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La difficile prise en charge des femmes de l'EI à Raqqa, en Syrie

L'EI attend plus globalement des femmes qu'elles se couvrent les mains et les pieds. [Eduardo Munoz]
Ces femmes mariées parfois de force avec des combattants de l'Etat islamique / Tout un monde / 5 min. / le 13 juin 2024
Au centre de la Syrie, Raqqa, encore traumatisée par les combats du groupe Etat islamique, fait face à un défi majeur. Après la chute de l'EI, les Kurdes ont d'abord arrêté les épouses des djihadistes. Mais un millier d'entre elles ont été libérées et renvoyées vers la ville, ce qui nécessite une gestion prudente.

La question du retour des femmes mariées aux combattants du groupe Etat islamique est régulièrement évoquée en Europe. Cependant, ce problème se pose également en Syrie.

Il y a dix ans, Raqqa était plongée dans la terreur imposée par Daech. Des milliers de djihadistes y ont afflué du monde entier. Sur place, ils se mariaient parfois avec des Syriennes. Ces femmes, souvent très jeunes, étaient soit contraintes par leurs familles, soit choisissaient l'union de leur propre gré.

Après la chute de l'EI en 2019 et leur arrestation, plusieurs d'entre elles ont été renvoyées chez elles à Raqqa, ce qui représente un défi immense pour la ville.

L'épouse d'un djihadiste australien témoigne

Souad est l'une de ces femmes de l'EI. Elle vit désormais dans un appartement à moitié vide au coeur de Raqqa avec ses deux fils, Omar et Mohamed, âgés de neuf et six ans. Durant la prise de pouvoir des djihadistes dans la région, elle a épousé un djihadiste australien qui est actuellement détenu dans une prison du nord-est de la Syrie.

Malgré les obstacles, Souad a réussi à retourner dans sa ville natale. "Quand je suis revenue à Raqqa, je n'avais ni maison, ni stabilité. Mes parents nous ont rejetés à cause de mes enfants. Mais, finalement, j'ai réussi à m'installer dans cet appartement", témoigne-t-elle jeudi dans l'émission Tout un monde.

Aujourd'hui, elle nourrit l'espoir que ses enfants puissent se rendre en Australie, le pays de leur père, pour y vivre notamment avec leurs grands-parents. Cependant, ils n'ont aucun certificat de naissance officiel et il est donc peu probable qu'ils réussissent un jour à rejoindre Sydney.

Grâce à mon mariage, j’ai épousé la cause. Maintenant, je suis pour le djihad armé et la loi de dieu.

Souad, épouse d'un djihadiste

Souad n’a pas été contrainte au mariage, elle a volontairement choisi d’épouser ce djihadiste étranger et elle assume sans hésitation son adhésion à l’idéologie de Daech. "Avant de me marier, je n’étais pas partisane du djihad armé, car notre communauté n’avait pas cette idéologie. Mais grâce à mon mariage, j’ai épousé la cause. Maintenant, je suis pour le djihad armé et la loi de dieu, ( ...) c’est toujours ancré en moi, Dieu merci", affirme-t-elle.

>> Voir aussi le reportage de Temps Présent dans les prisons syriennes :

Temps présent
Djihad sans retour / Temps présent / 46 min. / le 23 mai 2024

Les dangers d'une absence de prise en charge

En 2017, la coalition internationale a bombardé sans relâche la ville pour en chasser les derniers combattants de l'EI. Depuis lors, Raqqa n’a pas été reconstruite.

Près d’un millier de Syriennes ayant vécu au coeur du groupe Etat islamique sont revenues à Raqqa et la majorité d’entre elles sont veuves. L’ONG OxYGen suit avec attention plusieurs centaines d’entre elles, en particulier celles qui ont des enfants dont les pères sont étrangers.

Ces enfants ne peuvent pas suivre une scolarité et ne sont pas éduqués. Cette situation peut les pousser vers le mauvais chemin.

Bachar Karraf, président d'OxYGen

Ces filles et garçons n’ont actuellement aucune existence légale en Syrie, souligne Bachar Karraf, président d'OxYGen. Selon lui, c’est un énorme problème, car "ces enfants ne peuvent pas suivre une scolarité et ne sont pas éduqués. Cette situation peut les pousser vers le mauvais chemin et les mauvaises personnes".

Il craint que sa communauté ne puisse faire face à une telle situation une fois de plus. "Pour l’instant, cela n’a pas de grandes conséquences, mais dans le futur, cela pourrait avoir un impact très grave", ajoute-t-il. En effet, ces derniers mois, Daech a multiplié ses attaques dans la région, faisant craindre une reprise de la ville. En février dernier, l’ONU a aussi évoqué le risque d’une résurgence de l’organisation terroriste.

Sujet radio: Céline Martelet  

Adaptation web: Miroslav Mares

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