Haïti étant frappé par une triple crise politique, sécuritaire et humanitaire, cette démission ouvre sur une période de transition à haut risque.
Un chef de gang menaçait le pays de guerre civile si le Premier ministre ne démissionnait pas.
D'autant que le Premier ministre "n'a jamais été élu", expliquait Frédéric Thomas, chargé d'étude au Centre tricontinental (CETRI), dans une autre émission de Tout Un Monde. "Il est perçu comme le représentant de la communauté internationale, beaucoup plus que celui des Haïtiens et Haïtiennes, et a un bilan social, politique, économique et sécuritaire catastrophique. Au cours des 30 derniers mois, la situation sécuritaire et sociale, déjà très problématique, n'a cessé de se creuser."
>> Pour en savoir plus, lire : En Haïti, une spirale de violence ancrée dans des décennies d'instabilité
Les Haïtiens sentent qu'il y a un changement, pour du meilleur
Depuis l'annonce de la démission d'Ariel Henry, Olivier David, directeur dans ce pays d'Helvetas, qui réalise des projets de développement pour aider la population haïtienne, remarque "un apaisement".
"Dans mon bureau, les gens sont moins stressés (...), plus détendus et il y a une lueur d'espoir. Ça veut dire que les Haïtiens, mes collègues, les gens dans la rue (...), sentent qu'il y a un changement, pour du meilleur", précise-t-il dans Tout Un Monde mercredi.
Il ajoute que ce changement politique n'est pas la seule raison.
"Il n'y a pas eu que ça. Il y a la démission et il y a un nouveau Conseil présidentiel avec sept membres (...) qui ensuite élira un Premier ministre", note l'invité de la RTS.
>> Relire : Le Premier ministre Ariel Henry démissionne en pleine vague de violences en Haïti
La démission du Premier ministre a toutefois une autre conséquence plus problématique: la suspension de la mission des policiers kenyans en Haïti pour lutter contre les gangs. Ariel Henry y était en effet favorable.
>> Sur le sujet, lire : Une mission multinationale menée par le Kenya soutiendra la lutte contre les gangs en Haïti
Reprise des routes par les autorités...
La capitale Port-au-Prince, qui est en proie aux gangs depuis fin février, semble revenir en mains policières.
"Là, ça va mieux puisque les véhicules circulent dans la capitale", note le directeur pays d’Helvetas en Haïti. Il précise encore que certains de ses collègues qui y vivent et qui étaient encouragés à travailler depuis chez eux pendant la crise, "ont pu retourner au bureau", situé dans la capitale et à Jacmel (à une centaine de kilomètres de Port-au-Prince).
Et d'ajouter: "J'ai appris ce matin que les autorités ont repris le contrôle du port de Port-au-Prince (...) On espère que ça va se concrétiser sous peu et qu'on va aller vers une amélioration de la situation avec une reprise des vols et une reprise du contrôle par la police (...) Un Etat où les lois fonctionnent".
Il est aussi de nouveau possible d'acheter de l'essence, selon un ami d'Olivier David sur place.
... mais pas partout
En revanche, l'accès à Jacmel (sud-est) est toujours bloqué par les gangs. "Il y a encore plusieurs barrages qui ne permettent pas de se déplacer avec son véhicule", décrit Olivier David. "Donc on est obligé de prendre l'avion."
Sauf, qu'il n'y en a plus "depuis que l'aéroport n'est plus fonctionnel (après des coups de feu des gangs, ndlr), ça fait une dizaine de jours", précise encore le directeur d'Helvetas.
"Trouver un leader" pour sortir de la crise
Concernant le futur, "C'est aux Haïtiens de décider ce qu'ils veulent. C'est à eux de mettre en place un système qui leur correspond (...), qui fonctionne. C'est à eux de gérer leur pays", déclare Olivier David qui note que leur culture est différente de celles des Européens, donc qu'ils ne devraient pas faire de "copier-coller" d'un système mis en place en Europe.
Il reste confiant: "Je pense qu'ils vont trouver un leader ou un groupe de leader et c'est ce qu'ils sont en train de faire en ce moment".
"Il faut continuer à être optimiste et travailler pour le développement du pays", conclut-il.
Propos recueillis par Patrick Chaboudez
Adaptation web: Julie Marty
Présence sur le terrain d'Helvetas pas remise en question par la crise
Le directeur pays d'Helvetas l'assure, la présence de l'organisation en Haïti n'est pas remise en question.
"On est habitués. Ça fait 40 ans que nous sommes en Haïti (...) Bien-sûr, on peut mettre en stand-by nos activités quand ça devient trop tendu, mais de manière générale, on reste."
Pour faire face à la crise, une partie du personnel de Port-au-Prince avait été délocalisée en janvier vers Jacmel, où la situation est "bien meilleure".