Modifié

La CPI émet des mandats d'arrêt contre Benjamin Netanyahu et le chef de la branche armée du Hamas

La cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre Benyamin Netanyahu, Yoav Gallant et le chef militaire du Hamas
La cour pénale internationale a émis un mandat d'arrêt contre Benyamin Netanyahu, Yoav Gallant et le chef militaire du Hamas / 19h30 / 1 min. / hier à 19:30
La Cour pénale internationale (CPI) a émis jeudi des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, l'ancien ministre israélien de la Défense Yoav Gallant ainsi que le chef de la branche armée du Hamas Mohammed Deif.

"La Chambre a émis des mandats d'arrêt contre deux individus, M. Benjamin Netanyahu et M. Yoav Gallant, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis au moins à partir du 8 octobre 2023 jusqu'au 20 mai 2024 au moins, jour où l'accusation a déposé les demandes de mandats d'arrêt", a déclaré dans un communiqué la CPI, qui siège à La Haye.

La cour a également "émis à l'unanimité un mandat d'arrêt contre M. Mohammed Diab Ibrahim Al-Masri, communément appelé 'Deif', pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre présumés commis sur le territoire de l'État d'Israël et de l'État de Palestine depuis au moins le 7 octobre 2023".

Les mandats d'arrêt ont été classés "secrets", afin de protéger les témoins et de garantir la conduite des enquêtes, a déclaré la cour. Mais la CPI "considère qu'il est dans l'intérêt des victimes et de leurs familles qu'elles soient informées de l'existence des mandats".

Des "motifs raisonnables"

La CPI a déclaré avoir trouvé des "motifs raisonnables" de croire que MM. Netanyahu et Gallant étaient "pénalement responsables" du crime de guerre de famine comme méthode de guerre, ainsi que des crimes contre l'humanité de meurtre, de persécution et d'autres actes inhumains.

Les deux hommes "ont intentionnellement et sciemment privé la population civile de Gaza de choses indispensables à sa survie", notamment de nourriture, d'eau, de médicaments, de carburant et d'électricité, a ajouté la cour.

En ce qui concerne le crime de guerre de famine, la juridiction a déclaré que "le manque de nourriture, d'eau, d'électricité et de carburant, ainsi que de fournitures médicales spécifiques, a créé des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population civile de Gaza".

Cela a entraîné la mort de civils, y compris d'enfants, en raison de malnutrition et de déshydratation, a encore écrit la cour.

Demandes déposées en mai

Le procureur de la CPI Karim Khan avait demandé en mai à la cour de délivrer des mandats d'arrêt contre Netanyahu et Gallant (qui a été limogé début novembre par le Premier ministre israélien) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité présumés à Gaza.

>> Relire : La CPI demande un mandat d'arrêt contre Benjamin Netanyahu et des dirigeants du Hamas pour crimes de guerre

Karim Khan avait également demandé des mandats d'arrêt contre de hauts dirigeants du Hamas, dont Mohammed Deif, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Selon Israël, Deif a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza, bien que le Hamas nie sa mort.

Le procureur a depuis abandonné la demande de mandats d'arrêt contre le chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh et le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinouar, dont les morts ont été confirmées.

Des mandats d'arrêt à appliquer, selon l'UE

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a affirmé que les mandats d'arrêt émis jeudi par la CPI devaient être "appliqués".

"Ce n'est pas une décision politique. C'est une décision d'une cour, d'une cour de justice internationale. Et elle doit être respectée et appliquée", a dit Josep Borrell.

Un tournant pour la CPI 

Cette décision marque un tournant pour la CPI qui poursuit désormais des dirigeants puissants, renforçant sa crédibilité, relève dans Forum Philippe Currat, avocat spécialiste en droit pénal international. "On a souvent reproché à la Cour pénale internationale de protéger les gros poissons, les puissants, et de se concentrer uniquement sur les plus petits éléments qui pouvaient être à sa portée. Aujourd'hui, on le voit avec les mandats d'arrêt contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, mais aussi celui contre Vladimir Poutine, qu'elle n'hésite pas à poursuivre des puissants également. Elle est tout à fait crédible dans ce rôle."

