Le gouvernement israélien persiste dans sa stratégie de guerre à Gaza, malgré les répercussions du conflit sur son économie. En 2022, elle affichait une croissance éclatante de 6,5%. Cependant, depuis l'attaque du Hamas le 7 octobre dernier, le contraste est saisissant: en valeur annualisée, au dernier trimestre 2023, l'économie israélienne a subi une réduction brutale de 20% de son PIB. Cette chute est sans précédent dans l’histoire d’Israël.
Pour l'instant, Jacques Bendelac, économiste spécialiste d'Israël et des territoires palestiniens, n’est pas excessivement préoccupé pour l'avenir de l'économie israélienne. Si la guerre reste courte, ses effets seront gérables, estime-t-il, même si quasiment tous les secteurs économiques sont impactés par le conflit.
C'est la période la plus noire que l'économie d'Israël ait jamais connue dans son histoire
"Beaucoup de civils ont été mobilisés et de nombreuses personnes ont été déplacées vers d’autres villes. En conséquence, 20% de la population active n’a pas travaillé pendant un trimestre, ce qui est considérable. De plus, les Israéliens ont consommé beaucoup moins, car ils n'avaient pas l'esprit à la consommation et les magasins étaient fermés", explique-t-il
"Non seulement l'économie est à l'arrêt, mais elle a aussi fait un grand bond en arrière qui se prolonge encore en ce début de 2024", précise l'économiste Israélien.
Un autre facteur à prendre en compte est la restriction quasi-totale imposée aux travailleurs palestiniens de Cisjordanie de venir en Israël. Les conséquences sont doubles: une perte de salaire qui pèse lourdement sur les Palestiniens et, en Israël, des secteurs tels que la construction qui sont à l’arrêt.
Selon Jacques Bendelac, "les travailleurs étrangers, notamment les Palestiniens, jouent un rôle crucial dans la construction et l’agriculture. Bien que ces secteurs ne soient pas prédominants dans l’économie israélienne, ils contribuent néanmoins au moyen de subsistance de nombreuses personnes".
L'économie israélienne a la capacité de tenir le coup sur une durée relativement longue, disons une année depuis le début de la guerre
Les dépenses budgétaires en Israël ont connu une forte hausse, augmentant de près de 90% depuis le début de la guerre. Jacques Bendelac estime qu’Israël a la capacité de financer des dépenses publiques importantes sur une durée moyenne: "L'Etat possède de nombreuses réserves de devises" et son endettement extérieur est faible, note-t-il.
"Tout cela permet à l'économie israélienne de tenir le coup sur une durée relativement longue, disons une année depuis le début de la guerre, pour qu'ensuite il y ait un démarrage beaucoup plus fort", déclare le docteur en sciences économiques de Jérusalem.
Par ailleurs, le commerce extérieur d'Israël est fortement touché: les importations ont chuté de plus de 40% et les exportations de près de 20%. "Les boycotts étrangers n'ont pas une grande influence sur l'économie israélienne", relève-t-il, en soulignant que "les produits et services israéliens, notamment de la haute technologie, sont encore assez demandés et recherchés à l'étranger".
Pour l'instant, l'économie n'est pas une préoccupation principale pour les Israéliens. Ils préfèrent d'abord donner la priorité aux objectifs militaires
L’économie israélienne a frôlé la récession l’année dernière. Si le conflit devait persister, elle pourrait connaître une récession temporaire.
Selon Jacques Bendelac, ce serait un prix acceptable pour la population civile: "La majorité des Israéliens privilégie l’éradication du Hamas dans la bande de Gaza et la libération des 134 otages israéliens. Pour réaliser ces deux objectifs, qui sont primordiaux et indispensables, ils sont prêts à en payer le prix encore durant quelques mois".
Après le conflit, la reprise économique dépendra de la confiance des investisseurs étrangers, mais elle n’est pas garantie. Récemment, l’agence de notation Moody’s a abaissé la note de crédit d’Israël, citant les risques politiques et fiscaux importants liés à la guerre. Une baisse de note signifie que les investisseurs hésiteront à investir, ce qui affecte la crédibilité du pays et sa capacité à attirer des investissements.
Jacques Bendelac exprime son inquiétude: "On sait que la fin d'une guerre en Israël se termine toujours par un redémarrage, par un boom économique. Mais, cette fois-ci, il sera plus long et plus coûteux qu'il ne l'a été lors des guerres précédentes", conclut-il.
Sujet radio: Patrick Chaboudez
Adaptation web: Miroslav Mares