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L'île suédoise de Gotland, bastion stratégique de la Baltique, se réarme face à la menace russe

Un avion de chasse suédois Jas 39 Gripen E survole l'île de Gotland dans la mer Baltique, en Suède, le 11 mai 2022. [keystone - Henrik Montgomery]
Gotland : un bastion stratégique suédois en mer Baltique / Tout un monde / 5 min. / le 5 avril 2024
Au milieu de la mer Baltique, l'île suédoise de Gotland, nouveau bastion stratégique, renforce sa défense depuis l'adhésion du pays scandinave à l'Otan. Située à un peu moins de 300 kilomètres de l’enclave russe de Kaliningrad, elle voit un nombre toujours plus important de soldats venir garnir les rangs du régiment de l’île. 

Sur l’île de Gotland, 60'000 habitants, un nombre croissant de soldats s’entraînent actuellement lors de manœuvres militaires. Mais l'endroit n'est pas un front de guerre. Sa position géographique en fait un lieu hautement stratégique pour la Suède, membre de l'Otan depuis un mois, comme l'explique dans l'émission Tout un monde le commandant Dan Rasmussen.

Puisque Gotland est au milieu de la mer Baltique, celui qui met ses systèmes et ses capacités militaires sur cette île contrôle le survol et la navigation sur la mer Baltique

Dan Rasmussen, commandant suédois

"Kaliningrad est au sud-est, à environ 300 kilomètres. Et donc les États baltes sont à quelques kilomètres en moins à l'est."

Une position stratégique qui pousse la Suède à renforcer la défense de l’île. "Puisque Gotland est au milieu de la mer Baltique, celui qui met ses systèmes et ses capacités militaires sur cette île contrôle le survol et la navigation sur la mer Baltique", poursuit le militaire. 

L'île de Gotland, bastion stratégique au milieu de la mer Baltique.
L'île de Gotland, bastion stratégique au milieu de la mer Baltique.

Nombre de soldats triplé d'ici à trois ans

La Suède avait pourtant quitté Gotland en 2005, la Guerre Froide étant finie depuis longtemps. Mais après l’invasion russe en Crimée en 2014, les troupes y ont fait leur grand retour. Et il s’est accéléré depuis le début de la guerre en Ukraine. Face à la menace russe, le gouvernement veut y tripler le nombre de soldats d'ici à trois ans. Objectif: 4000 d’ici 2027.

"Ils ont désormais montré leurs cartes, en attaquant un pays voisin. Donc la menace est réelle. En ce moment, elle est peut-être concentrée sur l’Ukraine. Mais ça peut changer très vite. Et on doit être préparé pour les changements à venir, et pas seulement pour la menace actuelle. Le plan doit aussi couvrir les prochaines années", souligne le commandant Rasmussen.

Pour lui, l'adhésion de la Suède à l'Otan est donc une très bonne nouvelle. "Ça rend la région et la Suède plus sûres." Et ce, même si "dans la pratique, ça va prendre un moment pour que les activités soient fusionnées avec celles de l’Otan."

Un tank militaire de l'armée suédoise sur l'île de Gotland.
Un tank de l'armée suédoise sur l'île de Gotland.

Importance des sous-marins

L’île de Gotland est une pièce maîtresse dans le contrôle de la mer Baltique. Et la Suède ne mise pas seulement sur la remilitarisation de Gotland. Le pays mise aussi sur les sous-marins. Elle en possède plusieurs comme l'explique Jacob Westberg, professeur associé en études de la guerre à l’Université de la Défense de Stockholm.

Les sous-marins sont spécialement taillés pour faire face à des menaces russes

Jacob Westberg, professeur associé en études de la guerre à l’Université de la Défense de Stockholm

"Nous avons quatre ou cinq sous-marins en activité. La Pologne, ce n'est même pas sûr qu’elle en ait le moindre. Elle est supposée en avoir un mais on ne sait pas s’il est opérationnel. Les Allemands en ont seulement six. Et peut-être qu’ils opèrent dans la mer du Nord, plutôt qu'en mer Baltique."

Et le professeur relève la spécificité des sous-marins construits en Suède: "Ils sont spécialement taillés pour fonctionner dans l’environnement de la mer Baltique, et pour faire face à des menaces russes. L’eau de la mer Baltique a beaucoup de particularités." Et notamment une température différente selon les couches d’eau, relève l’un de ses collègues, le professeur Krönvik. Des différences de températures bien plus nombreuses que dans les océans.

"Les sonars ne parviennent pas à pénétrer ces différentes couches, justement à cause des différences de température. Et c’est pour ça que la mer Baltique est si optimale pour les opérations des sous-marins. C’est très difficile pour les vaisseaux en surface et pour les hélicoptères de les détecter."

"Les eaux de la Baltique, c’est une maison de fous"

Car s’ils veulent détecter des sous-marins, les vaisseaux doivent passer en revue avec leurs sonars les différentes couches d’eau, les unes après les autres. Et quand la présence d’un sous-marin a enfin été identifiée, ce dernier peut simplement aller se cacher dans une nouvelle couche d’eau. En surface, le vaisseau doit reprendre son inspection à zéro. "Les eaux de la Baltique, c’est une maison de fous", plaisante le professeur Krönvik.

Des sous-marins adaptés aux eaux de la mer Baltique et des troupes à Gotland: deux atouts que compte utiliser la Suède pour assurer sa défense dans la région.

Un des sous-marins de la marine suédoise. [The Yomiuri Shimbun via AFP - KOYA OZEKI]
Un des sous-marins de la marine suédoise. [The Yomiuri Shimbun via AFP - KOYA OZEKI]

Sujet radio: Elias Baillif

Adaptation web: Fabien Grenon

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