L'Ukraine intensifie la pression sur les réfugiés à l’étranger pour qu'ils rejoignent le combat
En mai dernier, une nouvelle loi ukrainienne a été mise en vigueur: l'âge de la mobilisation a été abaissé de 27 à 25 ans. Par ailleurs, les hommes âgés entre 18 et 60 ans et résidant à l'étranger doivent prouver qu'ils sont inscrits auprès de l'armée pour bénéficier des services consulaires.
Selon les chiffres du mois de mai, 11'400 hommes ukrainiens, âgés de 18 à 60 ans, résident en Suisse avec le statut S.
Le refus de se battre contre les siens
Dima, un informaticien de 36 ans en bonne santé, est arrivé en Suisse avec sa femme et ses deux enfants au début de la guerre. Bien qu'il corresponde aux nouveaux critères du gouvernement ukrainien pour le combat, il refuse catégoriquement de retourner en Ukraine. Ayant vécu les débuts de la guerre du Donbass, il ne veut en aucun cas l'infliger à ses enfants. De plus, il est réticent à risquer la mort pour un pays dont il juge le fonctionnement indéfendable.
"Dans notre pays, nous avons un haut niveau de corruption, et cela, depuis notre indépendance il y a trente ans, peu importe le président. Aujourd'hui, on nous demande de retourner au pays pour nous battre. Cependant, les politiciens et ceux qui occupent des postes importants ne semblent pas envoyer leurs enfants au front", témoigne-t-il lundi dans La Matinale de la RTS.
Je ne comprends pas comment je pourrais me battre contre des personnes que je connais
De plus, il pourrait être amené à combattre contre les siens: "Je viens de l'est de l’Ukraine, du Donbass, j'ai toujours de la famille et des amis qui y résident. Il est possible que certaines personnes que je connais aient rejoint l'armée russe et se trouvent désormais de l’autre côté de la ligne de front. Je ne comprends pas comment je pourrais me battre contre eux".
Dima veut croire que sa situation personnelle l'aidera à éviter un renvoi en Ukraine: depuis qu'il est arrivé en Suisse, il n'a pas touché d'aide financière de la part de l'Etat. Il a toujours travaillé et il est maintenant employé d'une entreprise suisse.
Certains estiment que cette guerre n'a aucun sens
Vadim (nom modifié) est un quinquagénaire qui a émigré en Suisse il y a six mois. Malgré des problèmes de santé, s'il retourne en Ukraine, il pourrait être mobilisé. "C'est vrai, cela n'est pas très juste. Certains d'entre nous peuvent être protégés dans ce magnifique pays qu'est la Suisse, tandis que d'autres sont mobilisés. Mais si tous les Ukrainiens réfugiés ici étaient envoyés au front, cela ne changerait rien à l'issue de la guerre. Par contre, la moitié d'entre nous serait tué et les autres seraient blessés ou deviendraient invalides", confiait-il à nos collègues de SRF.
Même si tous les Ukrainiens réfugiés ici étaient envoyés au front, cela ne changerait rien
Vadim se considère comme un pacifiste. A ses yeux, cette guerre que l’Ukraine semble perdre n'a aucun sens. Il est d'avis que son pays doit déposer les armes et entamer des négociations de paix avec la Russie.
La fragile protection des déserteurs
Pour l'instant, ces hommes ne courent pas le risque d'être expulsés de Suisse, car leur statut S leur confère une protection. La décision de retirer ou de réviser le permis S pour les hommes ukrainiens relève du Conseil fédéral, qui n'a pas besoin de l’approbation du Parlement pour agir.
S'agissant du statut S, le gouvernement a déclaré jusqu'ici qu'il ne procéderait à des changements, le cas échéant, qu'en coordination avec l'Union européenne.
Cependant, la pression politique est bien présente, puisque de plus en plus d'élus bourgeois au Parlement estiment qu’ils n’ont plus rien à faire en Suisse, simplement parce que notre droit interdit d’accorder l’asile à ce qu'on appelle des déserteurs.
"Il y a des hommes qui sont ici pour ne pas faire la guerre, or l'Ukraine a besoin de soldats. Le droit d'asile repose sur une base qui stipule que chaque cas doit être réexaminé individuellement. C'est clair que nous devons prendre en compte les maladies et la situation familiale. Cependant, chaque cas doit être réexaminé individuellement", déclare Christian Wasserfallen, conseiller national PLR bernois.
Cette requête s'inscrit aussi dans une situation budgétaire particulière. L'accueil de 64'000 ressortissants ukrainiens coûtent de plus en plus cher à la Confédération et aux cantons, après deux ans d'une guerre qui n'est pas près de s'arrêter.
Raison pour laquelle de plus en plus d’élus du centre-droit aimeraient que certains rentrent dans leur pays.
Sujet radio: Céline Fontannaz
Adaptation web: Miroslav Mares