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L'extrême droite provoque un séisme politique en Allemagne et fragilise la coalition d'Olaf Scholz

Retour sur l’ascension de l’AfD, après ses résultats record dans deux élections régionales dans l'est du pays, en Thuringe et en Saxe
Retour sur l’ascension de l’AfD, après ses résultats record dans deux élections régionales dans l'est du pays, en Thuringe et en Saxe / 19h30 / 2 min. / le 2 septembre 2024
L'extrême droite allemande se pose comme incontournable après des résultats record dans deux élections régionales dans l'est du pays, en Thuringe et en Saxe. Ils fragilisent davantage la coalition de centre gauche d'Olaf Scholz, un an avant les législatives.

"Il n'y aura plus de politique sans l'AfD", a prévenu Tino Chrupalla, le coprésident de ce parti anti-migrants, aux positions pro-russes, qui a remporté une victoire inédite dimanche. L'Alternative pour l'Allemagne devient la première force politique en Thuringe (32,8% des voix) et progresse de 3 points (30,6%) en Saxe, juste derrière les conservateurs de la CDU (31,9%), selon des résultats encore provisoires.

Nous avons obtenu un résultat historique. Pour la première fois dans sa courte histoire, 11 ans, l'AfD est devenu le groupe parlementaire le plus important. Et cela me remplit de beaucoup de fierté et de satisfaction

Björn Höcke, chef de l'AfD dans le Land de Thuringe

Le parti d'extrême droite a aussitôt revendiqué de diriger le Land de Thuringe où il est arrivé en tête, selon les résultats provisoires. Son chef de file dans cette région, Björn Höcke, l'une des figures les plus radicales de la formation, se dit "prêt à des coopérations", mais aucun autre parti ne veut s'allier avec lui. La formation d'extrême droite restera donc dans son rôle d'opposition.

"Je suis très heureux, je suis fier de ma fédération en Thuringe et je suis fier des centaines de bénévoles qui depuis l'Allemagne de l'Ouest sont venus aider dans la campagne électorale. Nous avons obtenu un résultat historique. Pour la première fois dans sa courte histoire, 11 ans, l'AfD est devenu le groupe parlementaire le plus important. Et cela me remplit de beaucoup de fierté et de satisfaction", a réagi Björn Höcke.

"Je pense que les anciens partis devraient faire preuve d'humilité et prendre acte du vote de la population (...) Ce barrage contre les partis comme le nôtre doit cesser. Nous avons besoin de changement et il ne viendra qu'avec l'AfD", a-t-il ajouté.

>> Ecouter l'émission Tout un monde sur la victoire de l'AfD en Thuringe et en Saxe :

Le leader de l'AfD en Thuringe Björn Höcke. [Keystone - DPA/Swen Pförtner]Keystone - DPA/Swen Pförtner
Elections en Allemagne: L’AFD remporte largement les élections en Thuringe et en Saxe / Tout un monde / 3 min. / le 2 septembre 2024

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Une minorité de blocage

En Thuringe, qui avait été la première à porter au pouvoir des nazis en 1932, l'AfD pourrait disposer d'une minorité de blocage, lui permettant notamment d'empêcher la nomination de juges, explique lundi dans La Matinale Hélène Miard Delacroix, professeure à Sorbonne Université et historienne spécialiste de l'Allemagne contemporaine. "Dans cette région, l'AfD aura une minorité de blocage, ce qui veut dire que pour un certain nombre de lois ou de décisions, ils peuvent vraiment obliger les partis qui formeront le gouvernement à les suivre."

Outre l'AfD, les électeurs ont aussi plébiscité le nouveau parti BSW, très virulent contre l'immigration et qui exige l'arrêt des livraisons d'armes à l'Ukraine. Fondé avant les élections autour d'une personnalité de la gauche radicale, Sahra Wagenknecht, il obtient 11,8% en Saxe et 15,8% en Thuringe.

En Saxe, l'AfD se place deuxième derrière les conservateurs de la CDU, qui excluent là aussi toute alliance avec l'extrême droite, mais auront du mal à trouver une majorité au Parlement régional de Dresde.

En Saxe et en Thuringe, ce donc les conservateurs de la CDU qui devraient mener les consultations de gouvernement. Les tractations promettent d'être longues et compliquées, car la CDU devra sans doute composer avec l'alliance de Sahra Wagenknecht.

>> Ecouter les précisions dans La Matinale :

Björn Höcke, président du parti et du groupe parlementaire de l'AfD en Thuringe et candidat principal, se tient dans le studio de la télévision ARD. [KEYSTONE/DPA - Michael Kappeler]KEYSTONE/DPA - Michael Kappeler
Victoire de l'Afd en Thuringe: les précisions de Blandine Milcent / La Matinale / 1 min. / le 2 septembre 2024

>> Lire aussi : En Allemagne, l'extrême droite remporte pour la première fois un scrutin régional

"Claque" pour Scholz

Les scores de l'extrême droite dans ces régions où elle s'est enracinée ces dix dernières années constituent un nouveau revers pour les trois partis de la coalition au pouvoir, sociaux-démocrates, Verts et libéraux, avant les législatives de septembre 2025. Aux élections européennes de juin, ils avaient été sévèrement battus par l'opposition conservatrice et l'extrême droite.

