Une alliance créée face au "péril rouge"
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, le continent européen est en ruines. Face à cette fragilité, les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, redoutent une expansion du communisme incarné par l'Union soviétique. En février 1948, le "coup de Prague", soit la prise du pouvoir par les communistes en Tchécoslovaquie - sans intervention directe de l'Armée rouge - accentue les craintes.
Le 4 avril 1949, le Traité de l'Atlantique Nord est donc signé à Washington. Douze pays y participent: les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark, le Portugal, l'Islande et le Luxembourg.
Le but principal de l'Otan est de devenir une alliance militaire collective où, comme le proclame l'article 5 du Traité, toute attaque contre un membre sera considérée comme une attaque contre tous les membres, et suivie d'une réponse militaire unie.
Au cours de la Guerre Froide, l'Otan agit donc comme une alliance de dissuasion face aux appétits et velléités soviétiques. L'alliance marque aussi un tournant dans la politique étrangère américaine qui, jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, favorisait traditionnellement l'isolationnisme. Un peu moins d'un an avant la signature du traité atlantique, le Sénat des Etats-Unis adopte en effet la "résolution Vandenberg", qui permet au gouvernement américain de conclure des alliances militaires en temps de paix.
Des relations transatlantiques relativement stables
Au cours de la Guerre Froide, et alors qu'un pendant soviétique à l'Otan émerge avec le Pacte de Varsovie au mois de mai 1955 — une alliance militaire groupant les pays d'Europe de l'Est avec l'URSS— les relations entre les Etats-Unis et leurs partenaires en Europe de l'Ouest sont relativement stables.
Pour Washington, l'Otan devient un élément clé de sa stratégie pour contenir l'expansion soviétique. Une logique qui se confirme tant sous les administrations républicaines que démocrates.
Dwight Eisenhower, John Kennedy, Lyndon Johnson, Richard Nixon, Jimmy Carter ou encore Ronald Reagan, tous les présidents américains émettent le souhait que les pays européens participent davantage à l'alliance, en augmentant notamment leurs dépenses de défense. Les critiques sont néanmoins souvent indirectes et aucun ne menace de réduire l'engagement américain.
Il faudra attendre l'accession au pouvoir de Donald Trump en 2017 pour que la charge envers les partenaires européens se fasse plus claire. Au cours de son mandat, le président républicain n'aura de cesse de critiquer ouvertement l'Otan, suggérant à plusieurs reprises que les Etats-Unis pourraient réduire leur participation dans l'Alliance et allant jusqu'à ordonner le retrait de troupes en Allemagne en juillet 2020.
L'arrivée au pouvoir de Joe Biden en 2021 remet néanmoins les relations transatlantiques sur les bons rails, le démocrate assurant un soutien solide à l'Otan.
La France et le désir d'indépendance
L'histoire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord n'est toutefois pas un long fleuve tranquille. En Europe, l'Alliance est le plus souvent perçue comme un parapluie défensif américain indispensable. Mais cette suprématie américaine agace également, notamment en France.
Pour s'émanciper de cette dépendance, la France de Charles de Gaulle décide dès 1966 de se retirer du commandement militaire intégré de l'Otan. Le général, héros de la Seconde Guerre mondiale, entend ainsi préserver l'indépendance française en matière de politique étrangère et de défense. Si Paris maintient sa participation à l'Otan en tant qu'allié, cette décision marque une période de relations tendues avec certains des partenaires de l'Otan.
Il faudra attendre les années 90 et la fin de la Guerre Froide pour que le pays réintègre progressivement les structures militaires de l'Otan et 2009 pour que le président Nicolas Sarkozy annonce le retour dans le commandement militaire intégré.
Depuis son retour complet, la France joue un rôle actif au sein de l'Otan, participant à diverses opérations militaires et missions de maintien de la paix. Le pays continue toutefois de maintenir une posture d'indépendance dans certaines de ses politiques de défense, notamment en ce qui concerne ses forces nucléaires.
