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La colère des agriculteurs européens s'invite au sommet de l'UE à Bruxelles

Les agriculteurs européens ont siégé devant le Parlement européen toute la nuit
Les agriculteurs européens ont siégé devant le Parlement européen toute la nuit / L'actu en vidéo / 51 sec. / le 1 février 2024
Malgré les concessions de l'Union européenne, la colère des agriculteurs continue de s'étendre et un millier d'entre eux se sont déplacés jeudi vers Bruxelles, où les dirigeants européens sont réunis pour un sommet. Des blocages d'axes stratégiques ont également lieu dans d'autres pays d'Europe.

"Mille tracteurs ou engins agricoles" ont bloqué plusieurs rues de la capitale belge, siège des institutions européennes, a fait savoir un porte-parole de la police, précisant que les manifestants provenaient essentiellement de Belgique. "Pas d'agriculteurs, pas de nourriture", pouvait-on lire sur une banderole. Les organisateurs ont expliqué vouloir dénoncer "les folies qui menacent l'agriculture".

Des manifestants ont aussi jeté des oeufs sur le Parlement européen, allumé des incendies près du bâtiment et déclenché des feux d'artifice tandis que les policiers tentaient de les repousser à l'aide de canons à eau. Mercredi, des paysans français et belges ont bloqué "ensemble" un point de passage à la frontière entre les deux pays, dénonçant "la distorsion de concurrence" entérinée par les accords de libre échange, et réclamant "des annonces très fortes" jeudi.

Des rencontres agendées au sommet de l'UE

Le président français Emmanuel Macron doit s'entretenir avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen au sujet du "futur de l'agriculture européenne", a annoncé l'Elysée, avant l'ouverture du Sommet européen extraordinaire consacré au budget de l'UE et à l'aide à apporter à l'Ukraine.

Les aides dégagées mercredi par le gouvernement français - d'un montant global de 500 millions d'euros environ - comme les concessions de la Commission européenne, n'ont pas comblé les paysans. Leurs mobilisations se poursuivent en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne, et depuis jeudi, au Portugal.

Toutefois, jeudi soir, les syndicats majoritaires FNSEA et Jeunes agriculteurs ont appelé à suspendre les blocages en France, tout en promettant de rester vigilants sur l'application de nouvelles mesures annoncées peu auparavant par le Premier ministre Gabriel Attal (Voir encadré).

"Nous avons décidé qu'à l'heure actuelle, au vu de tout ce qui avait été annoncé (...), il faut qu'on change de modes d'action et donc nous appelons nos réseaux (...) à suspendre les blocages et à rentrer dans une nouvelle forme de mobilisation", a indiqué le président des JA Arnaud Gaillot, aux côtés du patron de la FNSEA Arnaud Rousseau, lors d'une conférence de presse à Paris.

Blocages au Portugal et en Espagne

Des centaines d'agriculteurs portugais ont bloqué plusieurs axes routiers dont deux passages à la frontière avec l'Espagne, afin de réclamer une "valorisation de leur activité". En Italie, des milliers d'agriculteurs, de la Sardaigne au Piémont, ont encore manifesté mercredi.

En France, la présidente du 2e syndicat agricole représentatif Coordination rurale (CR), Véronique Le Floc'h, a suggéré aux agriculteurs "qui souhaitent monter sur Paris" de "venir à l'Assemblée nationale" afin que les députés "puissent venir à leur rencontre". Selon la FNSEA de Haute-Loire (sud-est de la France), une cinquantaine de supermarchés a été visée dans la nuit de mercredi à jeudi par "environ 200 tracteurs" .

>> Voir le sujet du 19h30 du 31 janvier sur la France où la colère ne faiblit pas malgré les concessions de l'UE :

En France, la colère des agriculteurs ne faiblit pas malgré les concessions accordées par la Commission européenne
En France, la colère des agriculteurs ne faiblit pas malgré les concessions accordées par la Commission européenne / 19h30 / 2 min. / le 31 janvier 2024

juma avec agences

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Gabriel Attal annonce une nouvelle batterie de mesures

Le Premier ministre français Gabriel Attal a annoncé de nouvelles mesures jeudi pour calmer la colère des agriculteurs et dans l'espoir de voir se lever les barrages qui continuent de Paris à Bruxelles.

Les mesures annoncées jeudi répondent "à une grande partie des attentes" des agriculteurs, a assuré Gabriel Attal, qui "croi(t) profondément" qu'elles sont "de nature" à calmer la contestation. Mais, alors que la mobilisation se poursuit, le chef du gouvernement n'en est pas moins resté prudent, promettant que "le travail va se poursuivre".

Une enveloppe pour les éleveurs

Parmi les annonces de jeudi figure un renforcement des lois Egalim qui visent à empêcher que les producteurs ne fassent les frais de la guerre des prix féroces entre supermarchés d'une part, et distributeurs et fournisseurs de l'agro-industrie d'autre part. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a précisé que "toutes les grandes chaînes de supermarchés" seront "contrôlées dans les prochains jours" sur ce sujet.

Gabriel Attal a également annoncé une enveloppe de 150 millions d'euros en soutien fiscal et social aux éleveurs. Bruno Le Maire avait déjà annoncé une mesure de défiscalisation pour les éleveurs bovins en octobre. Mais la Fédération nationale bovine (FNB) avait fait part la semaine dernière d'une "déception extrêmement forte" des éleveurs à ce sujet.

Gabriel Attal a également annoncé le relèvement des seuils d'exonération sur les successions agricoles. Il s'est engagé à assouplir les règles imposant aux agriculteurs de maintenir des surfaces en prairies en appliquant "une dérogation à l'obligation de réimplantation pendant un an".

Les revendications des agriculteurs communes à l'UE

Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence déloyale étrangère (notamment d'Ukraine), excès de normes (par exemple leur accès à l'eau), flambée des prix du carburant: certaines revendications se retrouvent dans la plupart des pays européens.

Face à la colère qui s'exprime sur tout le continent européen, la Commission européenne a proposé d'accorder pour 2024 une dérogation "partielle" aux obligations de jachères imposées par la PAC et envisage un mécanisme limitant les importations d'Ukraine (volaille, oeufs et sucre). L'UE a levé les quotas et les droits de douane sur les produits alimentaires ukrainiens afin de soutenir le pays face à l'invasion russe.

>> Lire aussi : Face à la colère du monde agricole, la Commission européenne lâche du lest

Mais l'organisation agricole majoritaire dans l'UE, le Copa, a regretté que la dérogation intervient "tardivement" et que les mesures sur les importations restent "insuffisantes".

Autre sujet de friction qui reste en suspens à Bruxelles: la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole.

Mercredi soir le Premier ministre hongrois Viktor Orban est allé à Bruxelles à la rencontre des agriculteurs en colère, se plaçant du côté du "peuple" et fustigeant la concurrence "déloyale" des produits ukrainiens, au moment où le dirigeant nationaliste fait face à un front des autres 26 dirigeants européens sur l'aide à l'Ukraine.