Le SPD d'Olaf Scholz enregistre en Thuringe son pire résultat dans un scrutin régional, avec un score estimé à 6,1%. Il fait également moins bien qu'il y a cinq ans en Saxe, avec 7,3%. De quoi craindre le pire pour l'élection régionale qui se tiendra le 22 septembre dans le Brandebourg, la région autour de Berlin, qui est actuellement dirigée par les sociaux-démocrates.

A partir du moment où certains l'ont déjà fait dans d'autres régions d'Allemagne, le tabou du vote à l'AfD est plus facile à briser

Hélène Miard-Delacroix, professeure à Sorbonne Université et historienne spécialiste de l'Allemagne contemporaine

L'exécutif paie le mécontentement d'une partie de l'opinion publique, nourri par l'inflation ou la transition écologique que tente de mettre en place le gouvernement, sous l'impulsion des Verts. Les disputes continuelles au sein de cet attelage tripartite ne font qu'alimenter son impopularité.

Pour Hélène Miard-Delacroix, les bons résultats de l'extrême droite dans ces deux régions "donnent une certaine légitimité au vote à l'AfD." "A partir du moment où certains l'ont déjà fait dans d'autres régions d'Allemagne, ce tabou est plus facile à briser", explique-t-elle. D'où un travail de fond à faire, "d'explications et de démontage de leurs propositions qui sont plutôt nocives à ce pays. Mais les gens qui votent pour eux ne le voient pas."

Selon l'historienne, l'Allemagne est face à un problème général que l'on retrouve dans d'autres pays européens, voire aux Etats-Unis. "C'est-à-dire cette radicalisation d'un certain nombre d'éléments de pensée, un refus de la tolérance, du libéralisme et une adhésion assez aveugle à une offre simpliste. Il y a les gentils et les méchants, il y a nous , il y a les autres..."

La Hongrie du nationaliste Viktor Orban a d'ailleurs salué le succès de l'AfD : "Les Länder allemands ont envoyé un message à Bruxelles et à Berlin : pas de migration, pas de concept de genre, pas de guerre", a commenté Balazs Orban, directeur politique du Premier ministre (sans lien de parenté). 

Fragmentation

A la déroute annoncée par les sondages s'est ajouté l'impact de l'attentat qui a fait trois morts fin août à Solingen (ouest). L'auteur présumé, un réfugié syrien de 26 ans, aurait dû être expulsé, ce qui a relancé le débat sur l'immigration.

"Il y a un amalgame qui est fait entre besoin de main d'oeuvre étrangère et étrangers criminels, ce qui a donné un côté très explosif à l'attentat de Solingen

Hélène Miard-Delacroix, professeure à Sorbonne Université et historienne spécialiste de l'Allemagne contemporaine

Selon Hélène Miard-Delacroix, cela a probablement renforcé la conviction de nombreuses personnes qu'elles avaient raison de soutenir une proposition politique opposée aux migrants. Mais d'après elle, c'est ignorer la réalité, à savoir que l'Allemagne souffre d'un déclin démographique et a besoin de main-d'œuvre étrangère. "Il y a un amalgame qui est fait entre besoin de main d'oeuvre étrangère et étrangers criminels, ce qui a donné un côté très explosif à cet attentat."

Les Verts sortent du Parlement régional de Thuringe, n'étant pas parvenus à dépasser le seuil des 5% nécessaires. Ils se maintiennent de peu en Saxe. La percée spectaculaire du parti BSW ajoute à la fragmentation du paysage politique. Le BSW tente de combiner politiques économiques de gauche et conservatisme sur les questions de société comme l'immigration et l'environnement.

Le mouvement se pose en faiseur de rois dans la formation des gouvernements locaux, avec des exigences bien au-delà de la politique régionale: ses responsables ont réaffirmé lundi que toute alliance sera conditionnée au refus du déploiement de missiles américains de moyenne portée en Allemagne et au soutien à des négociations de paix entre l'Ukraine et la Russie.

>> L'interview complète de Hélène Miard Delacroix, professeure à Sorbonne Université et historienne spécialiste de l'Allemagne contemporaine. :

L'extrême droite a remporté une élection régionale en Allemagne
L'extrême droite a remporté une élection régionale en Allemagne / La Matinale / 7 min. / le 2 septembre 2024

>> Les explications d’Antoine Silacci dans le 19h30 :

Succès de l’extrême droite allemande : les explications d’Antoine Silacci, chef de la rubrique internationale
Succès de l’extrême droite allemande : les explications d’Antoine Silacci, chef de la rubrique internationale / 19h30 / 1 min. / le 2 septembre 2024

Propos recueillis: Valérie Hauert

Article pour le web. Fabien Grenon avec l'afp

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Olaf Scholz appelle à des coalitions "sans l'extrême droite"

Le chancelier allemand Olaf Scholz a appelé lundi "tous les partis démocratiques" à former "des gouvernements stables sans l'extrême droite" dans les régions de Thuringe et de Saxe. L'AfD y a obtenu des scores records lors d'élections dimanche.

"L'AfD nuit à l'Allemagne. Elle affaiblit l'économie, elle divise la société et elle ruine la réputation de notre pays", a dit le dirigeant social-démocrate, dans un message posté sur Facebook, qualifiant d'"amers" les résultats des élections.