Agnès Levallois, vice-présidente de l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient et chargée de cours à Sciences Po Paris, estime que le conflit dans la bande de Gaza est invisibilisé en raison du blocus subi par le territoire.
De ce fait, les journalistes internationaux ne peuvent y accéder. Les observateurs, de leur côté, reçoivent des autorisations à parcourir le territoire fortement limitées dans le temps - quelques jours à peine pour les responsables d'ONG comme Médecins sans frontières ou Médecins du Monde par exemple.
L'importance des rapports d'ONG
"C'est la raison pour laquelle il nous a paru important de documenter les rapports rédigés", explique la chercheuse dimanche dans l'émission Forum de la RTS.
La scientifique salue le travail réalisé par les médias et les représentants d'associations locales, qui permettent d'obtenir "des éléments de connaissance". Concernant le chiffre de 42'000 morts fournis par le Ministère de la Santé du Hamas, elle estime qu'il est véridique mais "sous-estimé" en raison du nombre de personnes portées disparues et des corps encore sous les décombres.
"Nous pouvons nous y fier" car dans les conflits précédents, les nombres donnés ont été vérifiés par les agences de l'ONU et "confortés pratiquement à l'unité près", développe-t-elle.
Des "animaux humains"
Peu après le 7 octobre 2023 et le massacre perpétré par le Hamas, le ministre de la Défense d'Israël Yoav Galant déclarait le "siège complet de la ville de Gaza", sans "électricité, nourriture, eau ou essence", mentionnant un combat contre des "animaux humains".
La chercheuse estime, après analyse de la stratégie menée par Israël depuis un an maintenant, que l'homme politique mobilisait en fait ce qualificatif pour les deux millions de Gazaouis, qui subissent des bombardements visant "officiellement les combattants du Hamas, mais indistinctement la population" civile.
L'objectif est de rendre le territoire et le quotidien "invivables" pour les habitants enfermés dans l'enclave. "L'aide humanitaire ne rentre plus" et 19 hôpitaux sur 36 "sont hors d'état de fonctionnement", détaille-t-elle.
"L'étau se resserre"
Agnès Levallois considère que l'Etat hébreu mène un "nettoyage ethnique" dans la bande de Gaza puisqu'il cherche à "faire partir d'un territoire sa population sans lui permettre de revenir", avec au moins 1,7 million de déplacés sur une population de 2,3 millions d'habitants. Mais la population n'a nulle part où aller.
"Petit à petit, l'étau se resserre", souligne-t-elle, alors que les Gazaouis ne peuvent fuir par Israël ou par l'Egypte. Ne reste que la mer. "C'est un conflit tout à fait unique", avec une population prise au piège, condamne la scientifique sur les ondes de la RTS.
Propos recueillis par Renaud Malik
Adaptation web: Mérande Gutfreund