limitée sur sa nomination. Kamala Harris a des cartes en main pour se présenter sous un jour favorable aux Américains."

Une des questions va aussi être de savoir si les républicains et Donald Trump arrivent à trouver des angles d'attaque forts et qui résonnent au cours de ces quatre mois, note l'analyste. "Cela avait été le cas pour Hillary Clinton, mais Donald Trump avait eu du temps pour se préparer. Finalement, cette campagne très courte peut handicaper Kamala Harris, mais peut aussi handicaper les républicains en les empêchant de trouver des angles efficaces face à elle", conclut Mathieu Gallard.

>> Ecouter l'émission spéciale de "Tout un monde" sur la présidentielle américaine :

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Emission spéciale: la présidentielle américaine change de visage / Tout un monde / 20 min. / le 22 juillet 2024

Se mettre d'accord sur un nom

Pour Julien Labarre, politologue et maître de conférences en sciences politiques de l'Université d'Etat de Californie à Dominguez Hills, la priorité pour le Parti démocrate est de se mettre d'accord sur un nom avant sa convention d'investiture.

Dans La Matinale, Julien Labarre explique qu'il faut "absolument éviter" un remake de la Convention de 1968, qui "avait été un véritable bain de sang pour les démocrates". Elle avait vu les démocrates se déchirer, un peu plus de deux mois après l'assassinat de Robert Kennedy, vainqueur de la primaire démocrate.

>> Relire : Ces présidents et candidats américains tués ou victimes de tentative d'assassinat

"Il faut que les démocrates puissent passer à un cycle médiatique qui soit un peu plus positif. Parce que les trois ou quatre dernières semaines ont été absolument épouvantables pour le Parti démocrate."

Si les démocrates arrivent à transformer l'élection en référendum 'Trump ou pas Trump', ce sera plus simple

Julien Labarre, politologue et maître de conférences en sciences politiques de l'Université d'Etat de Californie

Julien Labarre estime que les démocrates doivent faire en sorte que l'attention "pivote sur le camp Trump, parce que leur avantage majeur est qu'ils ont un adversaire très impopulaire et qui a marqué l'histoire de l'Amérique, pas forcément dans le bon sens. S'ils arrivent à retransformer l'élection en référendum 'Trump ou pas Trump', ce serait plus simple. Pour cela, il faut arriver en front commun à la Convention."

>> L'interview de Julien Labarre dans La Matinale :

L'invité de La Matinale - Julien Labarre, politologue et maître de conférences en sciences politiques de l'Université d'Etat de Californie.
L'invité de La Matinale - Julien Labarre, politologue et maître de conférences en sciences politiques de l'Université d'Etat de Californie. / La Matinale / 9 min. / le 22 juillet 2024

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey et Aleksandra Planinic

Version web: Antoine Schaub

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Pour Joe Biden, "l'histoire se répète"

En quelques semaines, Joe Biden est passé du déni au désistement. Dans La Matinale, le politologue Julien Labarre estime que le président américain doit être partagé entre le soulagement et le ressentiment.

"Soulagement, parce que ça met fin à un cycle médiatique absolument abominable pour sa personne. Mais je pense qu'il y a effectivement aussi un certain ressentiment envers les cadres du Parti démocrate, pour plusieurs raisons", expose-t-il.

"Déjà, l'histoire se répète. En 2016, lorsqu'il était encore vice-président, il avait songé à concourir à la course à la Maison Blanche et en a été dissuadé par le président Barack Obama pour laisser la place à Hillary Clinton — parce que c'était son tour, parce qu'elle était un peu l'héritière naturelle de l'administration Obama. Joe Biden s'est vu prendre sa place pour au final pour assister à l'élection de Donald Trump."

Julien Labarre estime que Joe Biden doit avoir du ressentiment envers Bill Clinton et Barack Obama, qui ont fait pression sur lui pour qu'il se retire. "Pour Joe Biden, c'est très fort de café de s'entendre dire par deux présidents qui ont perdu leurs propres élections de mi-mandat en 2010 et en 1994 de se retirer parce qu'il va perdre, alors que lui-même s'en est plutôt bien sorti."