La Belgique est habituée aux longues périodes sans gouvernement. Le pays avait fait sans durant 541 jours entre 2010 et 2011, un record. Plus récemment, la vacance a duré 493 jours, avant que l'actuel Premier ministre, Alexander De Croo, n'entre en fonction le 1er octobre 2020. Ce libéral était à la tête d'une coalition de sept partis allant des écologistes à la droite conservatrice. Jusqu'à sa défaite aux élections du 9 juin dernier, après lesquelles il a remis sa démission au roi, qui lui a confié la gestion des affaires courantes.
En Belgique, le Parlement est divisé entre plusieurs formations relativement petites, dont aucune ne peut se prévaloir d'une majorité absolue. La dernière fois qu'un parti a gagné plus de la moitié des sièges, c'était en 1950. Le Parti social-chrétien a donc pris les rênes du pays pendant quelques années, dernier cas de non-partage du pouvoir.
Dans le système belge, les ministres fédéraux sont nommés par le roi et le gouvernement doit ensuite passer l'épreuve du vote de confiance des députés. Pour atteindre le sommet de l'Etat, même le parti le plus puissant doit trouver des alliés et faire des compromis.
"On accepte le principe d'un gouvernement qu'on peut qualifier de bigarré, qui associe des partis de gauche et de droite. Ce n'est pas une difficulté. Nous avons eu des gouvernements de toutes natures et de toutes coalitions", explique dans Tout un monde Pascal Delwit, professeur de science politique à l'Université libre de Bruxelles.
La quête de satisfaction à la fois de la gauche et de la droite, mais aussi des deux régions linguistiques néerlandophone et francophone implique un processus sinueux. "Cette équation-là rend difficile et plus longue les formations du gouvernement", indique le politologue.
Une majorité arithmétique sans consensus politique
Et c'est là que ça coince actuellement. Des discussions entre cinq partis ont débuté le 10 juillet en vue de former un gouvernement. Cette entente de principe regroupe des partis des deux bords de l'échiquier politique et des deux côtés de la frontière linguistique. Ces cinq formations totalisent 81 sièges sur 150 au sein du nouveau Parlement.
Le roi Philippe avait confié à Bart De Wever la tâche de mener les négociations, en sa qualité de chef de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), parti conservateur et nationaliste flamand, sorti en tête du scrutin du 9 juin.
Cette première phase de pourparlers est arrivée dans une impasse. Bart De Wever, pressenti pour être Premier ministre, a remis son mandat de "formateur" la semaine passée.
Des dissensions sur la fiscalité ont vu le jour au sein de cette alliance de principe. Une proposition des socialistes flamands de taxe sur la plus-value a rencontré l'opposition du Mouvement réformateur (MR), parti libéral de Wallonie. Ces deux formations sont également membres du gouvernement démissionnaire.
Un nouveau round prévu
Le roi Philippe a entamé vendredi des entretiens "avec les présidents des cinq partis associés aux négociations en vue de la formation d'un nouveau gouvernement", a annoncé le Palais royal dans un communiqué. Le monarque nommera un nouveau négociateur après cette consultation. Après quoi, ce sera reparti pour un nouveau round de pourparlers. Bart De Wever pourrait bénéficier d'une seconde chance.
Ces tractations peuvent durer longtemps. Dernier épisode en date, le MR a fait savoir mardi matin qu'il était prêt à faire une concession. Le ministre David Clarinval, l'un de ses responsables, a admis au micro de la radio Bel-RTL qu'instaurer une taxe sur la plus-value est possible. Mais il ne veut en revanche pas d'une telle ponction lors d'une revente d'entreprise. Et de souligner que les augmentations et les diminutions fiscales doivent s'équilibrer. Le parti estime que pour l'heure trop de nouvelles taxes sont prévues.
Les finances publiques sont le principal point d'achoppement. Et pour cause: le trésor belge ne se porte pas bien. Le pays est l'un des sept membres de la zone euros visés par une procédure d'infraction aux règles budgétaires. La Belgique présente un déficit de 4,4% de son PIB, soit un dépassement de la limite des 3%.
Le pays doit transmettre le 20 septembre son plan pour réduire sa dette à la Commission européenne. Bart De Wever espérait annoncer la formation d'un gouvernement d'ici cette date. Mais c'était au début des discussions… Cette perspective s'éloigne de plus en plus.
Antoine Michel
Propos de Pascal Delwit recueillis par Patrick Chaboudez