Nouveaux paradigmes et élargissement
Avec la chute du mur de Berlin en 1989 et la dissolution de l'Union soviétique en 1991, la Guerre Froide s'achève. Pour l'Otan, ces nouvelles réalités signifient une redéfinition radicale de son rôle. L'Alliance s'engage de plus en plus dans des opérations de gestion de crises en dehors de son territoire opérationnel traditionnel.
Entre 1995 et 2004, l'Otan mène ainsi des opérations de maintien de la paix en Bosnie-Herzégovine et impose un embargo sur les armes pendant la guerre. En 1999, elle effectue une campagne de frappes aériennes contre la Yougoslavie, qui vise officiellement à mettre fin aux violations des droits de l'Homme et à la répression exercée par les forces serbes contre la population albanaise du Kosovo.
Après les attentats du 11 septembre 2001, l'Otan invoque pour la première fois de son histoire l'article 5 de son traité, qui stipule qu'une attaque contre un membre est considérée comme une attaque contre tous. Une décision qui conduit l'Otan à participer à des opérations militaires en Afghanistan. L'Alliance prend enfin également part à des opérations anti-piraterie, comme l'opération Ocean Shield, effectuée au large de la Somalie de 2009 à 2016.
Au fur et à mesure que les tâches et les rôles de l'Otan se diversifient, l'Organisation connaît un élargissement sensible de ses membres, en plusieurs vagues.
En 1999, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque rejoignent l'Alliance. En 2004, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, l'Estonie, la Slovaquie, la Slovénie, l'Estonie et la Bulgarie. En 2009, l'Albanie et la Croatie. En 2017, le Monténégro. En 2020, la Macédoine du Nord. Enfin, après l'invasion russe de l'Ukraine, c'est la Finlande et la Suède, traditionnellement neutres, qui décident de rejoindre l'Otan, respectivement en 2023 et 2024.
Retour du grand ennemi russe
Au cours des dernières années, l'Otan, malgré son élargissement à de nouveaux membres et l'adoption de missions répondant à des menaces contemporaines, a fait face à une perception de plus en plus négative au sein de l'arène internationale.
L'Alliance a notamment été jugée "obsolète" par Donald Trump ou encore en état de "mort cérébrale" par le président français Emmanuel Macron en 2019.
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L’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 a toutefois créé un nouveau regain d’intérêt pour l’Otan, vue comme la seule organisation militaire capable de résister aux velléités russes de recréer une "Grande Russie" à l’image de l’ancienne URSS.
Si les Occidentaux excluent d'intervenir militairement, l'Alliance a imposé à la Russie de sévères sanctions qui contribuent à priver de ressources la machine de guerre du Kremlin.
À la suite de l’invasion, les Alliés ont également activé et déployé des milliers de soldats supplémentaires des deux côtés de l’Atlantique. Au total, plus de 40'000 soldats, ainsi que d’importants moyens aériens et navals, sont désormais sous le commandement direct de l’Otan dans la partie orientale de l’Alliance, appuyés par des dizaines de milliers d’autres provenant des déploiements nationaux des Alliés.
Avec le retour du "grand ennemi russe", l'importance capitale de l'Otan pour la défense de l'Europe est donc à nouveau affirmée.
Pourtant, un éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait déstabiliser l'organisation. Au mois de février, le candidat républicain a par exemple remis en cause l'article 5, affirmant que Washington pourrait ne pas aider "les mauvais payeurs", soit les pays de l'Alliance qui investissent moins de 2% de leur PIB dans la Défense. Or, selon les dernières données disponibles, seuls 18 membres de l'Otan sur 32 respectent actuellement ce prérequis de l'Alliance.
Tristan Hertig
Un "engagement sacré" pour Joe Biden
Le président américain Joe Biden a appelé jeudi au maintien d'un engagement fort des Etats-Unis dans l'Otan, sur fond de critiques récurrentes de son rival républicain Donald Trump contre l'alliance de défense transatlantique.
"Nous devons nous rappeler que l'engagement sacré que nous prenons envers nos alliés, à savoir défendre le moindre pouce de territoire de l'Otan, renforce aussi notre propre sécurité et donne aux Etats-Unis un rempart qui n'a pas d'équivalent dans le monde", a écrit le président américain dans un communiqué publié à l'occasion du 75e anniversaire de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.