"Au niveau du droit, la Cour a un mandat, celui de pouvoir obtenir le jugement des plus grands criminels de guerre, c'est-à-dire les auteurs des crimes les plus graves, en particulier lorsqu'ils exercent les plus hautes responsabilités", relève encore Philippe Currat.

Egalement interrogé dans Forum, Pierre-André Page, conseiller national UDC, doute au contraire de l'efficacité de cette décision: "La CPI a déjà lancé un mandat d'arrêt contre Vladimir Poutine et celui-ci a été reçu en grande pompe dans d'autres pays. C'est pour ça que je pense que cette Cour pénale internationale fait beaucoup de vent avec peu de choses".

>> Leurs interviews complètes dans Forum :

Mandats d'arrêt contre Netanyahu, Yoav Gallant et Mohammed Deïf: interview de Philippe Currat
Mandats d'arrêt contre Netanyahu, Yoav Gallant et Mohammed Deïf: interview de Philippe Currat / Forum / 6 min. / hier à 19:00

Pour Alain Werner, avocat spécialiste en droit international, cette décision est très importante. "Il y a 124 pays en tout cas la plupart d'entre eux, qui vont devoir respecter leurs obligations envers le Statut de Rome. Cela veut dire que Monsieur Netanyahu ne pourra plus aller à Londres, à Madrid, à Berlin, à Paris, à Genève. Il y a quand même maintenant, je pense, des conséquences qui vont s'appliquer".

>> Les explications dans le 19h30 d'Alain Werner, avocat spécialiste en droit international :

Benyamin Netanyahu sous mandat d'arrêt, les explications d'Alain Werner, avocat spécialiste en droit international
Benyamin Netanyahu sous mandat d'arrêt, les explications d'Alain Werner, avocat spécialiste en droit international / 19h30 / 3 min. / hier à 19:30

agences/lan

Publié Modifié

Un nouveau "procès Dreyfus", dénonce Netanyahu

La décision de la CPI limite théoriquement les déplacements de Benjamin Netanyahu, puisque n'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait obligé de l'arrêter sur son territoire.

Le gouvernement israélien a aussitôt accusé la CPI d'avoir "perdu toute légitimité" avec ses mandats d'arrêt "absurdes".

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a qualifié d'"antisémite" cette décision, s'estimant victime d'un nouveau "procès Dreyfus qui se terminera de la même façon". Condamné pour espionnage, dégradé et envoyé au bagne à la fin du XIXe siècle en France, le capitaine juif Alfred Dreyfus avait été innocenté et réhabilité quelques années plus tard.

Dans un message vidéo adressé à ses concitoyens, Benjamin Netanyahu acdéclaré jeudi soir qu'aucune décision extérieure ne l'empêcherait "de continuer à défendre" son pays "de quelque manière que ce soit". "Nous ne céderons pas à la pression", a-t-il ajouté.

Benjamin Netanyahu accuse la CPI d'être "partiale" et d'avoir émis des mandats d'arrêts internationaux contre lui et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, "sur la base d'accusations absolument sans fondement selon lesquelles nous aurions prétendument commis des +crimes contre l'humanité+" 

"Une étape importante vers la justice" pour le Hamas

Le Hamas a pour sa part salué l'émission par la Cour pénale internationale de mandats d'arrêt contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, la qualifiant d'"étape importante vers la justice".

Mais cette étape "reste modeste et symbolique si elle n'est pas pleinement soutenue par tous les pays du monde", a déclaré Bassem Naïm, membre du bureau politique du Hamas, dans un communiqué, sans faire aucune mention du mandat d'arrêt annoncé par la CPI simultanément contre Mohammed Deif, chef de la branche armée du mouvement islamiste palestinien.

Washington "rejette catégoriquement" les mandats d'arrêt

"Les Etats-Unis rejettent catégoriquement la décision de la Cour d'émettre des mandats d'arrêt contre de hauts responsables israéliens", a réagi un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.

"Nous restons profondément préoccupés par l'empressement du procureur à réclamer des mandats d'arrêt et par les erreurs troublantes dans le processus qui a mené à cette décision", a-t-il ajouté, en répétant que selon Washington "la CPI n'était pas compétente juridiquement dans cette affaire".