La sortie mardi prochain de "Freiheit" ("Liberté"), simultanément dans plus de 30 pays, est percutée par l'actualité de la campagne électorale allemande pour les élections législatives de février.
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Dans ce récit de 736 pages, co-écrit avec sa conseillère Beate Baumann, dont des extraits ont été publiés jeudi, l'ancienne chancelière, âgée de 70 ans, passe en revue les seize années et quatre mandats (2005-2021) durant lesquels elle fut la femme la plus puissante du monde. Elle y partage ses réflexions sur sa carrière politique, ses principes et sa vision des défis rencontrés au cours de son mandat, en revenant notamment sur sa première entrevue avec Donald Trump au printemps 2017 qui ne lui laissera "pas un bon pressentiment", confie-t-elle.
Donald Trump, Vladimir Poutine et le pape
Un président américain qui semblait très impressionné par Vladimir Poutine, dit-elle. Donald Trump, selon Angela Merkel, serait fasciné par les chefs d’Etats autocrates et ne croit absolument dans la coopération entre les Etats pour améliorer les choses. Pour elle, Donald Trump se comportait "comme l’entrepreneur immobilier qu’il était ayant pour seul objectif d’acquérir une parcelle de terrain".
Elle explique également pourquoi en 2008, elle s’est opposée à l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. Elle a redouté, dit-elle, une escalade militaire vis à vis de Moscou. A l'issue du sommet de l'alliance à Bucarest, fut trouvé un compromis "qui avait un prix".
"Le fait que la Géorgie et l'Ukraine n'aient pas reçu la promesse d'un statut de candidat à l'adhésion était un +non+ à leurs espoirs. Le fait que l'Otan leur ait en même temps laissé entrevoir une promesse générale d'adhésion était pour Poutine un +oui+ à l'adhésion (...) une déclaration de guerre".
Et puis, Angela Merkel parle de son audience particulière avec le pape François, à qui elle avait demandé: "mais comment faites-vous face à des personnalités importantes qui ont toutes des avis différents?" Et le pape avait répondu: "faire plier, faire plier, faire plier, mais faire attention aussi, à ce que cela ne casse pas".
Un héritage critiqué
Beaucoup n'ont pas attendu pour dresser un bilan sans concession de sa politique économique, énergétique et migratoire.
Si la chancelière a su sortir gagnante de certaines crises — notamment celle de la zone euro en 2010-2012 — elle a aussi "laissé derrière elle un pays plein de tâches inachevées", écrit le journaliste Eckart Lohse, dans un essai au titre sévère, "La Tromperie".
L'hebdomadaire britannique The Economist a récemment fustigé "seize années sans réforme" qui sont aujourd'hui "lourdes de conséquences".
"Merkeln"
L'Allemagne subit une envolée des prix de l'énergie, conséquence d'une longue dépendance aux livraisons de gaz russes interrompues après l'invasion de l'Ukraine, ainsi que "l'effritement du modèle économique orienté vers l'exportation", souligne le politologue Wolfgang Schroeder dans le quotidien Tagesspiegel.
Résultat, la première économie européenne est à la traîne des autres grandes puissances, avec une deuxième année de récession d'affilée attendue en 2025.
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Faute d'investissements, dans un pays obsédé par la dette, les Allemands subissent au quotidien "une vétusté des infrastructures" en matière de transport, de numérique ou d'éducation, liste Marie Krpata, chercheuse et experte de la politique allemande à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Si la stabilité était un pilier de la politique de Merkel, plébiscitée par ses électeurs, elle a confiné à l'immobilisme, selon ses détracteurs. Au point de lui valoir un néologisme, le verbe "merkeln", soit le fait de différer une décision aussi longtemps que possible.
Angela Merkel est "critiquée pour avoir eu un style de gestionnaire" plutôt que "visionnaire", résume Marie Krpata.
Energie, défense et immigration
Le feu vert donné à la construction du gazoduc Nord Stream 2, bien après l'annexion russe de la Crimée (2014), apparaît comme une erreur historique à la lumière de l'invasion de l'Ukraine.
Tout comme la dépendance à la Chine pour les exportations et au parapluie américain pour la défense.
Sur le volet migratoire, l'accueil de plus d'un million de réfugiés lors de la crise de 2015-2016 a été suivi par l'entrée fracassante au parlement du parti d'extrême droite AfD, aujourd'hui en deuxième position dans les sondages.
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Le gouvernement du social-démocrate Olaf Scholz, ex-ministre des Finances puis successeur de Merkel, a depuis rétabli les contrôles aux frontières et durci l'accueil des réfugiés.
agences/juma