Le mégaprojet de 32 milliards de dollars sur l'île de Bornéo devait officiellement devenir la capitale de l'Indonésie samedi, mais les retards de construction et des problèmes de financement ont contraint le président Joko Widodo à reporter la signature d'un décret présidentiel scellant ce transfert.
Joko Widodo, plus connu sous le nom de Jokowi, a assisté à la cérémonie à Nusantara en compagnie de ministres et de hauts gradés de l'armée, afin de rassurer les investisseurs potentiels sur la viabilité du projet avant de quitter ses fonctions après une décennie au pouvoir.
"Les travaux ont pris du retard en raison de problèmes liés à l'accès à l'eau et à l'électricité. Il y a aussi la problématique du financement. En début de semaine, le président a tenu son premier Conseil des ministres dans la nouvelle capitale. Il s'agissait de rassurer les investisseurs étrangers, qui voient que le projet fait face à de multiples ralentissements", explique Juliette Pietraszewskic, correspondante de la RTS en Indonésie, dans Forum.
Il est le premier président à assister à une cérémonie d'État dans la capitale inachevée. Mais il n'y a pas pris la parole, au lendemain de son dernier discours sur l'état de l'union devant le parlement, dans lequel il a vanté son bilan économique, sans mentionner la nouvelle capitale.
Moins d'invités que prévu
Son successeur, Prabowo Subianto, qui prendra ses fonctions en octobre, était également présent à la cérémonie, qui comprenait une prière et un défilé militaire.
Au total, moins de 2000 autres personnes y ont assisté, le manque de logements et les travaux de construction en cours ayant contraint à réduire la liste des invités, initialement au nombre de 8000.
Selon Juliette Pietraszewski, seuls le palais présidentiel et quelques logements de fonctionnaires sont déjà terminés. "Tout ce qui est autour est loin d'être fini, si bien que le président lui-même a repoussé son installation dans la ville", précise-t-elle.
Le décret présidentiel prévoyant le changement de capitale pourrait être retardé jusqu'à l'entrée en fonction de Prabowo.
Les anciennes Indes orientales néerlandaises, devenues la République d'Indonésie, ont déclaré leur indépendance en 1945, après plus de trois siècles de domination néerlandaise à laquelle avait mis fin l'occupation japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale.
jfe avec les agences
Un projet controversé
Le projet pharaonique de Nusantara, qui doit s'étaler sur plus de 620 km2, suscite de nombreuses critiques. Ces dernières estiment notamment que la loi établissant le transfert de capitale a été adoptée à la hâte.
La quasi-absence de consultation publique et d'étude d'impact environnemental est également pointée du doigt par de nombreuses ONG comme une faiblesse du projet. Pour celles-ci, il aurait mieux valu résoudre les problèmes auxquels fait face Djakarta.
Un autre point de crispation concerne la situation des tribus locales. Certaines ont désormais leur village en plein milieu du chantier et elles craignent de futures expropriations. Selon plusieurs médias indonésiens, ces cas ont déjà été signalés.
Président des infrastructures
Pour justifier la création d'une ville sur l'île de Bornéo, Joko Widodo argumente que le projet permettra de mieux répartir les richesses dans le pays, qui sont actuellement concentrées sur l'île de Java, où se situe Djakarta, alors que Nusantara est plus centrée.
Au pouvoir depuis dix ans, l'homme fort de l'Indonésie a aussi voulu faire de Nusantara l'antithèse de Djakarta, présentée comme une ville verte et respectueuse de l'environnement, avec un objectif de zéro émission de CO2.
Joko Widodo est considéré en Indonésie comme le président des infrastructures. L'homme d'Etat veut moderniser son pays, aussi dans une volonté de rompre avec l'histoire coloniale indonésienne. Car aucune capitale n'a été pensée et construite entièrement par les Indonésiens eux-mêmes... un argument de poids pour le pays.